Loukachenko, cible d'innombrables griefs de la part de la Russie

© RIA Novosti . Ilya Pitalev / Accéder à la base multimédiaAlexandre Loukachenko
Alexandre Loukachenko - Sputnik Afrique
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Le président biélorusse Alexandre Loukachenko a convoqué vendredi, le 17 juin, une grande conférence de presse lors de laquelle il a déclaré qu’il ne renoncerait en aucun cas au modèle de développement socio-économique du pays que son gouvernement et lui-même avaient choisi pour la Biélorussie.

Le président biélorusse Alexandre Loukachenko a convoqué vendredi, le 17 juin, une grande conférence de presse lors de laquelle il a déclaré qu’il ne renoncerait en aucun cas au modèle de développement socio-économique du pays que son gouvernement et lui-même avaient choisi pour la Biélorussie. Par la même occasion le président biélorusse a fortement fustigé les médias étrangers qui tentent de "secouer la barque biélorusse par le biais d’Internet" et a également condamné les forces qui "se dressent le long de nos frontières et attendent avidement notre effondrement rapide."

Il semblerait que ces propos du président biélorusse constituent, notamment, sa réaction au signal clair en provenance de Russie notifiant à Alexandre Loukachenko la fin de la période des privilèges et des concessions accordés par la Russie. Cet avertissement émanait d’Alexeï Koudrine, ministre russe des Finances et vice-premier ministre de la Fédération de Russie. Le fonctionnaire russe haut placé a, en fait, rappelé au chef de l’Etat biélorusse que la pérennisation de son "modèle de développement socio-économique" était impossible sans l’aide extérieure, autrement dit sans le soutien de la part de la Russie.

Le gouvernement russe se dit préoccupé

Alexeï Koudrine a annoncé aux journalistes que le gouvernement russe "[était] préoccupé par les mesures de restriction prises par l’administration biélorusse frappant les médias russes". Il a également déclaré que le gouvernement de la Fédération de Russie ne resterait pas sans réaction face à ce genre de démarches. Toutefois, ce ne fut que l’avant-propos. Le ministre a ensuite expliqué ses idées sans mâcher ses mots.

"Nous constatons les atteintes à la liberté d’expression [en Biélorussie], ainsi que des démarches irrespectueuses ou hostiles à l’égard des médias russes. Malheureusement, nous serons obligés d'en tenir compte lors de la prise de décision portant sur l’octroi de nouveaux crédits. Si ces mesures restrictives se réitèrent dans les mois à venir, nous nous réserverons, certes, le droit de limiter notre soutien à la Biélorussie en termes d’octroi de crédits", a déclaré M. Koudrine en explicitant la position du gouvernement russe.

D’aucuns pourraient se dire que le grand argentier russe joue un rôle qui n’est pas le sien. C’est plutôt aux porte-paroles du ministère russe des Affaires étrangères, voire au chef de l’Etat russe, qu’il appartient de se prononcer sur ce sujet. Cela n’est toutefois pas entièrement vrai: Alexeï Koudrine ne sort pas du tout de son cadre.

Un prétexte plausible pour refuser des crédits

Les ministres des Finances de tous les pays se doivent d’être radins et grippe-sous et de chercher tous les prétextes possibles et imaginables afin de refuser l’octroi de fonds budgétaires à qui que ce soit. La Biélorussie traverse actuellement une période économique manifestement difficile. Afin d’alléger ses maux, le fonds anticrise de la Communauté économique eurasiatique (CEEA) a promis à la Biélorussie de débloquer un crédit à hauteur de trois milliards de dollars à l’intention de ce pays. Ce fonds est constitué aux trois quarts de l’apport de la Russie.

Alexeï Koudrine préside le Conseil du fonds en sa qualité de représentant du pays membre possédant le pouvoir de vote le plus important, ce dernier étant directement proportionné à l’apport financier de chaque pays. Eh bien, le ministre russe des Finances a tout intérêt à ne pas se séparer de cet argent. Ne serait-ce que sous le prétexte noble et plausible de protection de la liberté d’expression en Biélorussie.

