Kadhafi promet de mourir pour son pétrole

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Mouammar Kadhafi a appelé ses partisans à mourir en défendant le pétrole, cependant la majeure partie des réserves pétrolières de la Libye se trouvent à l’Est du pays, dans les régions qui sont principalement contrôlées par les rebelles.

Mouammar Kadhafi a appelé ses partisans à mourir en défendant le pétrole, cependant la majeure partie des réserves pétrolières de la Libye se trouvent à l’Est du pays, dans les régions qui sont principalement contrôlées par les rebelles. Ces derniers veulent se battre, mais ce n’est pas uniquement en raison du soutien militaire de l’OTAN. La décision de la plus haute importance prise à la fin de la semaine dernière par le Groupe de contact pour la Libye en est une autre. Le système des relations internationales continue à évoluer rapidement sous nos yeux, et la Russie n’a pas encore déterminé quelle attitude adopter à l’égard de la situation libyenne.

Les LRM soviétiques Grad

Lundi, les rebelles libyens entreprendront un nouvel assaut, probablement décisif, sur la ville clé de Marsa El Brega, dans le Nord-Est du pays. Cette ville offre des avantages stratégiques car une partie significative du pétrole et des hydrocarbures destinés à l’exportation transite par ce port méditerranéen. Cette ville possède également la première raffinerie du pays, construite il y a plus d’un demi-siècle, et plusieurs usines de produits chimiques.

Samedi, les lance-roquettes multiples (LRM) Grad de fabrication soviétique, qui sont en service dans l’armée gouvernementale libyenne, ont repoussé les rebelles sur leurs anciennes positions à 20 kilomètres de la ville. Les rebelles ont perdu au moins dix hommes et près de 200 d'entre-eux ont été blessés. Cependant, après une trêve, dimanche, et même si l’armée de Kadhafi possède encore des munitions soviétiques, les rebelles ont signifié leur intention de prendre définitivement ce centre industriel, même s'il a déjà changé de "propriétaire" à plusieurs reprises.

En réponse à сes plans, le colonel Mouammar Kadhafi a appelé ses partisans à "mourir en défendant leur pétrole afin que les traîtres obéissant à l’OTAN ne puissent pas s’en emparer." Son assistant Moussa Ibrahim a tenu un discours similaire: "Nous sommes prêts à tuer et à mourir pour notre pétrole." Le week end dernier, à Triploli, la capitale, et dans plusieurs autres villes de l’Ouest du pays (par exemple à Az-Zawiya où se trouve une raffinerie), des manifestations de soutien envers les autorités ont eu lieu. Cela n’a pas troublé l’opposition. La majeure partie des réserves pétrolières se trouvent à l’Est, une zone qui est déjà majoritairement sous leur contrôle.

En outre, ce n’est pas tant l’appui aérien de l’OTAN deux fois plus intense durant ce weekend, mais les décisions internationales d’importance cruciale qui ont été prises, qui ont renforcé la détermination des forces rebelles éparpillées.

Si sur le front on ne voit toujours pas une partie prendre l’avantage, au niveau diplomatique on a assisté à un événement décisif qui se rapporte non seulement à la situation en Libye mais également à l'ensemble du système des relations internationales. Le fait est que les ministres des Affaires étrangères de pratiquement 40 pays influents, lors de leur réunion à Istanbul le 15 juillet, ont officiellement annoncé pour la première fois que le renversement du colonel Mouammar Kadhafi et de son régime en place depuis 1969 était l’objectif de la campagne militaire.

Cela est clairement indiqué dans la déclaration finale approuvée à l’issue des négociations qui se sont tenues dans le cadre de l’activité du Groupe de contact pour la Libye à Istanbul. Le Groupe inclut tous les membres de l’OTAN, ainsi que certaines puissances arabes et africaines.

L’OTAN dévoile pour la première fois ses objectifs en Libye

"Le régime de Kadhafi n’est plus le pouvoir légitime en Libye. Kadhafi et les membres de sa famille doivent partir", indique le document. Les ministres ont convenu de maintenir des contacts avec le seul Conseil national de transition (CNT) qui sera désormais "la structure du pouvoir légitime en Libye." Ainsi, l’Alliance, qui dirige l’opération en Afrique du Nord depuis le 31 mars et jusqu’à fin septembre au moins, a pour la première fois soutenu l’une des parties dans un conflit civil et s’est fixé pour but de changer le régime d'un pays souverain.

