La Culture et les Arts 11.08.2011

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La Culture et les Arts 11.08.2011 - Sputnik Afrique
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Au  sommaire:

- Alexandre Soljenitsyne dans le miroir du temps

- Les étrangers entre l’Europe et l’Asie

- Le dernier de la ligne des maîtres-bourdons

- « Les mondes fascinants » des peuples autochtones

 

Alexandre Soljenitsyne dans le miroir du temps

« L’art défie la mort ». C’est par ces mots qu’Alexandre Soljenitsyne, grand écrivain russe, a conclu son discours prononcé à l’occasion de la remise du prix Nobel de littérature. Son chemin a pris fin il y a exactement trois ans. Son art, y compris sa recette de vivre envers et contre les vicissitudes du sort, se trouve aujourd’hui au foyer d’attention tant en Russie qu’à l’étranger.

Il faut prendre du recul dans le temps pour comprendre le message véritable laissé par un grand homme. C’est un axiome qui s’applique parfaitement à l’héritage littéraire de l’écrivain qui fait l’objet dans le monde entier d’une étude de plus en plus affinée et approfondie. Rien que cette année, plusieurs événements commémoratifs importants ont eu lieu en Russie et ailleurs. Une conférence internationale sous le nom « Alexandre Soljenitsyne, acteur de l’évolution de la Russie et du monde » s’est déroulée en juin dernier à Aix-en-Provence. Ses participants avaient la possibilité d’acheter des livres de l’écrivain traduits en français.

Moins d’un mois plus tard, le recueil des oeuvres tardives de l’écrivain « Apricot Jam and Other Stories », publiées pour la première fois en version anglaise, verra le jour en Grande Bretagne et aux Etats-Unis.

Il existe une marque de plus de l’intérêt que le monde porte à la personalité et à l’oeuvre de Soljenitsyne. Il s’agit d’un livre consacré à l’écrivain et ayant pour sous-titre « Penseur, historien et artiste » qui se compose uniquement d’articles des critiques étrangers. Leurs investigations sont principalement concentrées sur l’oeuvre maîtresse de l’écrivain, « L’Archipel du Goulag », qui est une véritable épopée mêlant la narration documentaire à la fiction et racontant l’époque des répressions staliniennes. De nombreux critiques littéraires ocidentaux sont convaincus qu’il s’agit là d’une oeuvre monumentale du XXème siècle.

Et enfin, une exposition d’envergure dédiée à Soljenitsyne se déroule à Genève du 14 mai au 16 octobre. Les visiteurs peuvent y voir de nombreuses pièces inédites dont des manuscrits littéraires, des jouets d’enfant et même des objets personnels qui accompagnaient l’écrivain dans sa vie de prisonnier politique au Goulag, à l’étranger après son exil et au cours des dernières années de vie passées dans sa maison dans les environs de Moscou.

Nombreux sont ceux qui pensent aujourd’hui que l’intérêt que suscite la personnalité de Soljenitsyne va au-delà de son héritage littéraire, publiciste et épistolaire, qui remplit au moins 30 volumes. « Sa grandeur tient au fait qu’à partir de l’incroyable matériau offert par le XXème siècle, il a su façonner une oeuvre de plus qui est sa vie », - pense le crique littéraire Pavel Bassinski. C’est le sentiment que l’on ressent à la lecture de la première biographie d’Alexandre Soljenitsyne en langue russe. Son auteure Lioudmila Saraskina y a travaillé pendant plus de 13 ans en recontrant régulièrement son « personnage » dont elle parle dans son interview à la Voix de la Russie comme de l’homme entièrement absorbé par le travail :

« C’était un homme difficile d’accès mais le travail était la clef qui ouvrait la porte. Si je venais à lui pour poser des questions sur son enfance ou sur sa mère, il n’y aurait pas de dialogue et il s’enfermerait dans sa coquille. Par contre, losqu’il voyait que je ne venais pas en quémandeuse mais après avoir fait un bon bout de travail, j’avais le droit à toute son attention parce que chez lui, le travail passait au-dessus de tout. C’est la conclusion principale que j’ai tirée de nos contacts. »

« J’ai été membre du jury du prix littéraire qui portait son nom, - poursuit Lioudmila Saraskina. Or, c’est lui qui lisait pratiquement tout ce qui était proposé pour le prix et pas nous qui avions plus de temps et de santé et étions plus jeunes. Tant qu’il pouvait marcher, il venait aux divers événements à la Maison de l’étranger russe qu’il avait créée à Moscou et continuait à s’adonner à fond à l’écriture même pendant les six derniers mois de sa vie. J’appelle cela la qualité du travail, la précision méticuleuse et le respect du travail d’autrui qui sont autant de souvenis inoubliables que j’ai gardés de lui. »

