L’agence d’information « Novosti » a engagé récemment le duplex Moscou-Paris « La sécurité alimentaire mondiale et les intérêts nationaux ». Ayant examiné la situation aux marchés mondiaux de vivres, les délégués à ce forum virtuel ont conclu à l’unanimité que les prix des principales denrées alimentaires ne feraient qu’augmenter dans les années à venir. Les pays dépendant des importations de vivres doivent s’attendre, par conséquent, à l’aggravation des problèmes sociaux et à l’instabilité politique. La montée des prix des vivres importés a compliqué la situation dans plusieurs pays d’Afrique du Nord et du Proche-Orient, suscité le mécontentement des habitants ayant entraîné le remplacement des régimes en Tunisie et en Egypte. Or, le pire est à l’avenir, écrit Alexei Grigoriev, et la communauté mondiale doit être prête aux émeutes de la faim dans des dizaines de pays d’Asie et d’Afrique. En premier lieu en Afrique où un grand groupe de pays éprouvent le déficit permanent de vivres. Ces pronostics se justifient. D’après les statistiques de l'Agence de l'ONU pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), l’indice des prix du panier alimentaire comprenant les produits panifiés, les cultures oléagineuses, la viande et le sucre est en hausse depuis sept mois. Il a atteint en février 236 points ayant dépassé l’indice d’un peu plus de deux pour cent enregistré en janvier. C’est une montée des prix record en indices absolus et relatifs depuis 1990 lorsque la FAO a engagé le monitoring des prix. « Les nouveaux chiffres confirment que la tendance à la montée des prix mondiaux des vivres ne s’affaiblit pas », indique l’expert de la FAO Abdolreza Abbassian en soulignant que les prix resteront élevés dans les mois à venir ». Cela rend perplexe en ce qui concerne les pays à bas revenus où l’on ne saurait exclure les problèmes du financement des importations de vivres ainsi que les familles pauvres dépensant une partie de leurs salaires pour la nourriture », a ajouté l’économiste. Il a dit, en outre, qu’en 2007-2008 les émeutes de la faim avaient éclaté dans plusieurs pays africains, les prix des céréales ayant atteint le maximum. La FAO attribue la montée des prix en Afrique aux cataclysmes, aux prix élevés du pétrole rendant le transport et les engrais plus élevés ainsi qu’aux restrictions gouvernementales de plus en plus dures aux exportations et enfin – aux spéculations financières. Les problèmes alimentaires sont dus, entre autres, à l’achat par les Européens des terrains pour les cultures techniques en vue de fabriquer les combustibles biologiques. Ils achètent des centaines de milliers d’hectares de terres fertiles sur lesquelles les paysans cultivaient jadis les plantes alimentaires pour la consommation locale ou les cultures destinées aux exportations et à combler le déficit budgétaire. Ainsi, d’immenses moyens ont été dépensés au Mali pour instituer le dénommé « l'Office du Niger » ayant permis de satisfaire indépendamment les besoins nationaux en vivres. « Aujourd’hui « l’Office du Niger » n'a plus de politique de gestion des terres », accuse Oumar Mariko, dirigeant du parti Solidarité africaine pour le développement et l'intégration, un des premiers à avoir dénoncé des cessions de terres dans des conditions jugées opaques. Selon lui, « on assiste à l'abandon de notre souveraineté au profit d'opérateurs exerçant leur principale activité hors du secteur agricole ».
Fait paradoxal : d’après les experts de la FAO, le continent a les plus grandes superficies de terres vierges au monde mais les autorités manquent de moyens financiers et techniques pour les mettre en valeur. En ce qui concerne les paysans locaux, la majorité absolue d’entre eux utilisent jusqu’à présent les procédés pratiquement moyenâgeux d’agriculture provoquant la dégradation du sol. Les pays africains épuisent trop vite leurs ressources naturelles. Vu l’accroissement de la population, il est possible que l’Afrique soit à bout de ressources écologiques et s’avère au seuil d’une crise, a averti le WWF. La Zone du Sahel s’étendant à travers le continent de la Mauritanie et du Sénégal dans l’Ouest à l’Ethiopie et à la Somalie dans l’Est ressent entièrement la menace de cataclysmes. « Que faut-il faire pour sauvegarder la nature du continent et garantir en même temps la sécurité alimentaire ? Que faut-il entreprendre pour que le continent puisse satisfaire indépendamment ses besoins en vivres et ne dépende, comme aujourd’hui, de la philanthropie internationale. La situation dans ce domaine demeure intacte, l’Afrique na saura éviter les « émeutes de la faim » qui auront des conséquences politiques sérieuses pour les régions voisines, en premier lieu pour l’UE ? » Notre observateur a adressé ces questions aux participants au duplex Moscou-Paris : le directeur scientifique de l’Institut national d’études agronomiques Herve Guyomar et au conseiller spécial du Mouvement pour l’organisation internationale de l’agriculture Catherine Guy-Qent.
A en juger d’après les propos du directeur l’Institut national d’études agronomiques Herve Guyomar, les perspectives de sécurité alimentaire en Afrique demeurent vagues. Sans un concours international substantiel, le continent sera menacé d’émeutes de la faim.