Depuis dimanche 20 mars, les habitants de Tripoli et d‘autres villes libyennes sont réveillés tous les matins par le bruit des explosions : la coalition occidentale dirigée par la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis effectuent des frappes aériennes. L’opération est baptisée « Aube d’une odyssée ».
Le terme d’« odyssée » désigne le dangereux périple du héros de la mythologue grecque Ulysse qui a triomphé sur chacun de ses nombreux ennemis, indique notre commentateur Alexeï Grigoriev. Il faut avoir une imagination assez maladive pour donner ce nom à une opération qui permet l’utilisation des technologies militaires les plus sophistiquées et dont la mission est de triompher sur un seul ennemi : un dictateur maléfique qui terrorise son peuple depuis quelques dizaines d’années, selon les auteurs de l’opération. Et d’apporter la flamme de la liberté et de la démocratie aux peuples des pays voisins. Il s’agit bien évidemment de Mouammar Kadhafi et des peuples arabes. C’est ce qui a été déclaré le 19 mars dernier par le président français Nicolas Sarkozy lors du Sommet de Paris pour le soutien au peuple libyen à l’occasion de la cérémonie officielle du lancement de l’opération « Aube d’une odyssée ». En fait, les Mirages et les Rafales français avaient déjà bombardé la veille la colonne des soldats fidèles à Kadhafi qui s’était dirigée à Benghazi, le fief de l’opposition. On peut ainsi affirmer que la France a été la première à s’engager dans la guerre en Libye qui, selon les analystes français, est l’une des plus importantes actions militaires de son histoire récente. La déclaration faite par Nicolas Sarkozy dont vous retrouvez l’intégralité sur le site de l’Elysée.
Selon Nicolas Sarkozy « la France est décidée à assumer son rôle, son rôle devant l'Histoire ». Mais il y a un « mais », affirme Alexeï Grigoriev. Pourquoi la France, se posant en tant que libératrice, s’est mis à parler au nom de tous les peuples arabes dont celui de Libye? Il ne semble pas utile de dire que la plupart de ses 6 millions d’habitants est tellement hostile à Mouammar Kadhafi qu’il a fallu y envoyer toute une flottille armée jusqu’aux dents pour évincer celui-ci du pouvoir. En fait, jusqu’à aujourd’hui les causes et les origines du conflit armé en Libye ne sont pas claires. Ou plus exactement elles sont considérées comme superflues par la coalition occidentale. Mais c’est une toute autre question. Entre-temps, les frappes aériennes en Libye se poursuivent et les risques de faire une guerre éclair semblent devenir de plus en plus minces. Et si la guerre s’éternisait?
Jetez un coup d’œil sur la carte de la Méditerranée. Il y a la Grèce, l’Italie, la France, l’Espagne, Malte, la Tunisie, l’Egypte, Chypre, la Turquie qui sont les pays les plus intéressants du point de vue touristique. La guerre, la vraie guerre, elle pourrait porter un coup quasi-mortel à l’industrie du tourisme dans la région. Un afflux considérable d’immigrés clandestins vers les pays de la côte nord de la Méditerranée est tout à fait probable. Déjà aujourd’hui il y a plus d’immigrés clandestins que d’habitants sur l’île italienne de Lampedusa. La guerre en Libye risque de renforcer, d’une part, les tensions interconfessionnelles dans les Etats membres de l’UE et, d’autre part, les tensions politiques entre les populations conservatrices et populations libérales dans les pays d’Afrique du Nord et même du Proche-Orient. La division de la communauté arabe de la région est de plus en plus visible. D’où les recherches d’alliés notamment au sein de la coalition internationale en Libye, d’où le renforcement de la présence politique, militaire et économique dans cette partie du globe.
Enfin, la vague de radicalisation en partance de l’Afrique du Nord pourrait très bien atteindre les pays situés au sud du Sahara tristement célèbres pour leur instabilité politique et sociale. Bref, la liste des conséquences éventuelles de la guerre en Libye sera longue. Mais la guerre, elle peut aussi comporter des avantages, comme l’a indiqué le fabricant français Dassault qui tente de convaincre plusieurs acheteurs étrangers, selon les experts. Pour lui, les frappes aériennes en Libye offrent à l’avion de combat, le Rafale, une occasion inattendue de faire la démonstration de son efficacité. « Le Rafale est certes déjà utilisé en Afghanistan mais ce conflit n’est pas populaire. Les industriels hésitent donc à communiquer sur leurs matériels », estime Jean-Pierre Maulny, directeur adjoint de l’Institut des relations internationales et stratégiques, chargé des questions de défense et de sécurité. La Libye « peut être une façon de faire de la publicité au Rafale grâce à un retour d’expérience au combat », résume-t-il.
Retrouvez toutes les émissions de la Voix de la Russie sur notre site Internet www.ruvr.ru