Le champ de mine de la bataille perdue

© RIA Novosti . Sergeï Kompanichenko / Accéder à la base multimédiaLe champ de mine de la bataille perdue: l’URSS 20 ans après
Le champ de mine de la bataille perdue: l’URSS 20 ans après - Sputnik Afrique
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Il y a 20 ans, le 31 mars 1991, la population géorgienne a opté pour la sortie de l’URSS.

Vingt ans après la désintégration de l'URSS.

Il y a 20 ans, le 31 mars 1991, la population géorgienne a opté pour la sortie de l’URSS. A cette époque, la population de l’Etat gigantesque connaissait déjà l’expression "tendances centrifuges", les périphéries de l’empire de la frontière Sud (la vallée de Ferghana) jusqu’aux pays Baltes étaient gagnées par des conflits, et Boris Eltsine exigeait à la télévision la démission de Mikhaïl Gorbatchev.

Toutefois personne ne pouvait s’imaginer que dans moins de neuf mois la grande puissance qui avait représenté pendant des siècles l'ossature géopolitique de l’Eurasie sombrerait dans l’oubli. L’effondrement rapide a engendré la restructuration fondamentale de l’ordre mondial, dont on ne voit toujours pas la fin.

Pour la population des nouveaux Etats indépendants, les années écoulées depuis la disparition de l’Union soviétique sont une époque d'espoirs fugaces et d'illusions trahies, d'ascensions éphémères et de chutes fatales, de succès sporadiques et de pertes bien plus régulières. En dépit de toutes les différences entre la structure sociopolitique et les scénarios d’évolution des républiques postsoviétiques, leurs élites dirigeantes sont unies par la même chose. La nomenclature principalement soviétique et parfois antisoviétique, qui s’est mise à la tête des Etats-nations, a abusé de la puissante impulsion sociale vers la modernisation, qui avait gagné à la fin des années 1980 la population soviétique, en l’échangeant pratiquement partout dans l’espace postsoviétique contre le pouvoir personnel et la propriété privée.

Depuis deux décennies, il n'existe plus de pays que la majorité de la population de l’espace postsoviétique pourrait qualifier de Patrie. Une génération a grandi qui ignore ce qu’est l’internationalisme prolétarien ou les sigles allitératifs "…VTsSPS (Soviet central des syndicats de l’URSS) et TsK KPSS (Comité central du PCUS)." L’URSS s'est voilée dans le brouillard de la mémoire électorale, les souvenirs sont de plus en plus souvent liés non pas aux impressions de l’époque, mais à la réaction émotionnelle actuelle, parfois contraire, aux événements présents ou récents.

Il est impossible de faire revenir le passé, et même les apologistes les plus têtus de la grandeur disparue, affirmant que la Russie n’est pas capable d’exister autrement que comme empire, commencent à en prendre conscience. Mais le passé pèse toujours. En regardant constamment en arrière, tantôt dans l’espoir de trouver un point d’appui, tantôt un point de départ, on tombe encore et toujours dans le même piège. Les instincts de non liberté et de paternalisme hérités de l’époque soviétiques empêchent de se mettre sur la voie du progrès. Et l’enseignement de base et les fondements de la culture, inculqués à la population dans le cadre d’un système totalitaire mais loin d’être primitif, empêchent d’avoir une attitude dénuée de répulsion envers les spécialistes prétentieux du business-coaching avec leurs yeux vitreux qui revendiquent le droit de contrôler ce progrès.

Vingt ans plus tard, les 15 pays qui représentaient auparavant une seule entité, se sont éloignés les uns des autres. Mais ils sont liés par des centaines de fils visibles (les chaînes industrielles) et invisibles (la psychologie humaine). L’attraction des uns vers les autres qui surmonte les barrières politiques et l’aspiration à se dissocier autant que faire se peut en s’inventant une autre histoire et une autre mentalité sont les deux parties d’un seul et unique processus. A l’endroit du tableau effacé à la va-vite apparaît une image qui rappelle le passé, mais une tout autre chose en réalité.

A la veille de l’anniversaire de l’effondrement de l’Union soviétique, le journal Moskovskie novosti (Nouvelles de Moscou), l’agence d’information internationale RIA Novosti et le magazine Russia in Global Affairs réalisent le projet "20 ans sans l’URSS", consacré au bilan de cette époque dramatique et très riche en événements. Dans une série d’articles on évoquera l’histoire récente pour tenter de comprendre dans quelle mesure elle a déterminé le présent et, surtout, si nous en avons tiré toutes les leçons pour l’avenir.

Il y a vingt ans, le président géorgien Zviad Gamsakhourdia exultait de joie en voyant les résultats du référendum. Il ne pouvait prévoir ni son sort tragique, ni le fait que les graines de la haine et de l’orgueil national qu’il avait semées conduirait son peuple aspirant à l’indépendance à une série de guerre, dont la première guerre de l’une des anciennes républiques de l’Union soviétique avec la Russie a été l’apothéose. L’espace postsoviétique demeure un champ de mine infini, où un pas négligent serait lourd de conséquences fatales. On tentera de trouver au moins une partie des mines pour avertir ceux qui devront les neutraliser.

L'opinion de l'auteur ne correspond pas forcément à celle de la rédaction

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