Personnes âgées en Russie: les exclus du système de santé

© RIA Novosti . Ruslan KrivobokPersonnes âgées en Russie: les exclus du système de santé
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Chaque année, au moins 4 millions de personnes âgées en Europe sont victimes de violences physiques: on leur inflige des coups, des blessures, on les prive de liberté de déplacement, on ne leur administre pas les soins médicaux nécessaires, selon une étude de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) "Rapport européen sur la prévention de la maltraitance envers les aînés."

Chaque année, au moins 4 millions de personnes âgées en Europe sont victimes de violences physiques: on leur inflige des coups, des blessures, on les prive de liberté de déplacement, on ne leur administre pas les soins médicaux nécessaires, selon une étude de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) "Rapport européen sur la prévention de la maltraitance envers les aînés." La médecine russe officielle, dans son dispositif actuel, est encore moins apte à aider les personnes âgées, estiment les experts qui proposent diverses options pour sauver les personnes âgées en Russie.

Un groupe de population vulnérable

En 2000, la population mondiale de troisième génération (plus de 60 ans) se chiffrait à 590 millions de personnes. En 2025, le nombre de personnes âgées atteindra 1 milliard d'individus. Selon les prévisions des démographes, en 2015 une personne âgée sur trois appartiendra au groupe des aînés de 75 ans et plus.

Selon les statistiques démographiques russes, le vieillissement de la population en Russie est le plus prononcé dans la partie européenne du pays (les régions Nord-Ouest, centrale, de Volga-Viatka, Centre-Tchernozem). Selon les spécialistes, cette tendance nécessite un développement progressif de gérontologie et des services de gériatrie, l’amélioration de la qualité du travail social, notamment dans les régions éloignées. Mais la santé des personnes âgées est un thème particulièrement impopulaire, et on s’en souvient seulement le jour de la fête de la Victoire.

Selon les participants à la table ronde, qui s’est tenue récemment à la Douma (chambre basse du parlement russe) "il n’y a eu aucun changement structurel ni fonctionnel dans le milieu de la santé depuis des dizaines d’années", et "des prestations financières et programmes isolés ne résolvent rien." Et il est clair que les groupes de population les plus vulnérables, à savoir les habitants des régions éloignées et les aînés, souffrent le plus de cet éventail de problèmes de la santé publique en Russie.

Le problème de l’éloignement de l’aide médicale, très prononcé dans les zones rurales, est particulièrement aigu pour les personnes âgées. Ces personnes sont condamnées à mourir, car elles sont tout simplement incapables de se rendre jusqu’aux chefs-lieux des régions en raison du manque d’argent et de l’absence de transports.

Selon les experts, actuellement, dans la majorité des villages de 400-500 habitants, il n’y a aucun médecin. "Dans la région de Tomsk il existe ce qu’on appelle l’île de la mort (l’île Nazine), déclare Pavel Vorobiev, membre du comité exécutif du mouvement Pirogov des médecins de Russie, titulaire de la chaire de gériatrie et d’hématologie de l’Université de médecine de Moscou Setchenov. Sa population est de 400 habitants, principalement des aînés et des vieillards. Mais il y a également des enfants. Il n’y a qu’un seul pédiatre, qui s’apprête à prendre sa retraite. L’hôpital local est fermé. Le médecin travail dans l’école, où on a mis à sa disposition un petit bureau. Il n’y a qu’une ancienne fraise de dentiste et peu de médicaments. Qu’en sera-t-il quand ce médecin partira?"

"Il existe un grand nombre d’endroits sans médecins, déclare le professeur Vorobiev. Nous avançons à grand pas vers la disparition de la médecine dans les endroits éloignés: il y aura des centres médicaux flambant neufs dans les grandes villes, mais cela ne rendra pas la vie des vieillards plus facile."

"En raison de la réduction du nombre des établissements de soin dans les villages et les petites villes, leurs accessibilité n’a fait qu’empirer, explique le président de l'association des spécialistes de la médecine factuelle, le professeur Vassili Vlassov. Et, apparemment, aucune amélioration n’aura lieu en cours du processus actuel de modernisation."

