L’industrie de la bière se prépare à vivre selon de nouvelles règles

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Les problèmes pleuvent sur l’industrie de la bière. La loi fédérale russe qui assimile la bière à un alcool et promettant beaucoup de problèmes aux brasseurs, est entrée en vigueur le 22 juillet.

Les problèmes pleuvent sur l’industrie de la bière. La loi fédérale russe qui assimile la bière à un alcool et promettant beaucoup de problèmes aux brasseurs, est entrée en vigueur le 22 juillet. La loi a été signée par le président russe Dmitri Medvedev le 20 juillet. De plus, on élabore un nouveau règlement technique qui interdira aux brasseurs d’utiliser tout produit de céréales, à l’exception du malt d’orge.

Les initiateurs des innovations déclarent que le seul objectif de ces lois est de lutter contre l’alcoolisme dans la société russe, mais le caractère des initiatives anti-alcool suggère qu’il s’agit probablement d’une confrontation entre deux groupes influents du marché de l’alcool: les brasseurs et les producteurs de vodka.

L’époque difficile des changements
La lutte autour du projet de loi sur la régulation gouvernementale de la production et de la vente d’alcool, y compris de la bière, était féroce. La seconde lecture, initialement prévue pour avril 2011, puis mai, puis juin, était sans cesse reportée. Ce qui n’est pas étonnant: dans les années 1990, les compagnies brassières ont tout fait pour que leurs produits obtiennent le statut particulier de "non alcoolisés", échappant du même coup aux nombreuses restrictions imposées aux producteurs d’autres boissons alcoolisées. Aujourd’hui, en un claquement de doigts, les brasseurs pourraient perdre tous leurs privilèges.

L’assimilation de la bière à l’alcool signifie l’interdiction de la publicité pour cette boisson à la télévision, dans les lieux publics et dans la presse écrite, à l’exception des supports spécialisés, l’interdiction de la vente la nuit, l’interdiction de vendre de la bière dans les kiosques, etc.

Licences, licences, licences….
Mais les brasseurs pourraient sortir relativement indemnes de l'interdiction de la publicité et de la vente de la bière dans les kiosques. Les trois quarts du marché de la bière sont contrôlés par des compagnies transnationales, qui ont suffisamment de ressources pour élaborer de nouvelles stratégies marketing et changer les schémas logistiques. En cas d’adoption du projet de loi, le plus gros problème serait alors la procédure de délivrance des licences et les nouveaux règlements techniques.

L’attribution des licences de production est un problème général sur le marché de l’alcool. Cette année, selon la société juridique Pepeliaïev Groupp, plus de 500 producteurs d’alcool devraient obtenir de nouvelles licences. Mais comme le montre la pratique, cela reste difficile, même pour les compagnies qui ont fait leur preuve par le passé.

Début 2011, l’un des plus grands producteurs d’alcool léger, l’usine Bravo Premium de Saint-Pétersbourg, a dû suspendre son activité pendant plus de deux mois parce qu'elle n'avait pas de licence. En mars 2011, la Compagnie vinicole de Kouban et le plus grand fabricant russe de cognac, l’Usine de vin et de cognac de Moscou KiN, ont également dû suspendre leur production.

Jusqu’à présent, en raison de leur statut "non alcoolisé", les brasseurs étaient libérés de l’obligation d’avoir une licence pour pouvoir produire. Mais maintenant que la bière est assimilée à de l'alcool, ils seront concernés par la nécessité d’obtenir la licence.

Qu’est-ce qui est plus nuisible?
En Russie, et la bière et la vodka sont aussi accessibles l'une que l'autre. En province, la bière coûte environ 50-60 centimes d’euro (l’équivalent de deux miches de paix), et le prix minimal d’une bouteille de vodka est d’environ 2,25 euros. Le rapport de prix est d’environ ¼, voire 1/2, si on prend en compte l’alcool de contrebande. Et à l’époque soviétique ce rapport était de 1/10.

