Visite de Medvedev en Pologne : vers la normalisation des rapports

© RIA Novosti . Vladimir Rodionov / Accéder à la base multimédiaDmitri Medvedev et Bronislaw Komorowski
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La visite du président russe Dmitri Medvedev est l’événement du mois en Pologne.

La visite du président russe Dmitri Medvedev est l’événement du mois en Pologne. Tous les médias polonais parlent de la visite en mettant l’accent sur l'importance de la délégation russe. Le président russe est accompagné par le procureur général Iouri Tchaïka et le ministre de la Justice Alexandre Konovalov, de la part desquels les Polonais espèrent des informations sur le déroulement de l’enquête sur le crash de l’avion présidentiel en avril 2010 près de Smolensk. Le bloc économique est également très bien représenté : hormis la ministre russe du Développement économique Elvira Nabioullina, le président de Gazprom Alexeï Miller et le président de Lukoïl Vaguit Alekperov  sont également du voyage.

Huit années difficiles

La composition de la délégation russe montre que la visite n’est pas organisée pour la forme et qu’elle n’aura pas un caractère purement symbolique. Bien que la première visite officielle depuis 2002 du président russe en Pologne ait un caractère symbolique. Au cours des huit dernières années les relations russo-polonaises ont traversé des hauts des bas sans précédent. Au cours de ces années la Pologne a adhéré à l’Union Européenne, sous l’administration des frères Kaczyński et de leur parti Loi et Justice elle avait bloqué à deux reprises le début des négociations entre la Russie et l’UE pour l’accord de partenariat et de coopération. Au cours de ces années il y a eu l’administration " orange " en Ukraine, soutenue au départ par la Pologne bien plus que par n’importe quel autre pays de l’UE, qui a par la suite déçu les Polonais également bien plus que tous les autres. (Stepan Bandera, proclamé par le président ukrainien Viktor Iouchtchenko " héros national ", ne tuait pas seulement des Soviétiques, mais également des Polonais. Toutes les églises de Wroclaw, ville où les Polonais originaires de Volhynie ont été installés après la Seconde guerre mondiale, sont ornées de plaques commémorant les victimes des nationalistes ukrainiens.)

La fin de l’interruption de huit années a été marquée par la commémoration conjointe des victimes de Katyn et par l’accident de l’avion du président Kaczyński, qui avait promis de ne jamais se déplacer à Moscou tant que le président russe ne se rendrait pas en visite officielle à Varsovie. Et aujourd’hui Dmitri Medvedev est à Varsovie, et cette visite n’est pas liée à une crise quelconque mais possède un caractère normal, coutumier pour les pays voisins.

Comme toujours, ceux qui veulent créer une situation de crise sont innombrables. Au cours de ces derniers mois, les politiciens polonais proches du parti Loi et Justice ont largement discuté le thème de l’enquête sur la catastrophe de Smolensk qui, selon eux, a été freinée par la Russie. Il s’est avéré que l’ancien premier ministre et le frère du président défunt Jarosław Kaczyński, chef du parti Loi et Justice considère la Pologne comme une victime du " condominium russo-allemand " et ne croit pas en la possibilité d’une coopération économique entre la Russie et la Pologne. En ce que concerne la Russie, ce n’est pas tout rose non plus. Certains députés parlementaires tentant de prouver que 3.500 documents sur le massacre de Katyn ont été falsifiés par les " démocrates des années 90 ", continuent de jeter de l’huile sur le feu des spéculations antirusses dans les médias polonais.

L’obstacle mental

Une analyse attentive permet de comprendre que tous ces prétendus obstacles sur la voie du développement des relations russo-polonaises ont un caractère psychologique (et parfois psychiatrique). Les économies de la Russie et de la Pologne sont fortes dans différents domaines, et pour cette raison elles ne sont pas en concurrence.

