Il semble que l’ancien maire de Moscou, Iouri Loujkov, a décidé de s’installer en Grande-Bretagne. L’ambassade de Grande-Bretagne ne confirme pas officiellement ce fait, mais ne le réfute pas pour autant. On sait que les deux filles de l’ancien maire étudient sur la brumeuse Albion. Et il n'en fait pas mystère.
En novembre, Iouri Loujkov a expliqué pourquoi il avait envoyé ses filles à l’étranger: "Nous avons des raisons de craindre pour leur sécurité. Les enfants sont le point faible de la famille, et ils pourraient être une cible pour ceux qui voudrait porter atteinte à la famille. Nous avons peur de les laisser ici, en Russie."
Cette touchante sollicitude envers ses enfants contrastait avec la volonté du noble père de se sacrifier: "Je suis Moscovite, je suis né à Moscou, je suis un patriote, et il sera difficile de se débarrasser de moi. Pourquoi devrais-je partir?" Tels étaient les propos de Loujkov. Et il s’est immédiatement lancé à la recherche d’un autre pays.
Il a fait sa première tentative en Lettonie. Apparemment, l’ancien maire a été attiré par la simplicité apparente du processus: il suffisait d’investir dans l’économie du pays l’équivalent de 400.000 dollars et y posséder une propriété pour obtenir un permis de séjour.
Ces exigences convenaient parfaitement à Iouri Loujkov. Il a déposé la somme nécessaire en TDSI (titres subordonnés à durée indéterminée) à la banque Rietumu. Et à titre de propriété il possédait déjà un local de stockage à Jurmala. Néanmoins, il s’est rapidement avéré que si ces mesures étaient bien obligatoires, elles étaient loin de suffire.
Les dirigeants vindicatifs du gouvernement letton se sont opposés à la délivrance d’un permis de séjour à Iouri Loujkov, et l’ont même mis sur une liste noire des personnes indésirables. L’ancien maire de Moscou s’est vu interdire l’entrée en Lettonie en raison de ses déclarations faites il y a sept (!) ans.
A l’époque, occupant encore le poste de maire, il s’était rendu à Riga en visite officielle et a violemment critiqué la politique locale concernant la citoyenneté et l’éducation: "Nous estimons que la décision du gouvernement letton n’est pas civilisée. Mais le premier ministre n’a pas voulu me recevoir… Il a peur. Il a peur des questions franches et des propositions sérieuses, pliant sous la pression de la partie non civilisée de la société lettone."
Or, les gouvernements se succèdent en Lettonie, mais l’affront demeure. Mais Loujkov a également fait l’expérience de l’ironie du sort. Car étant maire il tentait sans cesse de sortir du cadre régional, aspirait au niveau fédéral, voire mondial. Il n’a pas seulement combattu pour Sébastopol, mais également pour les droits de la population russophone en Lettonie, par exemple. Il pouvait sembler que la terre russe n’avait jamais engendré de fonctionnaires publics aussi patriotes.
Mais avec la perte de confiance du président et de son poste, le patriotisme ostentatoire de Loujkov a également disparu. Car l’intérêt politique de l’exhiber a cessé d’exister. Tout est clair et tout à fait pragmatique. Et il est inutile de rappeler que juste après son limogeage, Iouri Loujkov a promis à "ses chers Moscovites" de s’engager dans la politique publique, de se battre pour l’éligibilité du maire de Moscou, de rester à jamais avec son peuple…
C’est un phénomène courant. La plupart des politiciens agissent de la même manière en faisant des promesses pendant la campagne électorale, or Iouri Loujkov n’avait aucune obligation envers ses anciens électeurs après son départ. Mais une autre chose est intéressante: pourquoi la procédure qui n’a pas fonctionné en Lettonie a-t-elle marché en Grande-Bretagne?
La raison est probablement la suivante. Riga n’arrive toujours pas à être indifférente envers les politiciens russes, anciens ou actuels. Mais ce n’est pas le cas de Londres. La Grande-Bretagne accepte tout le monde. L’ancien maire de Moscou a donc "atterri" dans une compagnie bigarrée et louche.
La Grande-Bretagne tolère également le séparatiste tchétchène Akhmed Zakaïev, sous le coup d’un mandat de recherche internationale, l’oligarque en fuite Boris Berezovsky, le respectable homme d’affaires Evgueni Tchitchvarkine qui a fui la justice russe, et la bête noire de la diplomatie américaine Julian Assange. Et la Grande-Bretagne refuse d’extrader qui que ce soit.
A vrai dire, personne n’exige l’extradition de Loujkov. Mais le prévoyant ancien maire préfère assurer ses arrières. Pour cela, il est apparemment prêt à investir entre 200.000 et 1 million de livres, car le permis de séjour en Grande-Bretagne n’est pas gratuit, il est même bien plus cher qu'en Lettonie. D’où provient tout cet argent? L’épouse de l’ancien fonctionnaire, Elena Batourina, est une milliardaire officiellement reconnue figurant dans la liste du journal Forbes.
Le destin de Loujkov pourrait servir de leçon à la majorité de ses collègues. Strictement parlant, il n’a pas quitté la politique, c’est la politique qui l’a quitté avec son poste. Et l’administrateur et le politicien aguerri d’antan se transforme sous nos yeux en un politique virevoltant, en personnage de blagues et de la chronique mondaine.
Ce texte n’engage pas la responsabilité de RIA Novosti
Iouri Loujkov à la recherche d’une nouvelle patrie
18:21 02.02.2011 (Mis à jour: 16:05 05.10.2015)
© RIA Novosti . Mikhail Fomichev
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Il semble que l’ancien maire de Moscou, Iouri Loujkov, a décidé de s’installer en Grande-Bretagne. L’ambassade de Grande-Bretagne ne confirme pas officiellement ce fait, mais ne le réfute pas pour autant. On sait que les deux filles de l’ancien maire étudient sur la brumeuse Albion.