Le 27 mai, dernier jour du sommet du G8 à Deauville, s’est déroulé sous le signe du « printemps arabe » et de l’aide aux pays d’Afrique…
C’est peut-être à Deauville que, pour la première fois de l’histoire des tels sommets, l’Afrique soit aussi largement représentée à la rencontre annuelle des leaders de huit pays les plus industrialisés et que les problèmes du continent et les événements dans le monde arabe aient pris une si importante place dans son menu, écrit Alexeï Grigoriev. Qui plus est, c’est pour la première fois que les chefs de trois Etats d’Afrique subsaharienne étaient invités à un sommet du G8 – de Côte d’Ivoire, de Guinée-Conakry et du Niger, ainsi que les leaders de Tunisie et d’Egypte. Toutefois, n’ont reçu d’invitation à Deauville ni les représentants des autorités officielles, ni les délégués des rebelles de Libye, encore un pays d’Afrique du Nord, dont on a pourtant parlé non moins que de leurs voisins de la région. Il est significatif qu’un échange d’opinions sur les problèmes, y compris de cette région, a commencé déjà tard le soir du 26mai, lors d’un dîner informel des chefs de délégations du G8 au restaurant « Le Ciro’s » à Deauville. Tandis que cette même soirée le centre de la capitale libyenne a essuyé une nouvelle frappe de l’aviation de l’OTAN, qui a largué sur le quartier de Bab Al-Aziziya, résidence du colonel Kadhafi, six puissantes bombes. Selon des données libyennes, ce bombardement et les précédents ont tué trois civils et en ont blessé 150 autres. Le leader libyen, que l’aviation de l’OTAN chasse depuis près de deux mois, n’a pas souffert ce soir. Il est à noter aussi, qu’à quelques jours de l’ouverture du sommet, son organisateur, le président français Nicolas Sarkozy, a proposé aux militaires de l’OTAN de remplacer les bombardiers supersoniques par des hélicoptères d’assaut, plus efficaces, selon lui, contre Mouammar Kadhafi.
Depuis la rencontre d’Evian de 2003 les sommets annuels du G8 invitaient des dirigeants de l’Afrique Noire. Pas de tous les pays évidemment, mais des premiers dans leurs régions – Afrique du Sud, Nigeria, Sénégal, ainsi que, invariablement, le président de l’Union Africaine. L’initiative d’inviter à Deauville les délégations de Côte d’Ivoire, de Guinée-Conakry, du Niger, de Tunisie et d’Egypte émane du président Sarkozy. Les présidents des trois premier – l’Ivoirien Alassane Ouattara, le Guinéen Alpha Condé et le Nigérian Mahamadou Issoufou – sans doute, pour leur témoigner du soutien à l’occasion de leur élection démocratique et signaler par la-même à la communauté africaine la réalité précisément d’un scrutin démocratique et de l’édification d’un Etat de droit. Soit dit en passant, des présidentielles et des législatives auront lieu cette année dans une douzaine de pays africains, et l’exemple de la Côte d’Ivoire, de la Guinée-Conakry et du Niger doit démontrer que l’Afrique est suffisamment mure pour la démocratie. Il est donc possible que l’invitation des gagnants de telles élections aux sommets du G8 devienne une tradition. Quant à la Tunisie et à l’Egypte, on a assuré à la rencontre à Deauville leurs délégations du soutien, y compris matériel, par les principales puissances mondiales des processus démocratiques lancés dans ces pays par les révolutions, entrées dans l’histoire sous le nom de « printemps arabe ». Par ailleurs, en parlant aux journalistes à la veille du sommet à Deauville, le président Sarkozy a appelé la Toile mondiale un puissant instrument de la réussite de telles révolutions. Interrogé par un journaliste d’Afrique, voici ce qu’il a répondu sur le rôle et la place de l’Internet pour le devenir de la démocratie.
A Deauville une nouvelle portion d’assistance financière a été promise à l’Afrique. Ainsi le Fonds Monétaire International s’est dit prêt à affecter 35 milliards de $ aux économies d’Egypte et de Tunisie. Le pays hôte du sommet, la France, propose à son tour de réorienter la Banque Européenne de Reconstruction et de Développement (BERD) vers les besoins des démocraties émergentes du Proche-Orient. « La BERD a en fait accompli sa mission initiale en Europe de l’Est, estime-t-on dans la délégation française. – En deux décennies une expérience colossale est engrangée et elle peut servir maintenant le monde arabe ». Or les craintes que la plupart des promesses restent sur papier demeurent. Ainsi, plusieurs ONG, dont Oxfam France ou l'organisation ONE du chanteur irlandais Bono, ont reproché aux pays du G8 de ne pas avoir rempli leur engagement pris en 2005 de doubler l'aide au développement pour l'Afrique subsaharienne d'ici la fin 2010, en ne versant que 11,2 milliards de dollars contre les 18 prévus durant cette période. Les ONG déplorent la faiblesse de l'engagement dans le secteur crucial de l'agriculture sur un continent qui ne parvient pas à nourrir sa population et dénonce, plus globalement, une aide convertie en remises de dettes et en prêts, au détriment des dons.
Et enfin la Libye. Même si la France et quelques autres pays de l’OTAN commencent petit à petit à se rapprocher avec la position d’une solution diplomatique de la crise libyenne, préconisée à Deauville par la délégation de Russie et le président Dmitri Medvedev à sa tête, ainsi que par l’Union Africaine, l’Occident considère néanmoins qu’un règlement du conflit en Libye est impossible sans un départ bénévole de Mouammar Kadhafi. Comme l’a déclaré Natalia Timakova, porte-parole du chef de l’Etat russe, à ce propos des propositions ont été faites à la Russie de faire la médiation pour convaincre le colonel Kadhafi de quitter le pouvoir, ou mieux encore, le pays. Les collègues du président Medvedev ne semblent pas entrevoir d’autre issue à la crise libyenne. Ainsi, Nicolas Sarkozy s'était déclaré ouvert à la "discussion" sur le sort de Mouammar Kadhafi, à condition qu'il "quitte le pouvoir" rapidement.