On notait souvent la capacité et même la persévérance dont Soljenitsyne faisait preuve dans le travail. Ces qualités étaient admirées par les uns et décriées par les autres. Quant au célèbre réalisateur Alexandre Sokourov qui avait consacré à Soljenitsyne un long documenaire, il voyait dans ce travail quotidien le sens suprême qui se confond avec le testament spirituel de l’écrivain. Le réalisateur voit Soljenitsyne en forestier qui « étudie, protège et déblaie son territoire ».

« Dans mon esprit, Alexandre Soljenitsyne est un forestier qui avait eu le temps de faire énomément de choses dans sa « forêt », - raconte Alexandre Sokourov. – Nous n’avons pas pu explorer toutes les parties de cette forêt. Mais quand nous aurons visité ses coins les plus reculés, nous découvrirons que Soljenitsyne était déjà passé par là. Il a déblayé les clairières, refait les sentiers au-dessous des arbres morts, fixé une passerelle en y ajoutant même une rampe pour nous permettre d’accéder facilement à l’eau claire et fraîche. Aussi pouvons-nous profiter désormais pleinement du soleil et de la sérénité que procure la frondaison des arbres et le chant des oiseaux... ».

Les étrangers entre l’Europe et l’Asie

Le pittoresque village russe de Chiriaïevo, riverain de la Volga, est depuis 1999 une véritable Mecque des peintres actuels qui se rassemblent ici un été sur deux à l’occasion de la Biennale d’art contemporain qui a pour nom « Entre l’Europe et l’Asie ». Cette fois, les artistes venus de Suède, de Russie, d’Allemagne, de France et du Kazakhstan ont choisi pour thème « Les étrangers » (4-30 août).

« En effet, il est parfois difficile de faire contacter entre eux les hommes dissemblables appartenant aux cultures différentes, - fait remarquer la commissaire de la Biennale Nelia Korjova. Or, notre Biennale a été justement inventée par les artistes pour commniquer, échanger des idées et concevoir des projets communs ».

Une équipe internationale composée d’une trentaine d’artistes a débarqué ici pour essayer de créer un produit artistique nouveau en s’inspirant de la métaphysique et de la vision du monde russes.

Le village de Chiriaïevo, situé dans la région de Samara, y prédipose réellement. C’est un lieu emblématique pour la culture russe. Vieux de 300 ans, ce village a été « découvert » aussi loin qu’en 1870 par le grand peintre réaliste russe Ilya Répine. Venu un jour ici à l’endroit où la Volga fait une boucle dans le décor des pittoresques monts Jigouliovski, il est resté pour toujours un fervent adepte de ces lieux. On voit par exemple un paysage du fleuve sur son fameux tableau « Les haleurs de la Volga » conservé au Musée russe de Saint-Pétersbourg. D’autres maîtes, comme le mariniste Aïvazovski, le paysagiste Chichkine et l’avant-gardiste Lentoulov, ont également fait des séjours à Chiriaïevo. Plus tard, c’était au tour des étudiants de venir ici en plein air pour se faire la main à la peinture des paysages. On peut donc dire que l’art contemporain s’est installé à Chiriaïevo il y a cent ans et ne l’a pas quitté depuis.

C’est la septième édition de la Biennale mais son thème est plus actuel que jamais. Les étrangers... La migration est devenue depuis 15 à 20 ans dans le monde entier un phénomène aussi remarqué que sensible. Les peintres actuels qui se heurtent souvent à l’incompréhension sont bien placés pour déceler les écueils et même les drames que provoque le voisinage des hommes et des cultures dissemblables. Conscient de ce problème, le peintre russe Evgueni Tchertopliassov a décidé de s’associer au projet « Les murailles de Chine ». Il est certain que « de même qu’un Chinois à l’étranger, le peintre contemporain est tout simplement obligé de se monter inventif pour survivre ».

La Chine est incontestablement un pays à la culture traditionnelle mais c’est en même temps un atelier d’assemblage à l’échelle mondiale parce que tout ce qui nous entoure porte globalement la marque « Made in China ». Notre travail s’y assimile à plus d’un titre.

