Après le sommet du G20 de Séoul, auquel la Russie a participé en tant que grande puissance économique mondiale, le président russe Dmitri Medvedev se rendra à Yokohama, où la Russie, membre de l’Organisation de coopération d’Asie-Pacifique (APEC), représentera l’une des 21 économies du Pacifique. Le forum de l’APEC, qui se termine ce week-end par un sommet, n’a rien à voir avec la réunion du G-20. Ce dernier est un conseil des plus grandes puissances concernant leur développement sans se porter préjudice mutuellement (par exemple, ne pas diminuer les taux de change). L’APEC, plus précisément son forum annuel, est une sorte de fête, une cérémonie.
L’APEC peut réussir là où l’OMC échoue
Ces forums ne s’accompagnent jamais de décisions inattendues ou d’affrontements politiques. On s’y prononce en faveur des programmes ou des idées, élaborés depuis un an, voire plus, par le mécanisme complexe et puissant de l’APEC : réunions de comités, entretiens, accords… Puis, une fois par an, on peut organiser une cérémonie d'ensemble. Elle est probablement destinée au public afin de faire comprendre que l’APEC est une organisation sérieuse, que l’APEC fait dans le Pacifique ce que l’UE peine à réussir en Europe.
Plus précisément, elle crée un espace économique commun. Tout cela sachant que des Etats relativement semblables s’intègrent en Europe grâce à l’introduction de normes communes strictes. Or en Asie-Pacifique, le Canada s’intègre avec Brunei et le Vietnam, et il le fait d’ailleurs très bien. Sans aucune décision contraignante, à l’APEC tout se base sur le principe du volontariat.
En voici un exemple des plus évidents. Sur le portail commun de l’APEC (pas sur le site créé par les Japonais pour le forum actuel) on peut voir un diagramme très simple. En 1989, la taxe douanière ‘’ moyenne ‘’ dans la région était de 16,9%. En 2008, seulement de 6,6%, et le profit de la baisse des taxes est évident pour tous. Bien qu’au départ la plupart aient émis des doutes sur l'existence d'un quelconque libre échange entre les sociétés américaines et le marché de la Thaïlande.
Le diagramme embellit le portail en raison de la célébration à Yokohama du 20e anniversaire de ce qu’on appelle les ‘’ objectifs de Bogor ‘’ (du nom de cette ville d'Indonésie) consistant à instaurer en Asie-Pacifique une zone de libre échange d'ici 2010. La zone en soi n’existe pas parce que l’Organisation mondiale du commerce (OMC) est en charge des tarifs douaniers (sans succès), or l’APEC, confrontée à ce problème (la crainte des petits face aux grands), était pendant ces 20 années chargée de tout, sauf des tarifs douaniers. Principalement de la création d’un espace commun. Et la diminution des tarifs douaniers s’y fait sans que l’on mette trop l’accent là-dessus…
Des idées et des propositions
Ceux qui ont suivi au cours de l’année les décisions de la commission sont au courant des idées qui seront intégrées aux documents du forum actuel de l’APEC. Voici les exemples les plus intéressants, à première vue. La commission économique de l’APEC a préparé un rapport sur la gestion des compagnies, par exemple, sur les droits des actionnaires. Le rapport n’est pas un guide d’utilisation, mais un document permettant de comparer et d'analyser, par exemple, où le règlement fonctionne le mieux. Puis, lors de la réunion des hauts fonctionnaires, il a été conseillé à tous de prolonger volontairement le moratoire sur l’augmentation des taxes douanières, en vigueur depuis 2008. De plus, lors de la réunion des ministres de Communications à Okinawa en octobre, la discussion tournait autour du développement d’une infrastructure ‘’ à large bande ‘’ dans les secteurs critiques, tels que l’éducation, la santé, l’énergie et l’environnement. Pour terminer, s’est tenue la rencontre concernant la ‘’ sécurité alimentaire ‘’, principalement visant à empêcher les spéculateurs de provoquer la panique sur les marchés alimentaires…
Le mécanisme pourrait fonctionner en l’absence du forum. Mais alors personne ne saurait qu’il existe. Et voici que le forum, qui a commencé en début de semaine, se charge tout d’abrod de concerter le document des ministres de l’Economie et des Affaires étrangères. Ils y ont déjà inscrit 57 paragraphes, où figurent la sécurité alimentaire, les droits des actionnaires, etc. En d’autres termes, nous avons devant nous la revue du travail annuel de l’APEC et un bref résumé des résultats, qui se concrétisent dans les décisions des 21 gouvernements. Pas forcément de chacun d'entre eux, pourtant. Comme il a été précisé précédemment, la mise en œuvre des décision du forum n'est pas obligatoire. Mais l’exemple du voisin peut s’avérer contagieux.