Toutefois, Alexeï Koudrine n’est pas un fonctionnaire suffisamment haut placé pour mener une politique indépendante, notamment dans le domaine économique. Il n’est pas un opposant au régime, ni un "franc-tireur" en matière de relations interétatiques. Il est évident que ses déclarations ont été avalisées par le chef de l’Etat. D’autant plus qu’Alexandre Loukachenko a, de sa part, fourni le prétexte à ces déclarations.

Un allié plein de duplicité

Au cours de ces dernières années, voire de ces dernières décennies, le président biélorusse a opté pour une position extrêmement pratique. En langage scientifique on pourrait la qualifier d’ambivalente et plus communément on appelle cela de la duplicité.

En fonction de ses intérêts, Loukachenko tantôt joue le rôle de meilleur ami et d’allié indéfectible de la Russie, tantôt il devient souverain absolu, qui ne permet à personne de s’immiscer dans les affaires intérieures de son fief.

En principe, en vertu des accords d’Helsinki de 1975, les droits de l’homme ne constituent pas l’affaire intérieure des pays signataires de ce document. Et même si la Biélorussie indépendante n’existait pas à l’époque, le pays a adhéré en 1992 à l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), ce qui équivaut à la ratification des accords susmentionnés. Toutefois, en l’occurrence, tout est beaucoup plus simple.

Dans son discours, Alexeï Koudrine ne s’est pas penché sur la politique du régime d’Alexandre Loukachenko en matière de droits de l’homme en général, mais sur les relations du président biélorusse avec les médias russes en particulier. La Russie faisant formellement partie de l’Etat d’union de Russie et de Biélorussie, le ministre russe voulait parler des cas où les autorités biélorusses interrompaient la diffusion des chaînes de télévision russes, qu’elles appréhendaient et expulsaient les journalistes russes, etc.

Le musèlement des médias

Fin mai, Alexandre Loukachenko a présidé une réunion consacrée pratiquement tout entière à ce problème, en relation directe d’ailleurs avec les déboires économiques du pays. Le président biélorusse n’avait pas apprécié du tout le fait que les médias étrangers, surtout russes, montrent dans leurs reportages les magasins vides de Minsk.

Loukachenko a accusé alors les journalistes russes d’"envenimer la situation sur les marchés monétaire et des produits de consommation" et de se comporter de manière "hystérique" et "forcenée." Ensuite, il s’est adressé à ses subordonnés en leur ordonnant de "tout faire afin que ces médias cessent d’être présents dans le pays."

C’est à cela que s’oppose le gouvernement russe en général et le ministre Koudrine en particulier. Il semblerait que telle est la position officielle de Moscou.

Personne n’est habilité, et personne ne le cherche d’ailleurs, à interdire à Alexandre Loukachenko de discuter et d’engager une polémique avec la presse lorsqu’il a l’impression que les médias offrent une image déformée de la réalité. Le président biélorusse fait souvent preuve d’un don exceptionnel d’orateur et de son maniement exemplaire de la rhétorique.

Toutefois, le chef de l’Etat biélorusse risque d'être sanctionné pour ses tentatives de "museler", selon sa propre expression, les journalistes russes. Et cette punition pourrait s’élever à un ou deux milliards de dollars.

Les hauts responsables biélorusses nient le bien-fondé des griefs exprimés par le ministre russe des Finances. "Tous les journalistes désireux de faire des reportages sur les événements en Biélorussie peuvent se faire librement accréditer auprès du ministère biélorusse des Affaires étrangères, sans restriction aucune", a déclaré aux représentants des médias Oleg Proleskovski, ministre biélorusse de l’Information.

Eh bien, aussi paradoxal que cela puisse paraître, l’un des objectifs de la déclaration d’Alexeï Koudrine consistait justement à obliger la Biélorussie à réunir des faits permettant de la réfuter.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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