Dominique Strauss-Kahn, directeur général du Fonds monétaire international (FMI), considéré par certains comme le futur président de la République française (avec la quasi-certitude d’être élu), a été appréhendé à New York sur l’accusation d’agression sexuelle et de tentative de viol. Un tel scandale est plutôt unique en son genre. Ce sont à la fois la réputation du FMI, la France et son avenir politique qui en prennent un coup. Un homme qui était presque certain d'être investi par le Parti socialiste en tant que candidat à la présidence de la France a été arrêté à l’aéroport quelques minutes avant son départ pour Paris pour avoir courtisé d'un peu trop près une soubrette dans un hôtel de luxe. Le directeur général du FMI a été embarqué dans une voiture de police menottes aux poignets.
Cela paraît irréel et hollywoodien. Cela sent les intrigues et les cabales: n’avait-il pas d’autres possibilités d’étancher sa fringale érotique plutôt que de chercher des aventures ancillaires? Et à New York en plus?! Un homme dont les émoluments avoisinaient le quart de million de dollars?! Qu’avait-elle d’aussi irrésistible et de magnétique, cette femme de chambre?
Tout le monde invite maintenant à respecter le principe de la présomption d’innocence en l’appliquant à Dominique Strauss-Kahn âgé de 62 ans. Et c’est normal. Dommage, bien entendu, que dans le feu de l’action on oublie complètement la victime présumée: c’est comme si son rôle dans cette affaire était terminé. Et qu’il aurait, par ailleurs, été tellement insignifiant que ce n’est plus la peine d’en parler. Face à des carrières politiques qui s'effondrent, à une Grèce préoccupée par une interruption éventuelle des pourparlers concernant de nouveaux emprunts et à une Union Européenne ayant les mêmes préoccupations, de quelles employées d'hôtel voulez-vous qu’il soit question?
Les politiques ne bénéficient pas de la présomption d’innocence
Il est vrai que le parcours de Dominique Strauss-Kahn est jalonné d'accusations d’agressions sexuelles. Son comportement ne s’inscrit pas vraiment dans le cadre conventionnel. Mais ce n’est pas grave. La France est un pays où une activité sexuelle débordante ainsi que des prouesses dans ce domaine ne valent sûrement pas à la personne concernée d’être mise à l’index. Tenter de trouver un seul président français n'ayant jamais commis ce péché véniel relèverait de la gageure. Toutefois, les Français savent très bien faire la distinction entre les amours "coupables" et le viol. Et même en l’absence de viol et de harcèlement sexuel, les perspectives présidentielles radieuses de Dominique Strauss-Kahn n’appartiennent plus qu’à la réalité virtuelle.
Le fait est que la présomption d’innocence est une notion juridique inapplicable à la vie politique, heureusement pour certains et malheureusement pour d’autres.
Il est impossible qu’un homme dont la réputation est aussi souillée devienne candidat à la présidence au nom du Parti socialiste français, la plus grande force d’opposition du pays. Quand bien même il ne serait pas coupable. Peut-on s’imaginer un parti sain d’esprit qui confierait le rôle de candidat à la présidence à un politique exhibé menottes aux poignets sur toutes les affiches par ses adversaires? Une personne au sujet de laquelle de nombreuses rumeurs circulaient déjà par le passé et qui est lestée d’un "casier" aussi lourd? En plus de l’accusation d’avoir des pulsions sexuelles incoercibles, Dominique Strauss-Kahn a la réputation d'appartenir à la gauche caviar. Il s’agit de quelqu’un qui est pour l’égalité, la démocratie sociale et un Etat social, mais que tout cela n’empêche nullement d'aimer le luxe et de mener ostensiblement un grand train de vie, d'apprécier les voitures chères, les costumes de prix, les montres qui valent une fortune, etc.
Globalement, ces particularités n’auraient pas empêché Dominique Strauss-Kahn de prendre ses quartiers au palais de l’Elysée. Surtout étant donné la cote de popularité en chute libre du président sortant Nicolas Sarkozy. Bien sûr, aucune personne douée de toutes ses facultés mentales n’a prétendu que la voie menant au fauteuil présidentiel serait pour Strauss-Kahn pareille à l’autoroute du Soleil dégagée de voitures. Il aurait bien fallu livrer un combat sérieux. Mais le succès était assuré.
Toutefois, pour la politique française DSK est désormais un homme fini. Un tel fardeau de soupçons empêcherait quiconque d'accéder aux sommets de la gloire.
Le plus extraordinaire dans tout cela est que c’est Nicolas Sarkozy qui a maintenant de bonnes chances de redevenir locataire du palais de l’Elysée en 2012. Les socialistes jouaient toujours sur du velours jusqu’au moment où ils se mettaient à se battre les uns contre les autres. Or, Dominique Strauss-Kahn était considéré comme le principal candidat du parti à la future élection présidentielle. Sa candidature devait être approuvée par le parti socialiste en automne sur une liste composée en juillet.
Désormais la situation change du tout au tout. L'actuelle chef de file des socialistes, Martine Aubry, a déjà déclaré que les derniers événements était pour son parti un coup de tonnerre dans un ciel serein (et c’est le moins que l’on puisse dire). C’est François Hollande, ancien leader du parti, qui devient le principal candidat des socialistes. Quant à Martine Aubry, elle ne retire pas non plus sa candidature. Ségolène Royal, ancienne candidate à la présidence battue par Nicolas Sarkozy en 2007, n’exclut pas non plus qu’elle briguera la présidence.
Certains experts commencent à y déceler les prémisses de la répétition de la Grande catastrophe survenue lors de l’élection présidentielle de 2002 à laquelle trop de candidats représentant la gauche avaient participé et lors de laquelle le Front national, avec son leader de l’époque, Jean-Marie Le Pen, s’était subitement retrouvé en deuxième position. Le FN est actuellement présidé par sa fille, Marine Le Pen, à laquelle on prédit d’ores et déjà la deuxième ou la troisième place au premier tour. Quoi qu’il en soit, les perspectives de Nicolas Sarkozy s’améliorent considérablement après le "départ" de Dominique Strauss-Kahn.
Or, si notre soubrette n’a pas menti, la France devra peut-être s’estimer heureuse d’avoir échappé à un tel président? Certains, voire certaines, n’auront sûrement pas à s’en plaindre.
Ce qui est intéressant c’est de savoir s’il s’agit là d’une simple coïncidence et que Nicolas Sarkozy a tout simplement eu de la chance dans cette histoire d'employée du Sofitel new-yorkais et de Dominique Strauss-Kahn? Ou est-il question d’autre chose?
L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction