Le réalisateur russe Andreï Zviaguintsev est de retour à Cannes quatre ans après le succès de son film L’Exil. C’est au tout dernier moment que les organisateurs de la 64ème édition du Festival de Cannes ont ajouté son nouveau film Elena à la catégorie « Un certain regard ».
Andreï Zviaguintsev fait figure à part dans le monde du cinéma. Il a tourné son premier film à l’âge de 40 ans, ce qui lui a valu du jour au lendemain une consécration internationale. En 2003, au Festival de Venise le public acclamait debout son film Le Retour pour lequel il a reçu deux Lions d’or. C’était vraiment extraordinaire parce que Andreï tournait son film sans aucun soutien financier conséquent et il se sentait frustré et incompris. En effet, ce sibérien avait été plutôt mal accueilli à Moscou. Or, il s’est avéré que Zviaguintsev avait l’atout majeur et cet atout était le message qu’il portait au monde.
C’est alors qu’on voit apparaître son film Le Retour, sorte de parabole dont la sagesse biblique va droit au cœur du spectateur parce qu’elle a pour source une tragédie individuelle. Les personnages du film, deux gamins, suivent un pénible parcours intérieur qui les conduits de la haine à l’amour pour leur père. Le père qui meurt par accident à la fin du film semble renaître à la vie à travers ses enfants qui ont eu le plus grand mal à découvrir et à sentir pleinement le lien de parenté avec lui. « Il s’agit d’une sorte de révélation, d’apocalypse personnelle, d’effondrement de toutes les valeurs », explique Zviaguintsev.
Grâce à son deuxième film L’Exil, il s’est vu attribuer en 2007 la Palme d’or du meilleur rôle masculin au Festival de Cannes. Le motif d’apocalypse personnelle y est également très fort. Elle est vécue cette fois par un couple. Consciente qu’elle n’aime plus son mari, la femme fait un geste désespéré : elle dit à son mari qu’elle attend l’enfant d’un autre homme (ce qui est faux). Le mari la pousse au suicide et se condamne par là même à « un exil éternel ».
Elena, le nouveau film de Zviaguintsev a été primé avant d’être présenté sur le plateau. C’est ainsi qu’au début de l’année le jury du Festival du cinéma indépendant Sundanse aux États-Unis a qualifié le scénario du film de « meilleur sur le continent européen ». Elena, c’est un drame psychologique mais vécu cette fois par un couple âgé et riche. Selon lui, il s’est éloigné résolument de L’Exil et du Retour pour se tourner vers le réalisme et la vérité au quotidien.
Quel est donc le phénomène Zviaguintsev?
« C’est un réalisateur unique du point de vue de son individualité. Il n’a jamais fait d’études cinématographiques préférant choisir comme repères de très bonnes bandes de niveau international et cette érudition transcende ses films. De nos jours, les réalisateurs qui tournent les films pour les festivals sont littéralement fascinés par tout ce qui est nouveau et inédit. On sent toujours chez eux cette volonté d’épater et de se faire valoir. Zviaguintsev n’appartient pas à cette catégorie parce qu’il préfère travailler sur le scénario, le sujet et les personnages. Il ne recherche aucune originalité et c’est pour cela précisément que ses films se font remarquer. L’attitude personnelle envers l’homme affichée par Zviaguinsev est également en rupture avec le cinéma contemporain. Aujourd’hui, on a plutôt tendance à révéler et à étaler joyeusement au grand jour les côtés sombres de la nature humaine, qui existent certainement. Cet intérêt masochiste est très répandu dans le cinéma contemporain. Par contre, Zviaguintsev s’attache à nous monter ses personnages en toute leur plénitude. Loin de se fixer sur les défauts de l’homme, il nous livre sa vision de tout ce que l’homme a de meilleur et de fondamentalement bon », explique le critique de cinéma russe de renom Valéry Kitchine.
« Je pense, dit en conclusion Valery Kitchine, que le film Elena ne passera pas inaperçu au Festival de Cannes. Il a l’honneur de clôturer le programme « Un certain regard », ce qui montre également que le festival entend primer ce film ».