Nouvelle bataille sur le champ de Borodino

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Hugo Natowicz - Sputnik Afrique
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Quand des datchas poussent sur le légendaire champ de bataille de Borodino, cela provoque une polémique d'envergure nationale.

Les défenseurs du patrimoine ont marqué un point: la maire du village de Borodino a été inculpée pour avoir illégalement vendu 50 hectares de terres appartenant au musée consacré à la célèbre bataille. Les datchas avaient commencé à pousser comme des champignons dans les environs immédiats de la plaine qui fut le théâtre de la bataille de Borodino (de la Moskova pour les Français), à environ 115 km à l'ouest de Moscou. Un haut lieu de l'épopée napoléonienne de 1812, qui accueillera en grande pompe les célébrations du bicentenaire en 2012.

Le chantier d'une quarantaine de demeures en rondins, pas particulièrement chics, était à l'arrêt depuis plus d'un an; les associations de défense du patrimoine étaient sur le qui-vive, y voyant un dangereux précédent qui avait toutes les chances de faire tâche d'huile. Le scandale a éclaté après la pose des fondations de futurs "cottages", à deux pas de la redoute de Chevardino où éclatèrent les combats le 24 août 1812. Les journaux russes étaient montés au créneau ces dernières semaines pour défendre ce haut lieu de la mémoire russe, qui fut également le théâtre de combats acharnés en 1941.

Déjà fortement mis à mal sous le communisme, le patrimoine historique de la Russie est régulièrement sacrifié sur l'autel d'intérêts mercantiles. Un conflit avait éclaté en 2010 suite à la destruction d'une vaste demeure du XIXe dans le centre de Moscou, afin de construire un hôtel pour le compte d'une chaîne française.

Défaite victorieuse

Au-delà du patrimoine, il y a la relation des Russes avec un des épisodes les plus sanglants du XIXe siècle. Une bataille au bilan ambigu, tournant d'une guerre synonyme d'affirmation de la nation russe.

Victoire ou défaite? La bataille de Borodino est un moment complexe tant au niveau militaire qu'historique. Que s'est-il alors passé? L'armée de Napoléon repousse l'armée russe, commandée par Koutouzov, près de Borodino. Les Français s'emparent des principales fortifications russes, dont la redoute (butte) Raevsky et les "flèches" défendues par le général Pierre de Bagration, qui fut tué lors de l'assaut.

La bataille de Borodino permet à l'envahisseur d'avancer sur Moscou. Quelques jours plus tard, Napoléon admirait la "Mosquée", entendez la Cathédrale Saint Basile aux dômes multicolores sur le Place rouge. Formellement, la victoire est du côté français…

Dans Guerre et paix, Tolstoï décrypte la portée historique de l'épisode. La bataille a rompu l'équilibre des forces et rendu la contre-offensive des Russes possible. Evoquant en termes (déjà) matérialistes la marche de l'histoire, Tolstoï compare les forces napoléoniennes à une "boule" lancée à pleine vitesse sur la Russie. Les troupes d'Alexandre Ier n'ont d'autre choix que de reculer devant la machine de guerre européenne, leur rage augmentant à chaque village abandonné. A Borodino, c'est le choc. Les Russes croient avoir gagné.

Mais ce choc n'inverse pas la tendance, et ne met pas fin à la fuite vers l'avant de Napoléon. Ses troupes s'arrêtent finalement à Moscou. Paradoxe: la "bête mortellement blessée" restera cinq semaines dans la capitale russe avant de battre en retraite, sans bataille sérieuse, dans la logique d'un "reflux" presque naturel. C'est aussi précisément le moment où l'esprit guerrier arrive à maturité côté russe. L'analyse de Tolstoï regorge de cette conscience très religieuse, très russe, d'un impératif historique supérieur.

Si l'on peut légitimement s'interroger sur l'attachement des Russes à une bataille formellement perdue, on voit qu'elle revêt pour ce peuple une dimension autre. "Les Russes n'ont aucune haine contre Napoléon, au contraire, c'est un ennemi respecté. C'est parce que Napoléon, à la différence de Hitler, véhiculait une idée", constatait récemment l'académicien Dominique Fernandez de passage à Moscou. C'est peut-être aussi parce que les Russes continuent d'accorder une grande importance aux sacrifices qui ont accompagné l'histoire de leur nation.

A l'heure où la France évince peu à peu Napoléon des programmes d'histoire, et donc de la mémoire collective, on ne peut donc que louer l'attachement des Russes au champ de Borodino.

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