La commissaire européenne aux Affaires intérieures, Cecilia Malmström vient de présenter un projet de directive qui prévoit la récolte des données auprès des passagers de vols internationaux en provenance et à destination des États membres de l'Union. D’après le texte, les compagnies aériennes seraient obligées de transmettre les informations recueillies à des services de sécurité ad hoc chargés de les traiter dans l'État membre de départ ou d'arrivée. Le but recherché est de lutter de façon plus efficace contre la grande criminalité internationale, le narcotrafic et le terrorisme. Les hommes politiques et les parlementaires européens ont pourtant des opinions divergentes sur la question.
En présentant le projet de la directive à la Commission européenne, madame Malmström a calmé les esprits : une partie des informations en question est déjà recueillie par les services de sécurité, par exemple le nom de l’agence de voyage qui a vendu le billet d’avion, le point de départ et la destination du passager, le numéro de son siège sans parler de son nom. Cet argument n’est pourtant pas convaincant pour tout le monde. Les informations sur le billet c’est une chose, et les données à caractère personnel, c’en est bien une autre. Celles-ci constituent toute une liste de 19 points dont le numéro de la carte bancaire et du téléphone portable, l’adresse électronique, le code du fermoir valise, etc.
En principe, il est impossible d’accuser la Commission européenne du « fait de prince ». Par exemple, les États-Unis exigent depuis 2004 de présenter la liste de 34 points contenant des informations sur les passagers voyageant de l’UE vers l’Amérique. Les services de sécurité belge et suisse recueillent les données sur les arrivants en conformité avec les législations nationales. C’est grâce à cette pratique qu’on interpelle 95% de tous les passeurs de drogue en Belgique.
La ministre allemande de la Justice, Sabine Leutheusser-Schnarrenberger est sceptique. L’initiative de la Commission européenne s’accorde mal avec les décisions de la Cour constitutionnelle allemande, a-t-elle déclaré à l’agence DPA. La majorité écrasante des autres politiques s’inquiètent surtout de l’utilisation abusive des données personnelles recueillies.
Selon l’expert allemand en affaires intérieures du groupe des « Verts » au Parlement européen, Jan Philipp Albrecht, les cours constitutionnelles de certains Etats membres et la Cour européenne des droits de l’homme n’autorisent à recueillir les données personnelles qu’à condition d’avoir des indices graves de la dangerosité de cette personne.
Il a qualifié l’initiative de la Commission européenne d’une « gifle » donnée aux valeurs européennes et aux droits de l’homme. Voici Brigit Zippel, euro-parlementaire du Parti social-démocrate d'Allemagne (SPD) :
« La décision dépendra du fait qu'on réussisse ou pas à s’entendre. Premièrement, il faut demander à la Commission européenne de s’expliquer sur l'utilité de recueillir ces données personnelles supplémentaires. Deuxièmement, si la décision est prise, il faudra réfléchir à la façon d’éviter une accumulation chaotique des informations recueillies. La récolte des données doit suivre un schéma précis et la quantité de celles-ci doit être restreinte ».
Le Parlement européen et les ministres ont deux ans pour examiner le projet de la directive. Il y a encore du temps. L’essentiel, c’est de comprendre qui est sous une cloche de verre dans cette lutte contre le terrorisme et la grande criminalité.