Un repas d’apparat est donné le 19 mai 1883 au Palais des Facettes en l’honneur du couronnement de l’empereur russe Alexandre III. Le haut clergé, les nobles et l’élite russes ainsi que les représentants des monarchies étrangères sont invités: au total – 275 personnes. Le couvert est splendide : l’Orchestre à cordes de la cour interprète dix pièces. Le borchtchok et un potage de mouton sont servis au déjeuner suivis de veau et de sterlets cuits à la vapeur, décoration renommée des repas russes. Des mets en gelée, des poulets et de la volaille à l’asperge figurent au menu. Et comme dessert – la glace et la fameuse bouillie Gouriev qu’aime bien Alexandre III.
Le jeune grand prince Alexandre n’est pas gourmé. L’empereur mange très peu malgré sa taille gigantesque et n’attribue jamais une grande importance à la nourriture. L’homme d’État russe en vue Sergei Witte se souvient qu’Alexandre III déteste le luxe et les dépenses infondées. La nourriture à la cour laisse à désirer.
Alexandre III aime des mets très simples et préfère invariablement la cuisine russe. Quand il en a assez des mets habituels, l’empereur qui est déjà malade commande parfois les six derniers mois avant sa mort de simples repas du soldat ou de chasseur apportés d’une caserne à proximité.
D’aucuns prétendent qu’Alexandre III aime trop l’alcool. Alexandre sort, dit-on, en l’absence de l’impératrice, une bouteille plate de sa botte qu’il partage avec son adjudant. Rien ne le confirme, d’ailleurs. Par contre, ceux qui connaissent l’empereur constatent qu’il est indifférent à l’alcool et n’est jamais ivre. Un médecin du tsar se souvient qu’Alexandre III ne prend jamais un petit verre de vodka traditionnel en mangeant un hors d’œuvre et s’il le prend quand même – c’est un tout petit verre. Il boit le plus souvent du kvas, très rarement – du vin. Le kvas russe mêlé moitié moitié avec le Champagne est sa boisson préférée qu’il prend, d’ailleurs, modérément. Le soir on lui sert une carafe d’eau glacée qu’il boit en abondance pour assouvir sa soif inextinguible.
La Russie ne participe jamais sous Alexandre III aux conflits armés. Le tsar entre dans l’histoire comme Alexandre III le Pacificateur. Cependant, l’empereur laisse parfois entendre aux autres puissances que la Russie sait parfaitement se défendre.
Alexandre III s’entretient un jour à un grand repas au Palais d’hiver avec l’ambassadeur autrichien pendant un conflit entre l’Autriche et la Russie dans les Balkans. L’ambassadeur prend, comme il le souhaite, place en face de l’empereur pour avoir la possibilité d’échanger d’avis à ce sujet avec lui. Or, l’empereur ne réagit pas aux propos de l’ambassadeur. Le diplomate irrité avertit que l’Autriche peut mobiliser deux ou trois corps d’armée contre la Russie. Alexandre ne dit rien, prend une fourchette en argent qu’il courbe en forme d’un nœud et jette sur l’ambassadeur autrichien : « C’est ce que je ferai avec vos deux ou trois corps d’armée mobilisés », dit le tsar russe en gardant son sang froid.
Un épisode scandaleux se produit à un repas pendant la visite d’un prince monténégrin Nicolas en Russie. Alexandre III porte un toast « pour mon unique ami : le prince monténégrin » en rendant perplexes les monarques européens. Il s’avère que parmi tous les monarques étrangers le tsar éprouve le plus de respect pour le prince monténégrin.