C’est par une explosion de joie que les manifestants réunis sur la grande place du Caire, Tahrir, ont accueilli la nouvelle de la démission du président Hosni Moubarak. Les gens dansent et s’embrassent, en scandant : « L’Egypte est libre ! » Le départ de M. Moubarak a été annoncé par le vice-président Omar Souleimane. Et c’est lui encore qui a déclaré que la gestion des affaires de l’Etat passait au conseil suprême des Forces armées.
Après la démission de M. Moubarak les fonctions présidentielles sont exercées par Omar Souleimane, qui dirigeait de longues années durant le renseignement égyptien. C’est un professionnel et un homme dénué d’ambitions politiques, caractérise le général le politologue russe Stanislav Tarassov.
Il jouit d’une considérable influence dans les structures militaires égyptiennes et a une chance de garder leur soutien par la suite. Cela lui permet de réaliser l’entente avec des leaders de l’opposition d’appliquer une feuille de route et d’assurer un digne retrait du président Moubarak de la scène politique. On s’attend donc à une certaine détente, puisque le dialogue même avec les forces d’opposition suppose un affaiblissement de la pression sur le régime au pouvoir.
Ajoutons qu’Omar Souleimane est très respecté en Israël voisin, avec le renseignement duquel il a su établir une coopération. En fait, en Etat hébreu on ne cache pas vouloir voir précisément le général Souleimane prendre la succession de M. Moubarak. Mais c’est aux Egyptiens de le décider. Et d’après la façon dont la situation évolue, les présidentielles ne vont pas tarder. A présent il appartient de se prononcer aux militaires, ayant gardé jusque là neutralité. Mais ce sont eux qui prenaient sur eux la responsabilité dans les périodes les plus difficiles pour le pays.
Les experts sont prudents dans leurs pronostics. De nombreux considèrent toutefois logique le transfert de la responsabilité pour la gestion des affaires du pays aux militaires. Voici l’opinion de l’orientaliste russe Andreï Volodine :
Le conseil suprême des Forces militaires, auxquels M. Moubarak a confié le pays, est l’une solution raisonnable. Parce que ce n’est pas rationnel que de donner le pouvoir aux leaders de l’opposition, qui sont pour une large part désunis, n’ont pas de leaders de calibre de Gandhi ou de Nehru, capable d’unir toutes les couches de la population égyptienne qui protestent.
Les experts sont unanimes à considérer qu’il n’existe pas de solution de remplacement à un développement démocratique de l’Egypte. Le pays, qui est le leader des pays arabes modérés, ne peut pas se permettre autre chose. L’Egypte continue de jouer un rôle clé dans le règlement du conflit israélo-palestinien. Et toutes velléités vers une islamisation du pays sont grosses d’une brusque aggravation de la situation dans tout le monde arabe. Les militaires égyptiens le comprennent. On voudrait croire que l’opposition le comprenne aussi.