Les plaies d'Egypte pour la clique Moubarak et consort

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A la fin de sa vie, le président égyptien Hosni Moubarak pourrait pour la première fois fêter son anniversaire en prison.

A la fin de sa vie, le président égyptien Hosni Moubarak pourrait pour la première fois fêter son anniversaire en prison. Cependant, aujourd’hui le conseil des médecins devrait se réunir une nouvelle fois dans la chambre de ce patient "VIP", afin de lui éviter peut-être une perspective aussi sombre. C’est devenu une certitude après que le ministère de l’Intérieur eut conclu mercredi à l’impossibilité du transfert de l’ancien président en prison en se référant à la conclusion des médecins.

Mais en dépit de l’état de santé de l’ex-président, le procureur général Abdel-Majid Mahmoud insiste sur son transfert. Il argue du fait que l’ancien chef de l’Etat a déjà été condamné à deux reprises à 15 jours de détention provisoire depuis le 13 avril, et que par conséquent il doit se trouver derrière les barreaux au moins jusqu’au 13 mai. Cependant, aujourd’hui Hosni Moubarak entrevoit un espoir de ne pas fêter son 83e anniversaire, le 4 mai, en prison, mais sur son lit d’hôpital. Il faut également prendre en compte qu’une partie de la population égyptienne et des voisins arabes demande que l'on cesse d’humilier cet homme politique qui a, par ailleurs, rendu des services de l’Etat.

Les hommes d’affaires s’installent en prison


Par contre, ses fils Gamal et Alaa ne jouissent d'aucun privilège. Ils purgent leurs deux peines de 15 jours d’emprisonnement à la prison Tara près du Caire. Ils s’y trouvent avec une dizaine d’anciens ministres et dirigeants des services spéciaux, le secrétaire général du Parti national démocratique au pouvoir, le président du parlement et beaucoup d’autres membres de l’ancienne élite. Le sort de ces politiciens n’est pas enviable, mais il est à noter que la seconde vague d’emprisonnements touche également les hommes d’affaires égyptiens.

Dans le contexte des informations au sujet de l’ancien président et de ses enfants, cette tendance s’est établie peu à peu, mais malheureusement on n’y accorde par suffisamment d’attention. Car on assiste en Egypte aux événements qui surviennent au cours de toutes les révolutions, et qui se répéteront quelque part au cours des prochaines années. Le poing révolutionnaire s’abat premièrement sur les politiciens publics, puis se porte sur ceux qui tiraient les ficelles et réalisaient en catimini leurs opérations commerciales, voire servaient de portefeuille aux fonctionnaires haut placés.

Et pour une raison quelconque, à chaque fois les hommes d’affaires expérimentés constatent qu’ils sont pris au dépourvu par les accusations portées contre eux. Soit ils ne voient pas leur culpabilité, soit ils ne réussissent pas à quitter le pays à temps, mais c’est un fait: plusieurs milliardaires parmi les personnes les plus riches d’Egypte ont pris leurs quartiers aujourd’hui dans cette prison située près du Caire. En termes de capital, ils n’ont rien à envier aux nouveaux riches russes.

Les "golden boys" de l’entourage du fils du président


Ahmed Ezz, un homme très fortuné, a également revêtu la tenue gris-clair de prisonnier. Il est entrepreneur dans l’immobilier et la production métallurgique. Deux semaines auparavant, l’homme d’affaires a même rendu visite à Gamal Moubarak âgé de 47 ans dès sa mise en détention. Ahmed Ezz aidait le fils du président à faire sa carrière politique, et en échange Gamal favorisait les affaires d’Ahmed. Ce sont des personnes du même âge et issues du même milieu, ils étaient amis et compagnons. Le journal égyptien Al-Ahram, en se référant à ses informateurs parmi les gardiens de la prison, a écrit que cette visite avait provoqué une querelle entre les fils du président déchu. Le fils aîné Alaa Moubarak aurait reproché à son frère Gamal son amitié avec cet homme d’affaires: "Cet entrepreneur est responsable de notre malheur. Il ne faut pas avoir de relations avec lui. Ce sera encore pire."

Désormais, ils devront se voir malgré eux lors des promenades en groupe. Ahmed Ezz, qui la dernière fois avait apporté un colis à son ami, s’est également retrouvé sous les verrous. En ce qui concerne Alaa Moubarak, il ne s’est jamais impliqué dans la grande politique et a catégoriquement refusé de s’essayer au rôle d’éventuel successeur de son père. Même s’il a probablement utilisé l’autorité et les capacités de sa famille, il voyait d'un mauvais œil les activités de Gamal en politique. Il n’appréciait pas la formation d’un groupe de jeunes oligarques, considérés dans le peuple comme des amis de Gamal, autour de son frère cadet qui supervisait l’activité du Parti national démocratique.