La Pologne avait toutes les chances de participer au " condominium russo-allemand ", en devenant un transitaire fiable pour les énergies russes à destination de l’Allemagne. Selon Andrzej Szczesniak, expert du centre d’analyse du pétrole et du gaz de Varsovie, cette chance a été manquée à la fin des années 90, lorsque la Pologne a refusé à Gazprom la construction d’une déviation du gazoduc Yamal-Europe vers la Slovaquie. Et si la Russie par principe, et non pas en raison du comportement hostile des autorités polonaises envers Gazprom, ne voulait pas coopérer avec la Pologne, Alexeï Miller et Vaguit Alekperov auraient trouvé mieux à faire que de se rendre lundi en visite en Pologne. Pour terminer, si la Russie avait été coupable de la tragédie à Smolensk, comme l’affirment certains politiciens polonais, le procureur général russe Iouri Tchaïka ne se serait pas rendu à Varsovie pour s’entretenir avec son homologue polonais Andrzej Seremet. En fait, les négociations ne concerneront pas le début de la transmission aux Polonais des enregistrements audio et d’autres preuves matérielles (ils se font transmettre depuis longtemps), mais de l’achèvement de ce processus.

La question de Katyn pourrait également avancer. Le décret récent à ce sujet de la Douma d’Etat (chambre basse du parlement russe) met un terme au problème des déclarations du Parquet général et du ministère de la Justice de Russie, qualifiant le crime de Katyn d' " abus de pouvoir " et de " dépassement de compétences ", qui irritaient la Pologne. Evidemment, le massacre secret en URSS de plus de 20.000 Polonais était, entre autres, un abus de pouvoir, mais c’était avant tout un meurtre. Toutefois, la Pologne a une position de plus en plus pondérée à l’égard du problème de Katyn. L’ancien président polonais Alexandre Kwasniewski a invité à " ne pas chercher les coupables avec autant de véhémence, comme s’il s’agissait de personnes en vie, et non pas de morts. " Une telle approche aurait tout à fait satisfait la Russie, alors que la déclaration récente de Jarosław Kaczyński qui a dit que les proches des victimes pouvaient exiger des dédommagements, ne reflète que l’avis de l’opposition nationaliste, et pas de la Pologne toute entière.

Les leçons pour l’Europe

En dépit de tous les ralentissements, la réconciliation russo-polonaise oblige à regarder sous un nouvel angle les autres obstacles " insurmontables ", similaires aux problèmes polonais, sur la voie du rapprochement de la Russie et de l’Union Européenne.

Peut-être la différence entre nos valeurs morales n’est-elle pas si grande ? Et elle semble " énorme " seulement aux partisans de M. Kaczyński, si nombreux au sein du Conseil de l’Europe et surtout du Parlement européen ?

Ou peut-être la Russie n’aspire pas au " diktat énergétique ", mais se préoccupe-t-elle seulement de la fourniture ininterrompue de sa production en UE et, par conséquent, des recettes stables versées dans la caisse de l’Etat ? Peut-être que ce n’est pas en Russie, ou pas seulement en Russie, qu'il faut chercher l’origine des tendances autoritaires qui se manifestent effectivement dans beaucoup d’anciennes républiques soviétiques ? Et le plus important : il est peut-être possible de surmonter tous ces obstacles ?

Il est absurde et néfaste pour les deux pays que parmi les sociétés qui investissent en Pologne il y ait des centaines de compagnies allemandes, des dizaines de compagnies hollandaises, plusieurs compagnies sud-coréennes, mais aucune compagnie russe. Mais il convient de remarquer que la Pologne est également responsable de cette situation. En effet, la Pologne est fière de sa législation avantageant les investisseurs étrangers. Les entrepreneurs étrangers bénéficient de privilèges fiscaux. Par exemple, lorsqu’ils investissent les revenus des entreprises polonaises dans les régions polonaises respectives, ces entrepreneurs peuvent être exonérés d’impôts pendant plusieurs années. Ce système a permis à la Pologne de se sortir des crises économiques des années 80 en ouvrant sur son territoire des usines des marques telles que Fiat et Michelin.

Mais pour les entrepreneurs russes ces privilèges étaient contrebalancés par des égards négatifs des fonctionnaires polonais, ainsi que par de fréquentes campagnes dans les médias polonais qui voyaient des " agents russes " non seulement en la personne des hommes d’affaires russes mais aussi en la personne des Polonais qui coopéraient avec des Russes. Il y a des chances qu’après la visite de Dmitri Medvedev la situation s’améliorera.


Ce texte n’engage pas la responsabilité de RIA Novosti

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