Beaucoup d’experts, qui se plaignent de l’accessibilité excessive de la bière, affirment que l’augmentation du prix de l’alcool fort est inadmissible, car elle conduirait à la hausse de la production illégale et de la contrefaçon (aujourd’hui, elle dépasse les 50% du marché).

Les partisans des restrictions sur la bière, dont beaucoup sont liés aux milieux d’affaires de l’alcool, arguent que c'est l’accessibilité de la bière qui coûte cher à la société russe. Sur le site de l’Association des producteurs d’alcool (qui représente les producteurs d’alcool fort) la bière est qualifiée de principal responsable de l’initiation précoce à l’alcool des adolescents de 13-15 ans. "La bière est une boisson alcoolisée qu’il est nécessaire de contrôler strictement. Il existe en Russie tout une génération de la bière", déclare le directeur du Centre d’études des marchés fédéral et régional d’alcool (CEMFRA) Vadim Drobiz. L’expert argumente par des chiffres: entre 1995 et 2007 la consommation de bière en Russie a été multipliée par 5,5, en passant de 15,5 litres à 81 litres par personne et par an.

Les brasseurs et les experts qui les soutiennent se réfèrent à l’expérience internationale. Le président de la compagnie Otchakovo, Alexeï Kotchetov, a déclaré à plusieurs reprises qu’en Occident la bière était séparée des autres boissons alcoolisées et constituait une catégorie à part. Il existe des restrictions moins strictes concernant la bière par rapport aux alcools forts, précisément afin de lutter contre l’alcoolisme.

"Dans le monde on a souvent lutté contre l’alcoolisme en diminuant la concentration d’alcool", explique la directrice du Centre scientifique de toxicologie Evguenia Kochkina. "Plus l’alcool est fort et plus ses conséquences pour l’organismes sont destructrices."

Cet avis est rejoint par les experts de l’Ecole russe de l’économie, qui au printemps 2010 ont présenté les résultats d’une étude détaillée sur la "Consommation d'alcool en Russie: impact sur la santé et la mortalité" (financée par la compagnie brassière SAB Miller). La conclusion de l’étude est la suivante: les nuisances provoquées par de l’alcool fort sont supérieurs à celles qu'engendre la consommation fréquente de bière et de vin.

Les experts soulignent que tout alcool est néfaste, mais sa concentration dans la bière est moindre. Au sens figuré, une bouteille de vodka correspond à cinq litres de bière, et il est physiquement impossible de boire autant de liquide d’un seul trait. En partant du principe de la minimisation des méfaits, les autorités des pays européens s’efforcent d’orienter la population vers la consommation de boissons plus faiblement alcoolisées.

L’augmentation générale de la consommation d’alcool
Les opposants à la "liberté de la bière" affirment qu’aucune substitution ne se produit. "La théorie de la substitution des alcools forts ne se confirme pas, indique le site de l’Association des producteurs d’alcool. La majorité des experts constate une augmentation parallèle de la consommation de bière et d'alcools forts parmi les adolescents et les jeunes."

Selon Vadim Drobiz, entre 1995 et 2007, lorsque la consommation de bière a été multipliée par 5,5, la consommation d’alcools forts a augmenté elle aussi de plus de 20%.

La diminution de la production de bière à partir de 2008 n’est pas assimilée par Vadim Drobiz à la hausse des taxes sur la bière, ni non plus à la crise économique, mais à la crise démographique en Russie. A partir du milieu des années 1990, ce sont principalement les jeunes de 13-15 ans qui sont venus grossir les rangs des amateurs de bière. La diminution significative de la natalité à partir de 1990 a conduit à la diminution de l’afflux de nouveaux consommateurs de bière.

Le directeur du CEMFRA estime que la lutte contre l’alcoolisme en Russie par l’augmentation des prix est inutile. Car selon l’expert, la principale cause de l’alcoolisme au sein de la population ce n’est pas l’accessibilité de l’alcool, mais la pauvreté chronique et l’absence de perspectives sociales pour une grande partie de la population.

La diminution du taux d’alcoolisme en Europe depuis les 40 dernières années? Vadim Drobiz l'explique par la formation d’une société de consommation développée et non pas par une politique fiscale draconienne.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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