Les artistes qui participent à la Biennale sont pendant deux semaines hébergés par les villageois et se préparent à l’événement central qui est le « show des nomades ». Le 20 août, l’équipe internationale se transformera en nomades et, accompagnée de spectateurs, suivra l’itinéraire artistique qui passera par le musée Répine, l’exposition des objets d’art crées au village et les grottes calcaires dans les monts Jigouliovski également aménagés en sites d’exposition. Plus d’un millier de personnes ont assisté au show des nomades à l’occasion de la dernière Biennale.

Le dernier de la ligne des maîtres-bourdons

« La taille et la beauté des cloches russes sont uniques au monde. » L’historien qui avait écrit ces lignes ne s’est point trompé, et le monument unique de l’art russe de fonderie du XVIIIème siècle, le célèbre Maître-Bouron installé il y a 175 ans sur  l’une des places du Kremlin de Moscou en constitue la preuve la plus tangible de tous points de vue.

La cloche est montée sur un piédestal comme une sculpture, de sorte que tous les visiteurs du Kremlin tombent en arrêt pour admirer cette merveille. On est surtout surpris par la taille de ce géant de plus de 6 m de haut et pesant environ 200 tonnes. Son décor unique avec des hauts-reliefs d’anges et de saints et trois registres de motifs végétaux a également de quoi susciter l’admiration. Mais la place centrale est réservée aux effigies ciselées des souverains et des souveraines russes à qui doit son apparition ce Maître-Bourdon qui devait symboliser la grandeur de la Russie.

Les cloches sont apparues en Russie plus tard qu’en Europe Occidentale mais ont vite conquis le pays, si bien que dès le XVIIème siècle, les maîtres fondeurs russes ont mis au point leur propre style qui se distinguait par une technique de coulée particulièrement complexe et la richesse du décor. La sonnerie russe a pris une puissance et une mélodie inégalées grâce aux secrets maîtrisés par les fondeurs.

Mieux encore, la Russie a surpassé tous les autres pays pour le nombre et le poids de ses cloches. Les plus grosses d’entre elles qu’on appelait les Maîtres-Bourdons étaient destinées aux carillons des cathédrales du Kemlin de Moscou. Leur dynastie a pris naissance en 1600 avec la cloche coulée sur l’ordre du tsar Boris Godounov mais la suite s’est révélée désastreuse parce que les maîtres-bourdons tombaient pendant les incendies ou cassaient en pleine sonnerie. Mais à chaque fois leurs fragments servaient à fabriquer de nouvelles cloches qui prenaient même du poids. Le Maître-Bourdon, installé depuis 175 sur son piédestal au Kremlin, est le dernier de cette lignée. Mais, à la différence de ses « ancêtres » qui ont  révélé au monde leur voix pareille aux roulements de tonnerre, celle-ci est restée muette. « Elle n’a jamais été hissée au sommet du clocher et la vie de cette cloche coulée sur l’ordre de l’impératrice Anna Ioannovna a pris un tour dramatique », - a raconé dans l’interview à la Voix de la Russie le directeur du Centre des carillons de Moscou Victor Charikov.

« L’impératrice qui était une femme ambitieuse a décidé de battre le record du tsar Alexis Mikhaïlovitch. Elle a presque réussi à mettre son projet à exécution après une première tentative infructueuse, quand un four s’est fendu pendant la coulée et le cuivre en fusion a commencé à s’en échapper. Les maîtres fondeurs de renom Ivan Motorine et son fils, ont décidé d’arrêter le travail craignant que le cuivre vienne à manquer. Un an plus tard, après avoir réparé le moule cassé, ils ont fait une nouvelle tentative, plus réussie cette fois. Mais par malheur, un terrible incendie a ravagé Moscou en été 1737 sans ménager l’enceinte du Kremlin et les structures en bois auxquelles était accrochée la cloche. Elle a basculé dans la fosse dans un tourbillon de flammes et, craignant que la cloche n’aille fondre sous la chaleur, les ouvriers se sont mis à l’asperger d’eau froide. L’incendie une fois maîtrisé, on a vu que la cloche s’était fissurée et qu’un « petit » fragment de 11 tonnes et demie s’en était détaché. »

Que fallait-il faire dans ces conditions? Sur l’ordre du Sénat, la cloche a été enterrée et provisoirement oubliée. Elle n’a été déterrée qu’à la fin du XVIIIème siècle pour être montrée aux personnalités de marque comme « la huitième merveille du monde ». « En 1812, à l’approche de l’armée de Napoléon, la cloche a été à nouveau enterrée par crainte du vandalisme des soldats français », - raconte Victor Charikov.

