La Libye après la chute de Tripoli

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Il y a un temps pour lancer des pierres, et un temps pour ramasser des pierres, dit la Bible. Que les croyants me pardonnent d'avoir choisi cette phrase pour parler de la conférence internationale qui réunira les « Amis de la Libye » le 1er septembre prochain à Paris. La conférence qui est l’œuvre du président français Nicolas Sarkozy et du président du Conseil nationale de transition Mahmoud Jibril, traitera de l'effort à faire par la communauté internationale pour organiser la vie en Libye après la guerre. La citation biblique n'est qu'une métaphore. Les pierres, ce sont les bombes et missiles largués par l'OTAN et la coalition internationale sur Tripoli et autres villes libyennes. Ces bombardements ont beaucoup aidé aux forces du CNT.  A l'issue de la dernière opération militaire de ces six mois de combats, l'opposition a réussi à prendre le contrôle de Tripoli le 21 août dernier et s'est emparé le lendemain du QG de Kadhafi de Bab al-Aziziya. Quant au colonel et ses proches, ils ont quitté la capitale et se trouvent à Syrte, la ville d'origine de Kadhafi. C'est peut-être de Syrte que Kadhafi a de nouveau appelé ses partisans à la lutte armée dans un message sonore diffusé jeudi soir par la chaîne satellitaire Arrai basée en Syrie. « Il faut résister contre ces rats d'ennemis, qui seront vaincus grâce à la lutte armée », a-t-il. D'ailleurs, c'est Syrte qui a été bombardé par les avions de l'OTAN dans la nuit du 26 août.

La guerre continue donc en Libye. Et au président Sarkozy de déclarer « Les opérations militaires cesseront quand Kadhafi ne sera plus une menace ». A la question si les commandos français étaient présents au pays, le président français a répondu par la négative. Cependant, les propos présidentiels sont en quelque sorte contredits par les généraux français qui annoncent la présence de quelques dizaines de conseillers militaires sur le sol libyen. Le quotidien Daily Telegraph a rapporté mercredi que (citons) « pour la première fois, des sources au ministère de la Défense ont confirmé que des forces spéciales SAS (special air service) ont été déployées en Libye depuis plusieurs semaines et ont joué un rôle clé dans la coordination de la bataille de Tripoli ». Ces forces spéciales, qui sont camouflées en habits civils locaux et portent les mêmes armes que les forces d'opposition libyennes, ont reçu pour instruction de se concentrer sur la recherche du colonel Kadhafi, croit savoir le quotidien. Si on est du côté du méchant Kadhafi et rémunéré par celui-ci, on est donc mercenaire. Si on aide les « bons gars » du CNT de Benghazi, on est seulement conseiller militaires.

La date du 1er septembre n'est pas choisie par le président Sarkozy au hasard. Il y a 42 ans, le 1er septembre 1969, un groupe de jeunes officiers dirigé par Mouammar Kadhafi fait la révolution qui met fin au régime monarchique libyen. La coalition internationale et surtout le président français voudrait annoncer le début de la Libye nouvelle le 1er septembre 2011. La Libye nouvelle sans Kadhafi bien sûr. Nicolas Sarkozy était le premier chef d'Etat à avoir exigé le départ du colonel dès le 25 février. Le 11 mars il était le premier à avoir reconnu le CNT comme seul "représentant" du peuple libyen et à envoyer un ambassadeur dans leur fief de Benghazi, prenant même de court son propre chef de la diplomatie. Mais pourquoi ce désamour pour le leader libyen alors qu'il y a très récemment M. Sarkozy se présentait comme l'ami de ce dernier ? 

Mais revenons à notre citation biblique plus précisément à sa deuxième partie : « un temps pour ramasser des pierres ». C'est une autre métaphore : « ramasser des pierres » signifie en l’occurrence que l'Occident doit maintenant payer pour avoir aidé l'opposition libyenne de renverser le régime de Kadhafi. Payer de façon très concrète en concluant des contrats pétroliers à des conditions avantageuses. Et le combat contre le dictateur, les droits de l'homme dans  tout ça ? Voici l'opinion d'Oleg Peresypkine, l'ancien ambassadeur soviétique en Libye :

 « Tout cela est bien secondaire, à mon avis. Ce sont les raisons économiques qui priment. La politique est fonction de l'économie. Si l'on regarde la situation autour de la Libye sous cet angle, on comprend mieux. Aujourd'hui l'Europe vit une crise financière. La Grèce, l'Italie, le Portugal sont endettés. La situation des autres membres de l'OTAN et de l'Union européenne est également instable. Comment y remédier ? On peut augmenter les impôts mais les gens vont alors descendre dans les rues pour manifester. Mais on peut aller chercher de l'argent ailleurs. Je pense que c'est là qu'il faut chercher les raisons de l'opération militaire en Libye : c'est la volonté de l'OTAN et de l'UE de répondre à leurs soucis d'argent. Les avoirs libyens dans les banques américaines et européennes sont d'ordre 160-180 milliards de dollars. La Libye dispose également de biens immobiliers et des participations dans des entreprises à l'étranger. S'il est fini avec le régime de Kadhafi, il y aura d'autres gens qui vont diriger le pays et on pourra donc confisquer cet argent. C'est ce qu'on voit déjà. Les Etats-Unis viennent de dégeler 1,5 milliards de dollars d’avoirs libyens. Un tiers sera transféré au CNT alors que le reste sera utilisé pour acheter des produits américains à être envoyé en Libye au titre d'aide humanitaire. On peut imaginer combien vont aider à l'UE le dégel de ces quelques 160-180 milliards de dollars, bien sûr à la demande des autorités libyens, dit Oleg Peresypkine. Je crois que la composante essentielle des événements libyens et notamment de la participation active de l'OTAN et de la coalition internationale à ces derniers, est d'ordre économique ».

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