Le visage vieillissant d’Al-Qaïda

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Dimanche 19 juin, le nouveau numéro un d’Al-Qaïda, l’Egyptien Ayman al-Zawahiri, qui réussit à échapper aux services de renseignement américains depuis pratiquement dix ans, fêtera son 60e anniversaire.

Dimanche 19 juin, le nouveau numéro un d’Al-Qaïda, l’Egyptien Ayman al-Zawahiri, qui réussit à échapper aux services de renseignement américains depuis pratiquement dix ans, fêtera son 60e anniversaire. Le communiqué annonçant qu’il dirige désormais la plus dangereuse organisation terroriste internationale a été publié sur internet par ses collègues à quelques jours de son anniversaire.

Mais il ne faut pas y voir de signification symbolique cachée. Les islamistes ne sont pas enclins à faire des cadeaux à leurs dirigeants, et en Orient les gens sont plus indifférents envers les anniversaires qu’en Occident. Le plus important dans l’islam est l’adoration d’Allah, pas des individus. Il s’agit d’une simple coïncidence, bien que pour les Occidentaux cela paraisse effectivement symbolique. La question est de savoir de quelle symbolique il s’agit.

La fausse intrigue au sujet d’un jeune chef

Il serait encore plus symbolique que les services spéciaux américains arrivent à éliminer cet homme cette année, de préférence en automne, lorsqu’on commémorera le 10e anniversaire de l’attentat de New York. On considère qu’al-Zawahiri est tout autant impliqué dans son organisation que son prédécesseur Oussama Ben Laden, qui a été tué le 2 mai au cours d’une opération spéciale américaine au Pakistan.

Les Américains promettent depuis longtemps une récompense de 25 millions de dollars pour toute information permettant de faciliter la capture ou l’élimination d’Ayman al-Zawahiri. Il n’est pas exclu que ce montant augmente suite à sa désignation à la tête de l’organisation. Le prix de Ben Laden s’élevait à 50 millions de dollars, mais on n'a jamais annoncé qu'un des informateurs ait reçu au moins une partie de la somme promise.

Or, pour ceux qui luttent contre le terrorisme, ce communiqué, à défaut d’être un cadeau, est une bonne nouvelle. Même dans les situations les plus difficiles, il est toujours plus rassurant d’avoir affaire à quelque chose de prévisible. Et le fait est que dès l’élimination de Ben Laden, on a commencé à dire que cet Egyptien allait bientôt prendre la tête d’Al-Qaïda.

Toutefois, rapidement, un politologue occidental, qui aurait des liens étroits avec des extrémistes, a surpris tout le monde par une autre information.

Selon ses sources, il s’avérait que la scission entre les jeunes et les anciens d’Al-Qaïda s’était accentuée. Sur la vague des différends, le jeune Egyptien Saif al-Adel avait avancé sa candidature. Cette supposition a corsé l’intrigue, mais sans plus. Ce candidat n’est jamais devenu numéro un.

Le symbole vieillissant du djihad extrémiste

Il semblerait que les combattants du djihad étaient convaincus d’entrée de jeu que le droit de prendre la tête de l’organisation revenait au vétéran de la guerre en Afghanistan, contre les troupes soviétiques, Ayman al-Zawahiri, diplômé en médecine.

Pour cette raison, la nouvelle de la décision d’un soi-disant commandement général de l’organisation de mettre à la tête de l’organisation ce théoricien et praticien du djihad a été accueillie sur les sites extrémistes avec sympathie mais calmement et sans agitation. Par exemple, le représentant des talibans afghans Ihsanullah Ihsan a déclaré en parlant d’al-Zawahiri: "Oui, cet homme est tout à fait capable de diriger l’organisation." Et c’est tout. Les politologues occidentaux ont une nouvelle fois montré plus d’intérêt envers cette nouvelle.

Cependant, selon la majorité des experts, c'est un dirigeant purement nominal, car il n’existe pas d’organisation Al-Qaïda unie avec une verticale stricte et centralisée du pouvoir. Ses filiales régionales (dans le Nord de l’Afrique, dans le Caucase, dans la péninsule arabique, etc.) fonctionnent en autonomie, en s’appuyant seulement sur les notions idéologiques communes. Il arrive souvent que certains groupes qui commettent des actes terroristes usurpent la raison sociale d’Al-Qaïda pour se donner une image plus effrayante, bien qu’ils n’en fassent pas partie.

Al-Qaïda est un symbole du djihad radical, mais dans le contexte des révolutions populaires dans les pays arabes, il s’agit d’un symbole vieillissant. Et son leader actuel est également un visage vieillissant de cette organisation. Ce qui n’est pas mauvais signe pour ceux qui luttent contre le groupe. Le temps d’Al-Qaïda est compté, et ainsi il sera plus facile de la détruire, bien que cela ne signifie pas que d’autres ennemis n’apparaîtront pas par la suite.

Oussama Ben Laden, qui dirigeait ses subordonnées par de rares lettres depuis une petite ville au Pakistan, ne pouvait plus dans la pratique être un guide de la terreur depuis plusieurs années. Pendant qu’il se cachait avec ses associés des agents secrets, les tsunamis de la révolution naissaient au Moyen-Orient.

L’immolation par le feu du jeune commerçant tunisien, qui a été le point de départ de tous ces événements, n’a pas suivi les enseignements d’Al-Qaïda: au lieu de se faire exploser dans la foule, l’homme s’est immolé en signe de protestation, lorsqu’il a perdu son travail et a été humilié par les autorités. L’impact s’est avéré bien plus important.

"Il devra penser sérieusement à sa survie"

Ainsi, le représentant de l’administration américaine, qui a souhaité garder l’anonymat, a-t-il eu raison en commentant de la manière suivante l’arrivée d’Ayman al-Zawahiri au poste de cible numéro une des services de renseignement américains: "Il devra plutôt penser à sa survie qu’à la planification d’attentats."

Cependant, le chef de l’organisation trouve parfois le temps de se pencher sérieusement sur l’avenir de ses compatriotes et coreligionnaires. L’un de ses buts consiste à enfourcher la vague des révolutions pour conserver les restes de sa popularité d’antan.

Dans son discours publié sur internet il y a une semaine, il a déclaré: "Ce ne sont pas des individus distincts, mais des peuples révoltés qui se dressent contre les Etats-Unis." De plus, en tant que propagandiste professionnel, Ayman al-Zawahiri, appelait à la poursuite au Moyen-Orient des "révolutions contre les régimes despotiques obsolètes, imposés par l’Occident." Il parlait de l’Egypte, de la Tunisie, du Yémen, de la Syrie et du Maroc. Il a également déclaré qu’il ne fallait pas "céder un seul centimètre carré de terre palestinienne à Israël, ce suppôt des Américains."

A une époque Al-Qaïda avait surpris tout le monde lorsque ses dirigeants, se trouvant dans les montagnes afghanes, se sont fixé des objectifs globaux et ont tenté de les mettre en œuvre grâce aux attentats à une échelle internationale. Mais la revendication actuelle du rôle de coordinateur des manifestations arabes ressemble à la tentative d’un terroriste vieillissant, qui garde toujours son fusil d’assaut entre les mains, de rattraper un jeune révolutionnaire dont l'arme est un slogan antigouvernemental et un bouquet de jasmin.

Les révolutions dans l’Orient arabe se font sans Al-Qaïda, qui n’a même par réussi à faire preuve de suffisamment de créativité pour proposer aux partisans un chef plus original et plus intéressant qu’Ayman al-Zawahiri.

Cette organisation cesse enfin de surprendre, Allah merci.


L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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