Moderniser l'économie de la Russie pour freiner la dépopulation

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Le modèle de l’économie russe fondé sur les matières premières, ou économie de rente, est souvent et beaucoup critiquée par les politiciens, les économistes, les entrepreneurs, voire même par les fonctionnaires.

Le modèle de l’économie russe fondé sur les matières premières, ou économie de rente,  est souvent et beaucoup critiquée par les politiciens, les économistes, les entrepreneurs, voire même par les fonctionnaires. Dans l’ensemble, les arguments sont les suivants: la faible compétitivité, la pérennisation du retard technologique, la répartition inégale de la rente des matières premières et le fossé immense entre les riches et les pauvres. Mais il existe un autre aspect, probablement le plus important: la pauvreté chronique d’une importante partie de la population pourrait conduire à une catastrophe démographique.

La spécificité du calcul


Récemment, l’agence russe des statistiques Rosstat a publié les résultats préliminaires du dernier recensement de la population. Depuis le dernier recensement (2002), le nombre d’habitants en Russie a diminué de 2,2 millions de personnes, soit de 1,6%. Ce n’est pas peu. Cependant, ce chiffre est trompeur, car l’Etat tente de compenser la perte de la population autochtone par l’immigration en provenance des pays en développement. Et le département des statistiques prend en compte tout le monde, sans séparer les immigrants des autochtones. Or, selon les experts du Haut collège d’économie, rien qu’au cours des sept dernières années, l’immigration de "substitution" s’est élevée au moins à 1,4 million de personnes. Et il n’est pas exclu qu’un million supplémentaire s’ajoute au résultat final du recensement. Cela signifie que de facto la population du pays ne s’est pas réduite de 2,2 millions, mais de 3,6 ou 4,6 millions, voire plus, car on ignore le nombre exact d’immigrants.

Les démographes, les sociologues et les politiciens débattent depuis plusieurs années des causes de la dépopulation russe. Dans l’ensemble sans résultats. Les économistes proposent leur vision des choses, qui est très logique. Selon le président de l’ONG Delovaïa Rossia (Russie des affaires), Alexandre Galouchka, près de 40% des Russes vivent en-dessous de ce qu’on appelle le seuil de stabilité économique de la famille, lorsqu’une personne peut se loger de manière relativement décente (calculé en tenant compte de la spécificité régionale). Si ces personnes décidaient d’avoir un enfant, elles passeraient immédiatement en-dessous du seuil de pauvreté. "Cela signifie, explique Alexandre Galouchka, que pratiquement la moitié de la population russe est "économiquement stérilisée", et que ses conditions de vie ne lui permettent même pas de se reproduire."

Le travail ou la mort

La pauvreté est une conséquence directe de la faible productivité de travail. Et cela n’a rien à voir avec la qualité et l’efficacité du travail des gens. Les Russes travaillent beaucoup, mais l’efficacité du travail est évaluée par la quantité et la qualité de la production, et non pas par le niveau de fatigue ou de sueur. Et selon ces indices, les économies "low-tech" s’inclinent inévitablement devant les économies de haute technologie. Au XXIe siècle, peu importe les efforts, mais on n’abat pas beaucoup de travail avec un marteau et un burin.

La Russie ne souffre pas de l’insuffisance de main-d’œuvre, mais du manque d’emplois correctement rémunérés et hautement productifs. Selon les évaluations du président de Delovaïa Rossia, il est nécessaire de créer au moins 1 million d'emplois de qualité par an afin d’opérer des changements positifs dans l’économie et au sein de la société. Les emplois bien rémunérés n'apparaîtront qu'en cas d'innovation technologique à grande échelle, ou comme il est à la mode de le dire actuellement, de modernisation de l’économie. Les discussions à ce sujet durent depuis dix ans, mais malheureusement non seulement aucune mesure pratique n’a été prise, mais il n’existe même pas de concept bien articulé.

Le vecteur chinois

Ou bien ce concept n’existait pas jusqu’à tout récemment, car les directives de Dmitri Medvedev visant à améliorer le climat d’investissement sont considérées par une partie de la communauté d’experts et des hommes d’affaires comme un concept. Si tel est le cas, le gouvernement a opté pour l’une des options de développement discutées par l’élite du monde des affaires, l'élite politique et scientifique. Selon Dmitri Belooussov, directeur du Centre d’analyse macroéconomique et de prévision, deux clans se sont formés: celui des partisans de la stabilisation financière et celui de la nouvelle industrialisation.

Les premiers misent sur un budget équilibré, l’attraction des investissements étrangers directs et la privatisation des actifs de l’Etat. Ce sont précisément les directives du président. Andreï Iakovlev, directeur de l’Institut d’analyse des entreprises et des marchés du Haut collège d’économie, estime qu’en ajoutant certains points à cette politique, par exemple la décentralisation de la prise des décisions économiques, la Russie pourrait réaliser, avec certaines réserves, l’expérience économique de la Chine.

Dmitri Belooussov estime que le potentiel de cette voie est très limité, car la croissance du PIB en cas de sa mise en œuvre ne dépasserait pas 4-5%, ce qui est peu. L’économie russe doit croître plus rapidement. Sinon, la Russie n’aura pas assez d’argent pour payer les importations et les dépenses de l’Etat qui augmentent.

Entre le Japon et le Honduras

La nouvelle industrialisation pourrait garantir une croissance relativement rapide, mais cette voie est très risquée. L’industrialisation nécessitera un afflux d’investissements à hauteur de 3,5-4% du PIB. Cela signifie que l’Etat (du moins au début) devra participer au financement des projets industriels. La création de grandes entreprises modernes, à l’instar des zaibatsu japonais ou des chaebol coréens, contribuerait à construire une économie compétitive, à créer des emplois et la demande en spécialistes qualifiés. Mais cela se traduira par l’augmentation de la dette publique et le déficit budgétaire. D’autant plus que les risques bureaucratiques pourraient saboter tout le projet. La faible qualité de la gestion et la corruption pourraient finalement ne conduire à aucun progrès, et certains fonctionnaires puissants deviendraient encore plus riches.

Cependant, ne pas agir serait encore pire. Le développement par inertie pourrait conduire à des crises permanentes dans le pays, à l’instar des économies latino-américaines en retard. L’augmentation des revenus des exportations, selon M.Belooussov, ne suivra pas le rythme des dépenses mentionnées pour les importations, auquel s’ajouteront les prestations sociales et l’inflation. Et vers 2016, la Russie traversera une crise de la balance des paiements. Suivie d'une dévaluation et du reflux des capitaux, de l’augmentation du déficit budgétaire et de l’augmentation incontrôlée de la dette publique, car les autorités devront encore et toujours refinancer les dettes. C’est précisément ce que les économistes appellent le "cycle latino-américain."

L’opinion de l’auteur ne correspond pas forcément à celle de la rédaction

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