"Hier nos avions ont largué des bombes sur les villes de l'adversaire". C'est le titre d'un article allemand du temps de la Seconde guerre mondiale, repris dans le cahier de notes du journaliste antinazi tchèque Julius Fucik, exécuté dans une prison allemande en 1943. Ce titre cynique, il ne vous rappelle rien? N'est-ce pas aussi "paisiblement", sans rencontrer aucune riposte, les avions et navires de l'OTAN bombardent Tripoli et les positions des forces du colonel Kadhafi.
Le 7 juin a été particulièrement difficile pour Tripoli. Au 69e anniversaire de Moummar Kadhafi les avions ont largués plus de 60 bombes de 500 kg sur la ville. "Je suis à proximité des bombardements mais je résiste toujours", a assuré le colonel aux chefs tribaux, en appellant, selon l'agence officielle Jana, "le peuple à résister". Selon le porte-parole du régime, Moussa Ibrahim, ces raids du 7 juin avaient fait 31 morts et "des dizaines de blessés" parmi la population civile.
Les autorités de la coalition assurent que les objectifs des bombardements sont les sites stratégiques et que Tripoli exagère le nombre de tués dans la population civile. Le journaliste de la chaîne France 24 Gauthier Rybinski a interviewé le 2 juin le célèbre avocat français Jacques Vergès. Le maître Vergès, avec l'ex-ministre français des Affaires étrangères Roland Dumas, ont visité Tripoli en fin mai pour soutenir une plainte des familles des "victimes des bombardements de l'OTAN" contre le président Sarkozy qui l'accusent de crimes contre l'humanité.
La coalition occidentale et l'OTAN soutiennent entièrement les adversaires du régime Kadhafi. Plus de 20 pays européens et arabes ont déjà ouvert leurs missions diplomatiques à Benghazi. Néanmoins, même au sein de la coalition il n'y a pas d'unanimité. Le délai du mandat de la résolution 1973 arrive à son échéance le 27 juin, alors que l'objectif principal, forcer Mouammar Kadhafi à quitter le pouvoir, n'a toujours pas été réalisé. L'OTAN a perdu la blitzkrieg contre Kadhafi et le 1 juin l'alliance a décidé de prolonger son opération militaire en Lybie d'encore 90 jours. En même temps, le 8 juin le ministre français de la Défense Gérard Longuet s'est montré très prudent en ce qui concerne la possibilité d'une issue rapide à l'opération réalisée par l'OTAN en Libye à cause de ce qu'il estime être l'"irrationnalité" du dirigeant libyen Kadhafi. Le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, de son côté, a mis en garde vendredi les alliés occidentaux de l'OTAN contre leur manque d'investissements militaires et de volonté politique, soulignant que les "lacunes" relevées en Libye pourrait "compromettre" l'efficacité de la mission.
Le règlement diplomatique reste toujours une alternative à la pression militaire dans la solution de la crise libyenne. Ce sujet a été débattu à la réunion du Président russe Dmitri Medvedev avec le Président de la Guinée équatoriale Obiang Nguema Mbasogo. Le Président Medvedev a déclaré le soutien de la Russie à la "feuille de route" du règlement de la crise libyenne mise au point par l'Union africaine. M. Mbasogo, dont le pays préside actuellement l'Union africaine, est intervenu devant les milieux d'affaires des deux pays dans la Chambre de commerce et d'industrie de la Russie:
"Lorsque j'ai reçu le poste de Président de l'Union africaine notre continent s'est heurté à des problèmes aussi compliqués qu'il n'avait jamais eu avant. Il s'agit premièrement des problèmes de la Lybie. L'Union africaine estime qu'il s'agit d'un problème intérieur de la Lybie et prône son règlement pacifique. Il existe des résolutions de l'ONU autorisant l'intervention humanitaire dans des situations compliquées. Mais lorsque l'intervention extérieure porte un préjudice à la population civile, ce qu'on voit sur l'exemple du peuple libyen, alors là ce n'est plus une intervention humanitaire mais une autre. Et dans ces conditions je soutiens la Fédération de Russie prônant le règlement pacifique de la crise libyenne aux fins de la sécurité de sa population", a insisté M. Mbasogo.
"L'intervention extérieure dans le conflit libyen aura un impact négatif sur le développement de la région africaine", a déclaré le Président équato- guinéen. "Le scénario libyen risque de devenir une pratique ordinaire de punitions des indésirables. L'Union africaine appelle la Russie à aider le règlement de la situation autour de la Libye. La souveraineté des Etats doit être respectée", a souligné M. Mbasogo.
De la part de la Russie, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Alexandre Loukachevitch a parlé de la priorité des approches diplomatiques à la solution de la crise libyenne.
La visite à Benghazi de l'envoyé spécial du Président russe, chef du Comite pour les affaires internationales auprès du Conseil de la Fédération, Mikhaïl Marguelov, a été un pas important vers le règlement politico-diplomatique de la crise libyenne. Finalement, dans une lettre envoyée au Congrès américain, Mouammar Kadhafi s'est déclaré prêt à se mettre à la table de négociations avec l'opposition politique.