Notre correspondant Igor Yazon vous parlera de deux événements du vaste programme de l’Année croisée France-Russie. L’un s’est déroulé à Moscou, l’autre à La-Fère en France mais les deux sont liés au grand poète russe Alexandre Pouchkine.
Allons d’abord à La-Fère, commune dans l’Aisne en Picardie. Elle est célèbre entre autres par son château du 17ème siècle qui est ancien siège de l’Ecole Royale d’Artillerie de La-Fère. En 1717 l’empereur russe Pierre le Grand a envoyé dans cette école son valet de chambre et secrétaire Abram Petrovitch Gannibal afin que celui-ci devienne ingénieur militaire. D’origine africaine, Abram ou Ibrahim s’est retrouvé d’abord chez les Turcs pour, à l’âge de huit ans, être amené par un ambassadeur russe de Constantinople à Moscou. Il a été converti en religion orthodoxe : Pierre le Grand était son parrain. Après avoir terminé l’école de La-Fère en grade de capitaine de l’armée française, Abram Petrovitch Gannibal est revenu en Russie : il a dirigé les travaux d’ingénieur dans l’île de Kronstadt, a occupé des postes importants dans la division du génie militaire et a pris sa retraite en grade de général en chef. Il a eu en secondes noces le fils Osip Abramovitch Gannibal qui était le grand-père du futur poète. Pouchkine a immortalisé son arrière-grand-père dans la nouvelle « Le Nègre de Pierre le Grand » : « Je compte voir encore mon vieux nègre de Grand-Oncle qui, je suppose, va mourir un de ces quatre matins et il faut que j’aie de lui des mémoires concernant mon aïeul », a écrit Pouchkine. Le 23 octobre une plaque commémorative a été installée sur le bâtiment de l’ancienne école d’artillerie à l’initiative de la municipalité de La-Fère : il y est écrit en russe et en français que c’est ici qu’Abram Petrovitch Gannibal, arrière-grand-père de Pouchkine, avait appris l’art de la fortification. « La cérémonie à La-Fère est une contribution de notre ville picarde dans l’Année France-Russie et l’Année internationale du dialogue des cultures », a dit l’adjoint maire de la La-Fère Jannine Machi. En même temps, c’est le fruit des années de travail du grand biographe de Gannibal à l’étranger, historien béninois et philologue slavisant résidant à Paris, Dieudonné Gnammankou. C’est lui qui a réussi à achever la discussion vielle de plus de 100 ans sur les origines de l’aïeul noir du poète russe et de prouver que Gannibal était de l’ethnie kotoko de la région de Logone. Cette ethnie peuple aujourd’hui trois Etats africains : le Nigéria, le Tchad et le Cameroun. Dans les années 1990 Dieudonné Gnammankou a publié en France son monographie « Abraham Hanibal, l'aïeul noir de Pouchkine ». Récemment il a fait une intervention au colloque de Harvard avec son rapport intitulé « Les racines africaines de Pouchkine ». Au fait, parmi les invités de la cérémonie de l’inauguration de la plaque à La-Fère étaient le 47ème sultan de Logone Birni (Cameroun) Mahamat Bahr Barouf et sa délégation.
Revenons maintenant à Moscou, à l’une des rues des plus connues de la capitale russe, Arbat où se trouve la maison-musée Alexandre Pouchkine. C’est dans cette maison qu’a eu lieu la présentation du recueil « Alexandre Pouchkine. Eugène Onéguine. Poésies Choisies » en russe avec la traduction parallèle en français. Le mot d’ouverture par la directrice adjointe du musée littéraire d’Etat Pouchkine Natalia Mikhaïlova :
« En conclusion de l’Année de la Russie en France et de la France en Russie la publication de ce recueil magnifique des poèmes de Pouchkine représente, je crois, non seulement une formidable contribution des intellectuels russes à cette Année mais aussi la manifestation du respect infini et de l’admiration sans limites dues à notre compatriote génial, le grand poète international Alexandre Serguéevitch Pouchkine. Selon l’expression imagée de Pouchkine, les traducteurs sont des « chevaux de poste de l’éducation ». Notre autre compatriote remarquable, l’écrivain et le critique littéraire Tchernychevski disait à l’époque que c’est Pouchkine qui avait versé la mer de l’éducation grâce à laquelle des dizaines de milliers de personnes avaient commencé à percevoir la littérature comme une affaire nationale. C’est pourquoi nous devons sincèrement remercier tous ceux qui ont participé dans la création de ce nouveau recueil avec la traduction en français et avant tout à l’éminente traductrice Nina Nassakina. C’est un cadeau pour tous ceux qui sont en Russie et tous ceux qui lisent Pouchkine en français ».
« Qu’est-ce qui est pour vous le travail sur ce recueil ? » - c’est la question posée par notre correspondant au traducteur français Bruno Bisson, l’un de ceux qui a participé à la préparation du recueil « Alexandre Pouchkine. Eugène Onéguine. Poésies Choisies ».
Demain à la même heure on poursuivra le thème de « Pouchkine et la France » et fera connaissance avec ceux qui ont participé à la préparation du nouveau recueil des œuvres de Pouchkine traduits en français. On parlera avant tout de la traductrice talentueuse Nina Nassakina et son élève Boris Egorov. Vous admirerez également plusieurs extraits des poèmes de Pouchkine en français.