Ces craintes n’étaient pas sans fondement: cette jeunesse dorée, qui au cours des trente années de règne de Hosni Moubarak a commencé à vieillir, ne cachait pas sa richesse, ses voitures hors de prix, d’immenses villas et appartements au bord de la mer. Tout cela, combiné au comportement ostensiblement aristocratique et à la largesse affichée des vues politiques, irrite depuis longtemps le peuple de l’Egypte pauvre et conservatrice.

Un ami de la Russie et membre de "l’amicale de Gamal" derrière les barreaux


Aujourd’hui, les fils de Moubarak et leurs camarades sont accusés de corruption, de création d’un grand nombre de sociétés écrans, de spéculations illégales portant sur l'immobilier et les actions, d’avoir obtenu d’importantes commissions lors des transactions sur le pétrole et le gaz. L’enquête fait remarquer que les "amis de Gamal" développaient les relations commerciales avec Israël, où ils vendaient le gaz produit en Egypte. A première, il n’y a aucun de mal à cela, dans la mesure où l'Egypte est l’un des rares Etats arabes à avoir signé un traité de paix avec le voisin juif. Cependant, la majeure partie de la population égyptienne désapprouve les relations étroites avec Israël, et certains proposent même de les rompre. Cependant, l’enquête ne s'intéresse pas tant à l’aspect politique de ce problème qu'au fait que les hommes d’affaires proches du gouvernement ont pleinement utilisé la ressource administrative et n’ont pas hésité à recourir à l'escroquerie.

Une autre personnalité a également "atterri" en prison. Cette personne avait de bons contacts en Russie et développait des affaires avec ce pays. Non, il ne s’agit pas de l’ancien président du parlement Fathi Sorour, qui était également à la tête de l’association d’amitié Russie-Egypte. D’ailleurs, hier son délai de détention a été également prolongé de 15 jours.

Il s'agit d’un membre influent de "l’amicale de Gamal", le célèbre entrepreneur Ibrahim Kamel. Il travaillait dans l’immobilier, s’occupait de projets touristiques importants et vendait même des avions que par ailleurs, il trouvait en Russie.

Le chef d’inculpation contre l’homme qui a vendu des Tu-204


Cela s’est produit dans les années 1990, lorsque la majorité des entreprises russes étaient délabrées. La compagnie de l’entrepreneur égyptien a pris le risque de financer la construction de plusieurs avions Tu-204 à l’usine aéronautique d’Oulianovsk, avec il est vrai des réacteurs et de l'avionique importés.

En 1998, l’auteure de ses lignes a participé au premier vol d’essai d’un de ces appareils d’Oulianovsk au Caire. L’entreprise russe était dans un état déplorable, les ateliers chômaient, les ouvriers ne recevaient pas leurs salaires et cultivaient des pommes de terre sur le territoire de l’usine. Les employés ne juraient presque que par le nom d’Ibrahim Kamel qui a donné l’occasion aux Russes de gagner de l’argent, tout en s'octroyant une confortable part du gâteau, mais au final le projet ne pourrait pas être qualifié de réussite. La vente de ces avions s’avérait très difficile, mais dans notre histoire le plus important n'est pas là, l'essentiel c'est comment le destin a basculé.

Récemment, l’entrepreneur a été expulsé du conseil d’administration de plusieurs compagnies égyptiennes. Et le chef d’inculpation prononcé contre lui est très grave. Pour l’instant il n’est pas accusé d’escroqueries, mais d’infiltration d’agents dans les rangs des manifestants antigouvernementaux en janvier et en février 2011 avec son argent et sur son ordre (probablement en concertation avec Gamal).

Les provocateurs, selon l’opposition triomphante, organisaient des émeutes et des affrontements en donnant l’impression d’un scénario de chaos en cas de départ de Moubarak. Vu qu’au cours de ces manifestations plusieurs centaines de personnes ont été tuées, les actions de cet homme d’affaires pourraient lui valoir une très lourde peine, pouvant aller jusqu’à la mort, si sa culpabilité est prouvée.

Il convient de noter que tous les entrepreneurs importants qui coopéraient avec l’ancien régime ne se trouvent pas en prison. Par exemple, le magnat des télécoms Najib Saviris (il a coopéré avec la Russie dans le secteur de la téléphonie mobile) s’est empressé d’accorder une aide financière à l’opposition et crée actuellement un nouveau parti, baptisé les Egyptiens libres. Mais son appellation est ambiguë, car de l’avis de certains de ses compatriotes, le terme "libre" ne lui sied guère et il mériterait plutôt d'être également emprisonné. D’ailleurs, un homme d’affaires qui a réussi peut toujours être privé de quelque chose. Toutefois, dans une révolution il est difficile de deviner ce qu’on peut perdre ou trouver, et qui se retrouvera en position de gagnant.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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