La médecine payante, un obstacle de taille

Le coût des soins médicaux est un autre problème. Selon diverses estimations (Centre panrusse d’étude de l’opinion publique, le centre d’analyse Levada, l’agence de marketing Farmexpert), les versements en espèces de la population équivalent à 30%-60% des dépenses de santé du pays. L’analyse de la situation matérielle des aînés soignés à domicile montre que près de 30% ont des revenus situés en dessous du minimum vital, soulignent les experts.

En particulier, les personnes âgées sont directement concernées par la réduction significative des places dans les hôpitaux psychiatriques. Selon les experts, en Russie 16% des patients souffrant de troubles psychiques ont besoin de soins hospitaliers. En raison de l’absence de traitement ambulatoire approprié, jusqu’à 20% des patients sont hospitalisés une nouvelle fois. Depuis que les autorités centrales ont délégué aux régions leurs compétences en matière d'assistance psychiatrique, le nombre d’hôpitaux psychiatriques s’est réduit de 16% (au cours des cinq dernières années), et avant tout dans les petites villes et villages.

Les personnes âgées souffrant de troubles psychiques ne se déplacent pas chez le médecin même pour obtenir des médicaments. Les pharmacies sont également inaccessibles pour les personnes âgées. Une pharmacie n’est rentable que si elle dessert 1.700-2.000 personnes.

Les pharmacies "de village" sont principalement concentrées dans les chefs-lieux des districts, elles n’existent pratiquement pas dans les localités de moins de 2.000 habitants. La décision du ministère russe de la Santé et du Développement social d’autoriser la vente des médicaments dans les points de premier secours est loin d’avoir partout résolu le problème de l’accès aux médicaments: il n’existe ni personnel, ni locaux, ni transports.

Malgré le développement des technologies modernes dans le monde, y compris en Russie, le remplacement des articulations importantes (hanche, genou) est soumis à des quotas et reste difficilement accessible. L’angioplastie des artères coronaires, stoppant le développement de l’infarctus du myocarde, n’est réalisée que dans quelques villes du pays. La pose de prothèses dentaires est une prestation inaccessible. Un grand nombre de personnes âgées souffrent de glaucome et de cataracte.

Seuls les paramédicaux pourront aider?

Le diagnostic de la tuberculose, de la septicémie, de l’embolie pulmonaire, des infections des voies urinaires et du cancer posé avec retard chez les personnes âgées est un phénomène courant en Russie. Et en raison de l’accès difficile à l’aide médicale pour ce groupe de population, les aînés restent simplement abandonnés, estiment les experts.

La spécialité de médecin gériatre a été introduite en Russie en 1994, mais le rôle de ce spécialiste dans la chaîne primaire de la santé publique n’est pas déterminé avec précision, ses fonctions et ses obligations ne sont pas pleinement appliquées. On n’enseigne pas cette spécialité aux médecins, la gérontologie en tant que discipline disparaît en Russie.

En l’absence de programme d’Etat pour dispenser des soins médicaux et sociaux à ce groupe de population, il est certainement impossible de changer la situation, estime M. Vorobiev. Les quelques centres de gériatrie dans les hôpitaux russes ne forment pas un système cohérent, et chacun d’eux fonctionne de manière isolée, selon les experts.

En Russie, le développement de l'auto-assistance médicale et de l’aide mutuelle, ainsi que la création de services paramédicaux dont les membres (pompiers, policiers, conducteurs de moyens de transport en commun, hôtesses de l’air et contrôleurs dans les trains), qui devraient recevoir des compensations supplémentaires pour les premiers soins apportés, est devenu plus que jamais indispensable. La santé publique à elle seule ne peut pas dispenser toute l’aide nécessaire dans les villages.

A la table ronde organisée à la Douma, il a été proposé de mettre en œuvre un système radicalement neuf d'aide sociale: il faut verser, comme aux travailleurs sociaux, une indemnité aux enfants qui prennent soin de leurs parents âgés.

Les experts se réfèrent également à l’expérience internationale de création de systèmes d’aide mutuelle entre les personnes âgées, de systèmes de soins permanents (cohabitation provisoire des travailleurs sociaux avec les aînés seuls, de maisons de séjour permanent pour les aînés avec des soins gérontologiques intensifs, de maisons de soins infirmiers, etc.).

Le problème est que beaucoup d’aînés russes ne survivront pas jusqu’au jour de la création d’au moins un de ces systèmes.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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