Le statut de la mer Caspienne discuté au sommet actuel des Etats caspiens à Bakou est l’un des problèmes les plus complexes du XXIe siècle, directement lié à l’avenir économique de la Russie. De plus, la rencontre entre les présidents de Russie et d’Iran dans la capitale de l'Azerbaïdjan devrait permettre de clarifier les relations entre la Russie et l'Iran qui sont actuellement confuses. L’interruption des contacts entre Moscou et Téhéran a été provoquée par le refus de la Russie de fournir à l’Iran des missiles antiaériens S-300, après que l’Iran eut refusé de coopérer avec les organisations internationales, chargées de vérifier le caractère pacifique de son programme nucléaire.
L’incertitude du statut de la mer Caspienne est le principal obstacle au projet soutenu par l’Occident de gazoduc Nabucco, destiné à acheminer le gaz en provenance du Turkménistan et d’autres pays asiatiques en Europe, en contournant le territoire russe. Cette incertitude est due à la position de l’Iran qui a méthodiquement bloqué les projets précédents de partage de la mer Caspienne. Au final, le statut de la mer Caspienne est toujours réglementé par les accords irano-soviétiques de 1921 et de 1940. Les pays de la région sont conscients de la nécessité de leur révision depuis 1991-1992, lorsque quatre nouveaux ‘’ utilisateurs ‘’ de la mer Caspienne indépendants sont apparus après l’effondrement de l’URSS : la Russie, l’Azerbaïdjan, le Kazakhstan et le Turkménistan.
Il s’avère que la position de l’Iran est à la fois profitable et préjudiciable à la Russie : d’une part, jusque-là l’Iran exigeait une part disproportionnée de la mer Caspienne, d’autre part, l’inflexibilité de l’Iran empêche la construction du pipeline ‘’ transcaspien ‘’ tant voulu par les Etats-Unis (dans le cadre du projet Nabucco), qui acheminerait le pétrole en provenance d’Asie centrale en Europe, en contournant la Russie.
Au cours des derniers jours, la Russie a reçu des signaux contradictoires des autorités iraniennes. Les membres du parlement iranien menaçaient de déposer une plainte contre la Russie pour la non-fourniture à l’Iran des missiles S-300 promis. D’autre part, ils tentaient de réduire la gravité de cet échec en parlant de la création de leur propre version du S-300, en se servant des S-200 déjà fournis.
Dans l’ensemble, le comportement de Téhéran pourrait s'expliquer de la manière suivante. L’Iran est désappointé par l’adhésion de la Russie aux sanctions du Conseil de sécurité de l’ONU, et les autorités iraniennes voudraient certainement ‘’ remettre la Russie à sa place ‘’ et l’accuser de ‘’ trahison ‘’, comme a déjà tenté de le faire en septembre le président iranien Mahmoud Ahmadinejad. Mais dans les conditions de l'isolement international presque complet, alors que l’Iran est frappé par les sanctions économiques de l’ONU, les insultes à l’égard de la Russie sont un luxe que Téhéran ne peut se permettre. Qui seront ses partenaires dans l’arène internationale? Le mouvement Hezbollah au Liban, incapable de remporter les élections parlementaires dans un pays aussi petit? Les groupuscules chiites en Irak, dont il est exclu qu'il puisse devenir un allié, étant donné qu’il a été en conflit pendant de nombreuses années avec l’Iran il n’y pas si longtemps? C'est peu pour une grande puissance, comme se proclame l’Iran. Ainsi, l’Iran est contraint de faire bonne impression en public en tentant de convaincre les observateurs indépendants qu’il a suffisamment de temps et de forces en réserve, qu’il a de nombreux alliés dans la région, et que tout n’est pas perdu avec la Russie.
A Bakou, ainsi qu’avant la venue dans la capitale azerbaïdjanaise, M.Ahmadinejad a déjà fait plusieurs déclarations concernant les thèmes ci-dessus avec la tournure philosophique qui lui est propre. En s’adressant à la population perse de l’Azerbaïdjan, il a déclaré que le courage et l’esprit combatif était la véritable bombe nucléaire de l’Iran. Avant la visite, en critiquant la décision de ‘’ certains pays ‘’ (c’est-à-dire de la Russie) de ne pas lui fournir les missiles, Mahmoud Ahmadinejad parlait déjà de cette ‘’ bombe spirituelle ‘’, qui décimerait les ennemis non désignés ‘’ directement dans leurs palais. ‘’ En ce qui concerne la participation de l’Azerbaïdjan au projet Nabucco, le président iranien s’est limité à déclarer que l’Europe avait plus besoin du gaz iranien que l’Iran des marchés européens, et que pour cette raison l’Iran n’était pas pressé.
Toutes ces déclarations, qui rappellent la rhétorique d’antan de Jirinovsky, au sujet de son ‘’ arme supersonique ‘’ et du ‘’ fonds pétrolier ‘’ ont peu de chance d’impressionner les pragmatistes du Kremlin. La création d’une véritable zone de coopération en mer Caspienne sera le seul sujet de discussion sérieuse à Bakou.
Il existe déjà certaines prémisses pour cette zone. Au cours des dernières années, les relations entre l’Iran et l’Azerbaïdjan, auparavant complexes, s’amélioraient. Toutefois, le litige entre le Turkménistan et l’Azerbaïdjan concernant le partage de certains gisements en mer Caspienne n’a toujours pas été réglé. Mais il a été décidé que les navires devaient naviguer en mer Caspienne sous les pavillons des Etats riverains. D’autres mesures ont également été mises en œuvre afin d’empêcher les ‘’ étrangers ‘’ de pénétrer dans la région. Quant au projet de pipeline transcaspien, certainement élaboré dans des pays fort éloignés de la mer Caspienne, ses perspectives paraissent improbables : un pays clé, tel que le Kazakhstan, a déjà reconnu que ce projet était sans avenir. Dans ces conditions, il est temps d’oublier la non-fourniture des missiles S-300 en Iran. D’autant plus qu’Ahmadinejad, selon ses propres mots, a un substitut en tout point identique à l’original.
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