Bien sûr, le fait que l’amour européen des normes contraignantes et minutieusement prescrites ne soit pas le seul moyen d’intégration est un phénomène de culture et d’histoire mondiale. Mais chacun y voit son intérêt.
Pour revenir au mécanisme de l’APEC, la balle est dans le camp des chefs d’Etats. Ils se rendront à Yokohama à la fin de la semaine, le sommet se tiendra ce week-end. Ils adopteront une déclaration plus courte. Les idées sont globalement les mêmes, mais il s'agira de la nouvelle stratégie de croissance en Asie-Pacifique. Qui sera également constituée des milliers de détails élaborés sur une année.
Fait important, un autre sommet se réunit parallèlement : le CEO Summit, la conférence des plus grands entrepreneurs du Pacifique. A laquelle les présidents et les premiers ministres participent parfois en tant qu’invités. C’est l’un des principaux générateurs d’idées, probablement, derrière Davos. Ce sommet sert de point de départ à toute l’activité de l’APEC pour l’année suivante, un nouveau cycle commence.
Le forum se rapproche de Vladivostok
Les événements qui ont lieu actuellement à Yokohama se tiendront l’année prochaine aux Etats-Unis (la ville où se tiendra le forum sera officiellement annoncée sous peu), puis à Vladivostok.
L’organisation du forum avec ses nombreuses réunions parallèles n’est pas une tâche purement logistique. Le pays d’accueil, bon gré mal gré, doit avoir le rôle d’idéologue de l’APEC pour l’année suivante, avancer une idée (sous la forme d'un slogan en anglais de bon aloi) qui plaira à tous. La présidence japonaise a, par exemple, avancé l’idée suivante : étant donné que la région de l’APEC est devenue l'épicentre de la croissance économique mondiale, il faut : premièrement, faciliter les conditions de travail des entrepreneurs, deuxièmement, créer un modèle économique stable, basée sur les technologies et les innovations, et, troisièmement, sécuriser l'Humanité dans tous les sens du terme.
Et ces questions ont principalement fait l’objet de décisions et de discussions pendant une année.
Quelle sera la proposition de la Russie? Une alliance de modernisation en Asie-Pacifique? Pourquoi pas, elle serait en effet profitable à tous. En fait, l’APEC s’occupe déjà de la modernisation des économies plus faibles. Cela se remarque également dans les idées japonaises citées ci-dessus.
Mais afin de devenir un leader intellectuel pour l’APEC, au moins pour une année, la Russie ne doit plus avoir le rôle de pays périphérique et secondaire du Pacifique, comme c’est le cas actuellement, mais comprendre bien mieux quel profit concret elle pourrait tirer dans cette région précise, et ce qu'elle pourrait y apporter. Notre discours diplomatique en Asie-Pacifique ne subit pas de changements notables depuis pratiquement dix ans. La sécurité du Pacifique, la lutte contre les catastrophes naturelles, etc. Ce n’est pas un défaut en soi. Mais cela devient récurrent et on a besoin d’une ‘’ mise à jour. ‘’ Aujourd’hui cette opportunité se profile à l’horizon.
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