Malgré l’annonce par le président biélorusse Alexandre Loukachenko mercredi 13 avril de l’élucidation totale de l’attentat de Minsk, l'enquête suit activement son cours. De nouveaux suspects et détenus passant aux aveux apparaissent constamment. Cependant, de toute évidence, jusqu’à présent on ignore les mobiles de ce crime et ses commanditaires.
A la date du lundi, 18 avril, au total la police biélorusse avait arrêté cinq individus, dont une femme. Tous sont âgés de moins de 25 ans. Les membres du groupe d’enquête sont convaincus que l’un d’eux était le terroriste. Il a été possible de les retrouver et de les identifier aussi vite, en particulier, grâce aux enregistrements des caméras vidéo installées dans la station de métro Oktiabrskaïa.
Les enquêteurs n'ont pas divulgué les professions des cinq suspects. Cependant, il est clair qu’ils tombent dans la catégorie citée par le président Loukachenko dans l’un des premiers discours publics après l’attentat: "C’est monstrueux, mais vrai: tous ces criminels travaillaient dans des entreprises ordinaires, en tant qu’électriciens ou tourneurs."
Quelques jours plus tard, Alexandre Loukachenko a donné un autre trait distinctif de l’auteur présumé de l’attentat: "un élève nul dans toutes les matières, mais un génie en chimie." Et Oleg Kotenev du centre antiterroriste du KGB biélorusse a évoqué la personnalité du criminel de la manière suivante: "en ce qui concerne les motivations, l’individu en question a une estime hypertrophiée pour lui-même et éprouve un sentiment de haine pour les gens."
Il est difficile de ne pas souscrire à cette opinion, mais en principe on pourrait dire la même chose de tout terroriste. La déclaration à la télévision locale du vice-ministre biélorusse de l’Intérieur Oleg Pekarsky les décrit tous également: "Aujourd’hui, il est parfaitement clair qu’ils voulaient tuer le plus de personnes possible." C’est ainsi qu’il a répondu à la question du mobile du crime, mais en réalité il l’a esquivée. Car dans ce sens les suspects ne diffèrent en rien de la majorité des organisateurs d’attentats.
Toutefois, les terroristes biélorusses ont leurs signes particuliers, qui ne sont pas propres à la majorité de leurs collègues. Par exemple, M. Pekarsky a déclaré qu’au moment de l’arrestation les suspects se trouvaient en "état d’ivresse." Et il a poursuivi: "Ils voulaient simplement boire un verre et, probablement, fêter l’événement. Juste avant, ils sont allés acheter de la vodka." Il s’avère que pendant longtemps il a été impossible d’interroger un des suspects parce qu’il était ivre mort.
Toutes ces précisions sont très intéressantes. Et très probablement toutes ces descriptions correspondent parfaitement à la réalité. Le vice-ministre de l’Intérieur ou un agent du KGB ne vont pas fabuler sur un sujet aussi grave. De toute évidence, Loukachenko avait raison lorsqu’il a déclaré samedi 16 avril aux journalistes: "Nous avons appréhendé un grand nombre de suspects, on les interrogeait tous et on leur demandait s'ils avaient un alibi. Nous avons arrêtés beaucoup de personnes pour les interroger sur leur éventuelle implication dans l’attentat, puis on leur présentait des excuses et on les relâchait."
Il n’est pas étonnant que le chef de l’Etat s’implique autant dans cette enquête. Les attentats sont trop inhabituels pour les habitants de sa république. Et Loukachenko a utilisé la situation pour lutter contre les phénomènes qu’il a qualifiés d’"incurie" et de "laxisme." Par la même occasion, il a de nouveau mis en garde l’opposition contre la diffusion de rumeurs.
Tout homme politique tentera d’utiliser les situations de crise à son avantage. Mais Loukachenko n’engage aucune action concrète contre l’opposition. Il l’a déjà fait après la dernière élection présidentielle en décembre 2010. Il n’a pas besoin de "resserrer les boulons." Ils sont déjà bloqués depuis longtemps.
Comme nous pouvons le voir, cela ne garantit pas la paix et le calme en Biélorussie. L’attentat du métro ne contribue pas à détendre l’atmosphère sociale. De plus, jusqu’à présent on ignore la raison pour laquelle il a été commis, par qui et qui l’a commandité. Et le fait que le public et les journalistes ne le comprennent pas n’est pas le problème. Mais il semblerait que les enquêteurs n’arrivent pas non plus à une conclusion définitive.
Voici ce qu’en pense l’un des meilleurs spécialistes dans ce domaine, le vice-président de l’association internationale des vétérans de l’unité antiterroriste russe Alfa Alexeï Filatov:
"Je pense que l’attentat a été organisé et mis en œuvre intelligemment et avec compétence. Avec un explosif de qualité. J’étais convaincu qu’en quelques jours les terroristes seraient retrouvées, ou au moins identifiés. Mais je doute de plus en plus (car nous recevons des communiqués confus des services de sécurité biélorusses) que le commanditaire puisse être retrouvé."
A titre de confirmation de ses suppositions, M. Filatov rappelle les mesures de sécurité sans précédent qui, selon lui, sont actuellement prises: "les gens sont fouillés non seulement devant les accès au métro, mais également à l’entrée et à la sortie de Minsk et d’autres villes, et de la Biélorussie. Cela signifie que les forces de sécurité ont des informations qu’elles cachent probablement."
Mais si les autorités cachent ou refusent de rendre publiques certaines informations, elles sont probablement incertaines de leur véracité. Or il est préférable de ne pas laisser paraître des informations non vérifiées à un moment aussi explosif, dans tous les sens du terme. Le problème principal est ailleurs: on ignore encore les motivations et les noms des organisateurs de l’attentat, et le risque et le danger de récidive demeurent.
L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction
Attentat de Minsk: ni commanditaires, ni mobiles
15:32 19.04.2011 (Mis à jour: 16:05 05.10.2015)
© RIA Novosti . Anton Motolko
/ S'abonner
Malgré l’annonce par le président biélorusse Alexandre Loukachenko mercredi 13 avril de l’élucidation totale de l’attentat de Minsk, l'enquête suit activement son cours.