Côte d’Ivoire-Russie: deux antipodes suivant un axe commun

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La Côte d’Ivoire et la Russie: il est difficile de s’imaginer deux Etats plus différents l’un de l’autre. Mais il est tout à fait possible de tirer des leçons de l’expérience des pays qui sont nos antipodes. La Côte d’Ivoire, où le conflit sanglant entre deux présidents rivaux vient de s’achever, le confirme une fois de plus.

La Côte d’Ivoire et la Russie: il est difficile de s’imaginer deux Etats plus différents l’un de l’autre. Mais il est tout à fait possible de tirer des leçons de l’expérience des pays qui sont nos antipodes. La Côte d’Ivoire, où le conflit sanglant entre deux présidents rivaux vient de s’achever, le confirme une fois de plus.

Nous sommes habitués à penser que l’immense pauvreté de la population est à l’origine de tous les problèmes des Etats africains. En général, c’est le cas. En général, mais par toujours.

Cette histoire a commencé en 1958. Pour reprendre l’expression du premier ministre britannique de l’époque Harold Macmillan, le "vent du changement" soufflait alors sur le continent africain. Les colonies locales des Etats européens se préparaient massivement à l’indépendance.

A l’époque, deux politiciens africains sont entrés en "conflit": le futur président guinéen Ahmed Sékou Touré et le futur président ivoirien Félix Houphouët-Boigny.

Le Guinéen a fièrement déclaré: "La liberté dans la pauvreté est mieux que la richesse dans l’esclavage." Houphouët-Boigny a répondu: "L’indépendance politique n’est rien sans l’indépendance économique." Par la suite, les deux pays ont obtenu leur indépendance, et une compétition informelle a débuté entre eux.

Le président guinéen Ahmed Sékou Touré a tenu sa promesse. Toutefois, seulement à moitié. Sous son règne, les Guinéens ont connu une plus grande pauvreté que pendant l’époque coloniale. Suite aux déclarations de Sékou Touré sur son choix pour la voie socialiste de développement, l’Union soviétique avait couvert d’or le petit pays africain. Mais tout disparaissait comme l’eau absorbée par le sable.

Par ailleurs, Sékou Touré n’a pas réussi à apporter la liberté promise à ses concitoyens. Les Guinéens s’insurgeaient contre leur pauvreté, et le président les envoyait en prison et dans des camps de concentration. Selon certaines estimations, dans un Etat de moins de 10 millions d’habitants, près de 50.000 personnes ont été tuées dans ces camps.

Pendant ce temps, Houphouët-Boigny a axé sa politique sur le développement de l’économie. Le président ivoirien a attiré dans le pays des investisseurs étrangers et a modernisé l’agriculture. Rapidement, on a vu le pays devenir véritablement prospère.

Au cours des 18 premières années de règne de Houphouët-Boigny, le PIB national a été multiplié par 12. Des hordes de travailleurs immigrés des pays africains voisins sont venus en Côte d’Ivoire. Dans le pays et même en Occident, on appelait Houphouët-Boigny respectueusement le sage de l’Afrique.

Serait-il donc possible d’affirmer que dans le litige entre le fanatique Sékou Touré et le pragmatique Houphouët-Boigny le président ivoirien a remporté une victoire écrasante? Si je prononçais ces mots en 1978, la réponse serait évidemment oui. Mais nous sommes en 2011, et la réponse sera quelque peu différente: dans le litige entre les deux politiciens africains, les deux ont été perdants.

Comment cela est-ce possible? Selon les normes africaines, Houphouët-Boigny était un leader très humain. Il préférait corrompre les membres de l’opposition plutôt que de les tuer. Cela a permis au sage de l’Afrique de rester au pouvoir jusqu’à sa mort en 1993. Mais cela n’a pas permis aux institutions politiques locales de se développer normalement.

On pourrait objecter que les simples gens ont besoin de pain et pas d'institutions politiques compliquées. Mais l’absence de progrès dans la sphère politique a conduit à un phénomène extrêmement fâcheux en Côte d’Ivoire. Après une phase d'essor, le pays a commencé à régresser.

Le miracle économique local a été le premier à s’effondrer. Comme l’a amèrement avoué Houphouët-Boigny, "nous avons créé la croissance sans développement." Mais le pire a commencé après la mort du père-fondateur du pays. A force d'être piloté en régime manuel, le système politique a commencé à s’écrouler. La nouvelle histoire de la Côte d’Ivoire est jalonnée de conflits incessants dégénérant parfois en guerres civiles.

Qu'est-ce la Russie a à voir ici? A une époque, Margaret Thatcher a qualifié l’Union soviétique de Haute-Volta avec des missiles. J’ai toujours considéré le discours de la première ministre britannique comme de la simple propagande. Et je suis toujours du même avis. La Côte d’Ivoire ne deviendra jamais la Russie, et la Russie ne se transformera jamais en Côte d’Ivoire.

Mais une pensée m’obsède. Au cours des 11 dernières années, le niveau de vie en Russie a considérablement augmenté. Or le rythme de développement des institutions politiques a significativement diminué.

On dit que les personnes suprêmement intelligentes apprennent des erreurs commises par les autres. Les gens simplement intelligents tirent les leçons de leurs propres erreurs. Et les imbéciles n’apprennent jamais rien. J’espère que la Russie fera partie de la première ou du moins de la deuxième catégorie.

Bien sûr, en Afrique il fait chaud, il y a toujours du Soleil. Mais je ne voudrais pas vivre en Côte d’Ivoire avec du pétrole et des missiles. Et je pense que je ne suis pas le seul.



L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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