Il a fallu attendre 1834, quand le tsar Nicolas Ier a donné l’ordre de déterrer la cloche et de la nettoyer pour l’installer sur un piédestal au pied du Clocher Ivan le Grand, ce qui fut fait par l’architecte Auguste de Montferrand qui dirigeait les travaux. Le Maître-Bourdon n’a pas bougé depuis. C’est un symbole inégalé de la fonderie d’art russe parce que ce record n’a été battu par personne qu’il s’agisse de maîtres fondeurs européens, asiatiques, américains ou russes, - affirme Victor Charikov.

« Les mondes fascinants » des peuples autochtones

Le festival « Les mondes fascinants de la Russie ethnique » s’est ouvert en Russie le 9 août à l’occasion de la Journée internaionale des peuples autochtones du monde. Il s’inscrit au programme de l’Olympiade de la culture « Sotchi-2014 », c’est pourquoi, après avoir séjourné à Moscou, il se déplacera le 15 août sur les côtes de la mer Noire et se poursuivra jusqu’au 20 août dans les différentes localités de cette station balnéaire qui accueilleront en 2014 les participants des J.O. d’hiver.

C’est la septième édition des « Mondes fascinants » et chaque fois le festival gagne en nombre de participants. Le projet regroupe cette année les cultures d’une quarantaine de petits peuples autochtones résidant au Nord de la Russe au-delà du Cercle polaire, en Sibérie et en Extrême-Orient. Valentin Smirnitski, comédien de renom et organisateur du festival, pense que cet événement a de brillantes perspectives.

« Les mondes fascinants », c’est une véritable et belle fête de la culture du Nord de la Russie, - raconte Smirnitski. Je suis heureux que ce festival se porte bien parce qu’il me semble que la culture du Nord de la Russie conserve des liens fins, profonds et solides avec la nature, se trouve aux sources mêmes de la vie et a à ce titre une valeur aussi grande qu’impérissable. Les gens s’y inéresseront toujours.

Les yourtes - ces tentes en peau de renne où habitent traditionnellement les Inuits qui sillonnent la toundra, les petits ateliers mobiles des Tchouktches réputés pour leur sculpture sur ivoires de morse, les petits outils à broder en perles de verre sont autant d’objets qu’on peut à tout moment plier et emporter avec soi en se déplaçant avec les troupeaux de rennes. Pour d’aucuns cela relève d’un exotisme pur et simple, alors que pour les petits peuples autochtones ce sont des objets de culture matérielle qui leur permettent de préserver leur identité dans le monde contemporain. A propos, le festival présente les cultures des peuples qui comptent moins de 2000 personnes! Mieux encore, du peuple des Kareks, il ne reste plus que 8 personnes en tout et pour tout!

Les peuples autochtones du Nord de la Russie vivent traditionnellement de chasse, de pêche et d’élevage de rennes. Ces occupations sont également les principaux sujets de leurs oeuvres fokloriques. C’est depuis 40 ans que les chanteurs et les danseurs de l’ensemble « Haïro » qui habitent la presqu’île de Taïmyr de la région de Krasnoïarsk se consacrent à l’étude de l’art autochtone. « Haïro », le nom de l’ensemble, provient de la langue des Dolgans et signifie le lever du Soleil. Mais ce n’est pas un lever du Soleil banal que les habitants des contrées moyenes peuvent observer tous les matins. Il s’agit de la première apparition du Soleil après une longue nuit polaire ce qui place d’emblée cet événement sur un autre registre!

L’ensemble interprère le foklore musical des peuples du Nord dans leur manière authetntique, quand la danse se mue facilement en musique puis en une mise en scène, et quand la partiton musicale résonne tout d’un coup du bruit du vent et des vagues, des cris des oiseaux et du rugissement des bêtes. Les acteurs ont le mérite d’avoir littéralement tiré de l’oubli la guimbarde. C’est un instrument de musique ancien en forme d’une petite plaque de métal qu’on applique aux dents et qu’on entend jouer tout au long des prestations. D’ailleurs, les artistes de Taïmyr ont promis de profiter du festival pour apprendre à jouer de la guimbarde à tous ceux qui voudraient maîtriser cet instrument. Et, bien entendu, ils permettront aussi au public de jouer du tambourin qui est l’instrument patenté des peuples du Nord.

L’ensemble « Haïro » se produit souvent avec le groupe « Angt » du Kamtchatka en Extrême-Orient. Traduit de la langue koriak, ce mot signfie la fête ou la liesse.

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