En Yougoslavie, à la fin des années 1990, ce bloc militaro-politique, à titre de comparaison, agissait de manière plus discrète. Des élections ont été organisées dans le pays un an à peine après les bombardements de l’OTAN. En fin de compte, Slobodan Milosevic a perdu le pouvoir et a été jugé par le Tribunal international, mais à l’époque, l’OTAN agissait plus modestement. Et en 2003, bien que le régime de Saddam Hussein ait été renversé en Irak grâce à une intervention étrangère, ce n’était pas une opération de l’OTAN. A l’époque la coalition était dirigée par les Etats-Unis, car tous les membres de l’Alliance n’avaient pas accepté de participer à cette aventure.

Aujourd’hui, nous assistons à un phénomène tout à fait nouveau, et le paradoxe est que l’OTAN se réfère à la résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations Unies du 17 mars. Quelques jours avant le début de l'opération, ce document a soi-disant donné le droit de "protéger la population libyenne" par tous les moyens possibles. Lors du vote, la Russie s’est abstenue, mais par la suite le président russe Dmitri Medvedev a déclaré à plusieurs reprises qu’à sa grande surprise les pays de l’OTAN "[étaient] sortis du cadre du mandat délivré par le Conseil de sécurité."

Toutefois, même au début des bombardements en Libye par les chasseurs français dans la soirée du 19 mars, le commandement de l’OTAN s’est empressé d’assurer qu’un changement de régime dans ce pays souverain n'était pas dans ses intentions. L’objectif officiel de cette guerre (qui dure depuis quatre mois) était de protéger les rebelles à l’Est du pays. Ainsi, le chef d'état-major interarmées des Etats-Unis, l’amiral Michael Mullen, a déclaré le 20 mars après la première nuit de bombardements: "Les objectifs de la campagne militaire sont limités. Dans tous les cas, l’opération des forces de la coalition en Libye n’a pas pour but de renverser le dirigeant du pays Mouammar Kadhafi."

L’opposition libyenne recevra l’argent de Kadhafi

Et ce n'est qu'aujourd’hui que les dirigeants de l’opération reconnaissent ce que bon nombre de personnes pensaient depuis le début: cette guerre a des objectifs bien plus ambitieux. Pour l’opposition libyenne cela signifie qu’elle pourrait officiellement recevoir une importante somme d’argent, investi jusqu'à présent dans des banques étrangères et des fonds d’investissement par le gouvernement actuel. Rien qu’aux Etats-Unis, il y a près de 30 milliards de dollars. Et le gouvernement libyen et la famille de Kadhafi ont également des actifs en Italie, en France, aux Emirats Arabes Unis et dans d’autres pays. Depuis le début de la guerre ils ont été gelés, mais on propose déjà de donner cet argent à l’opposition.

Cela signifie également que l'ensemble du système des relations internationales continue à changer sous nos yeux. La Russie est dans une certaine confusion. Moscou n’a pas encore déterminé l'attitude à adopter dans la crise libyenne. D’une part, la Russie s'oppose toujours au renversement de Kadhafi par de tels moyens, mais d’autre part, depuis mi-mars le président russe Dmitri Medvedev a inscrit le colonel Kadhafi, les membres de sa famille et les chefs des forces de sécurité libyens sur la liste des personnes interdites de séjour en Russie. D’une part, la Russie s’opposait à une guerre aussi longue et d’une telle envergure en Libye, mais d’autre part, elle n’a pas opposé son véto à la résolution du Conseil de sécurité, dont les formulations imprécises ont permis aux membres de l'OTAN de l'interpréter de manière très large, ce qui était tout à fait prévisible.

Moscou n’est pas en mesure et n’a pas l’intention de sauver Mouammar Kadhafi. Les émissaires de l’opposition libyenne se rendent déjà dans la capitale russe, et le représentant spécial du président russe, Mikhaïl Marguelov, les rencontre à Benghazi. Néanmoins, la Russie a rejeté les invitations à participer aux réunions du Groupe de contact pour la Libye: le représentant de la Russie n’a pas assisté à la réunion à Istanbul, bien qu’on y ait discuté l’avenir d’une région importante de l’Afrique du Nord.

La Russie souhaite probablement que le changement de systèmes dans les relations internationales se fasse sans sa participation; en fait, c’est ce qui se passe. L'essentiel sera de ne pas manquer les opportunités au moment où le nouveau système sera érigé sur les ruines de l’ancien, c'est l'objectif à ne pas perdre de vue. Mais en ce qui concerne la Libye en particulier, il ne faut pas oublier qu’après la guerre les contrats pour la reconstruction du pays vaudront des milliards, et les projets que la Russie avait en vue auparavant seront toujours d'actualité.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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