Pourrions-nous profiter des cours de sexe? Certains semblent le croire. Il n’y a pas longtemps, un dimanche soir dans le centre de Manhattan, un grand groupe de filles trentenaires se rencontraient dans un sex-shop à la mode pour un curieux cours: un atelier de deux heures et demi sur " L’art de la fellation" pour 35$. Alors que les profs, deux filles plus jeunes, habillées de manière très décontractée, l’une avec un immense godemiché en silicone attaché au bas-ventre et plein d’accessoires à portée de main (bagues de pénis, mini-vibrateurs, stimulateurs de prostate, lubrifiants, une masse bizarre de caoutchouc appelée "manchon de masturbation ", etc.) dévoilaient les nuances du plaisir oral, les étudiantes prenaient méticuleusement des notes et pratiquaient leur savoir-faire sur des bananes habillées de capotes à la menthe. Moi, aussi, j’étais assise au dernier rang avec ma banane, un peu perplexe, essayant très fort de ne pas rigoler. Mais j’avais une excuse pour mal me comporter: je n’étais pas là comme étudiante mais comme journaliste.
L’une des histoires que j’ai couvert lors de mon dernier voyage d’une semaine à New York portait sur Babeland, une société florissante existant depuis 17 ans qui vend avec beaucoup de succès des vibrateurs design (les plus chers en or et diamants pouvant coûter jusqu’à 2.700 $), des sextoys de toutes sortes ainsi que des livres et vidéos érotiques en ligne et dans des boutiques spéciales à New York et Seattle. Babeland organise également différents séminaires sur les techniques et pratiques sexuelles qui sont réservés des jours à l’avance.
Les participants sont principalement des femmes cadres dont beaucoup sont mariées et à priori ne devraient pas manquer d’expertise sexuelle. En fait, quand j’ai demandé aux filles du cours de l’Art de la fellation (dont, effectivement, la moitié était mariée), si elles avaient appris quelque chose de nouveau pendant la séance, la plupart se sont marrées et m’ont répondu que pas tant que cela. "Mais au moins, ce cours valide d’une certaine manière ce que nous étions déjà en train de faire", dit une femme de 37 ans mariée et avec enfants depuis plus de dix ans .
De l’autre côté de l’Atlantique, dans un pays où, il y a deux décennies, tout ce qui avait trait au sexe était officiellement tabou, sont largement disponibles des programmes bien moins discrets ciblant la sexualité des femmes. La reconnue Académie des Vies Privées de Moscou et Saint Pétersbourg offre des classes de trois heures sur la Séduction Orale Gorge Profonde une fois par semaine pour 80$. Les places sont prises d’assaut des mois à l'avance.
L’école a été créée il y a dix ans par un écrivain de bestsellers et psychologue transformée en femme d’affaires de Saint Pétersbourg. Elle donne également des cours sur comment se marier, comment planifier sa vie sexuelle en accord avec le calendrier lunaire, comment activer ses chakras et comment acquérir les compétences de l’orgasme super puissant. Partout à Moscou et dans beaucoup de grandes villes de Russie, des dizaines voire des centaines de sociétés similaires organisent de nombreux programmes de formation des femmes.
Beaucoup organisent des stages de deux à dix jours promettant de changer la vie et des résultats qui, s’ils ne sont pas magiques, permettent néanmoins de vous "transformer en déesse", de "devenir une geisha", de "découvrir le bonheur", de "transformer votre homme en millionnaire", etc.
Je ne suis pas prude, loin s’en faut. En fait, je souhaiterais même que Moscou ait aussi des sex-shops du genre de Babeland: élégants, agréables, plein d’infos, pensés pour les femmes, amusants, accueillants. Mais faire d’une chose aussi profondément intime et individuelle, et à mon sens purement intuitive, que la relation sexuelle, l’objet d’une étude publique me semble un peu absurde.
Dévoiler les derniers secrets intimes laisse peu de place au mystère et la fantaisie. Ou bien sommes-nous, femmes, devenues si anxieuses que nous ressentons le besoin de concurrencer la sexualité de robot des stars du porno ? Avons-nous perdu la faculté de communiquer et d’expérimenter spontanément avec nos partenaires dans l’intimité de nos chambres? Et est-il vraiment possible de devenir ou de commencer à se sentir une déesse après deux heures ou même trois jours de stage?
Je suppose que je ne devrais pas juger trop sévèrement. C’est dans la nature féminine de demander de l’aide lorsque le besoin s’en ressent et d’être ouvertes à l’apprentissage. De plus, nous, les femmes, nous avons souvent tendance à nous culpabiliser nous-mêmes en premier lorsqu’un problème surgit dans la relation. Peut-être est-ce aussi le moyen qu’ont trouvé les âmes solitaires des mégalopoles de rencontrer de nouvelles têtes ou tout simplement de partager avec des étrangers les problèmes qu’elles seraient peut-être trop embarrassées pour aborder avec leurs proches. Ou bien peut-être vivons-nous l’ère de la restauration rapide tout comme des solutions rapides dans tous les domaines de la vie et l’offre rencontre tout simplement la demande.
Je connais des filles qui fréquentent ces cours plus souvent qu’elles ne font du shopping et qui semblent les apprécier au point d’en être dépendantes alors que leur vie reste la même. J’en ai rencontrées qui insistent pour dire que leur vie a changé pour toujours après la participation à un cours du genre et j’en connais d’autres qui prétendent que c’était un gaspillage total de leur argent. J’ai moi-même été à nombre de ces séances portant sur la sexualité et le plus généralement le développement personnel. La plupart du temps c’était pour le travail. Quelques unes étaient intéressantes, d’autres ridicules ou même dangereuses, seules une ou deux plutôt utiles.
En ce qui concerne la séance de la banana new yorkaise, personnellement, je n’ai rien découvert de très nouveau et il est peu probable que les quelques mouvements que je ne connaissais pas puissent spectaculairement améliorer ma vie sexuelle.
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* Svetlana Koltchik, 33 ans, est la rédactrice en chef adjointe de l'édition russe du magazine Marie Claire. Elle est diplômée de la faculté de journalisme de l'Université de Moscou et de l'Ecole de journalisme de l'Université de Columbia à New York. Elle a travaillé dans l'hebdomadaire russe Argumenty i Fakty à Moscou, le journal USA Today à Washington et a écrit pour RussiaProfile.org ainsi que pour les éditions russes de Vogue et de Forbes.
