On s’attend à une percée dans les relations Russie-OTAN. Moscou et l’OTAN n’avaient encore jamais déployé une activité militaro-diplomatique aussi intense qu'à la veille du sommet de l’OTAN, prévu les 19 et 20 novembre à Lisbonne. Et comparé à la période qui a suivi les événements d’août 2008 dans le Caucase, cela ressemble à ‘’ un redémarrage total ‘’, bien plus important qu’avec les Etats-Unis.
Le fait que le président russe Dmitri Medvedev ait accepté l'invitation à se rendre au sommet de l’OTAN à Lisbonne a, bien sûr, provoqué une poussée d’adrénaline chez les militaires et les diplomates. Bien qu’officiellement Dmitri Medvedev se rende au sommet du Conseil Russie-OTAN le 20 novembre, nous savons dès maintenant qu’il participera à une réunion spéciale de deux heures avec le président Barack Obama, à un entretien particulier avec le Secrétaire général de l’OTAN Anders Rasmussen et aux réunions particulières avec les chefs d’Etat des puissances membres de l’alliance.
Une activité accrue sur tous les axes
Le Secrétaire général de l’OTAN Anders Fogh Rasmussen, en changeant son emploi du temps et en avançant sa visite de trois jours, s’est rendu à Moscou le 2 novembre afin de rencontrer le lendemain le président Medvedev et le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov pour préparer la visite du président russe. La veille, les 1 et 2 novembre, on assistait à une activité russo-otanienne particulièrement fébrile : des négociations entre le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, le ministre russe de la Défense Anatoli Serdioukov, le chef de l’Etat-major général Nikolaï Makarov et le chef des forces de l’OTAN en Europe, l’amiral américain James Stavridis. La délégation de l’OTAN a ensuite rencontré les représentants du ministère russe des Situations d’urgence, du Conseil de sécurité, de la région militaire de l’Ouest, et a visité certains centres russes de formation militaire. Sergueï Lavrov s’est entretenu en tête-à-tête avec le ministre des Affaires étrangères allemand Guido Westerwelle. Les thèmes n'avaient pas changé, ils concernaient la Russie et l’OTAN. En septembre, le ministre de la Défense Serdioukov s’était rendu au Pentagone pour rencontrer son homologue américain Robert Gates.
Ce que l’OTAN attend de la Russie…
La Russie et l’OTAN pendant le sommet et/ou plus tard (si le délai imparti s’avère insuffisant pour préparer les accords avant le sommet de Lisbonne) signeront plusieurs accords de coopération, dont :
L'assistance de l’OTAN à la livraison du fret, y compris militaire, en Afghanistan via le territoire russe, aussi bien par air que par fer ou par route;
La livraison en Afghanistan d’hélicoptères russes;
La formation des pilotes, des forces spéciales, des militaires, des unités de lutte contre les stupéfiants et le terrorisme dans les centres de formation russes par des instructeurs russes;
L’adhésion probable de la Russie au système de défense antimissile de l’OTAN
Le dernier point est non seulement probable, mais plus vraisemblable qu’il pourrait le sembler. Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a reconnu à l’issue de la rencontre avec James Stavridis : Moscou a déjà ‘’ des plans ‘’ concernant le système conjoint de défense antimissile de l’OTAN. Le plus important serait de comprendre comment s’intégrera ici la défense antimissile américaine selon ‘’ l’interprétation d’Obama. ‘’ Elle diffère du projet européen de George Bush, mais sa configuration est loin d’être une variante aussi neutre que les Américains ne veulent bien la présenter.
On parle des hélicoptères russes depuis près d’un an. Il s’agit de la fourniture à l’armée afghane d’environ 20-21 appareils, y compris des Mi-17. Les appareils sont plus robustes et plus adaptés aux conditions environnementales du pays que leurs homologues occidentaux. En fait, la Pologne, membre de l’ISAF (Force internationale d'assistance et de sécurité), a déjà reçu quatre Mi-17.
…et pourquoi l’alliance aspire-t-elle à ‘’ une nouvelle amitié ‘’
En fait, des changements importants, qui ne sauraient survenir sans le soutien de la Russie, sont attendus en Afghanistan, ce pays des ‘’ guerres perdues ‘’ en permanence, et des réputations gouvernementales souillées. L’OTAN et les Etats-Unis préfèrent ne pas en parler ouvertement, mais le reconnaissent en privé.
Au sommet de Lisbonne on devrait assister à l’adoption de la déclaration pour la coopération entre l’OTAN et le gouvernement de Hamid Karzaï après 2014-2015. Conformément à ce calendrier provisoire, la présence des forces de l’OTAN en Afghanistan devraient être réduite au minimum précisément en 2014-2015, et le contrôle de la sécurité devrait être transmis aux militaires et aux policiers afghans.
Toutefois, il est clair que compte tenu des particularités afghanes, l’OTAN ne réussira jamais à remporter la guerre contre les talibans, à conclure la paix avec eux ou à sécuriser et stabiliser le pays avant ce délai.
La Russie est la seule capable de sortir l’OTAN du gouffre afghan, car elle a déjà été prise ‘’ au piège ‘’ et a déjà connu cette situation. L’OTAN a besoin du couloir russe de transit, des ports baltiques jusqu’au Tadjikistan, via la Russie, le Kazakhstan et le Kirghizstan. La voie pakistanaise ne peut plus assurer toute la logistique de l’OTAN. L’OTAN a besoin des instructeurs russes pour les soldats afghans, du matériel russe, de l’aide russe dans la lutte contre les stupéfiants et le terrorisme qu’il génère. Mais pour l’instant…
‘’ Les Russes pourraient nous rendre la vie particulièrement difficile en Afghanistan, mais ils ne le font pas ‘’, a déclaré un diplomate de l’OTAN. Et l’OTAN espère que la Russie passera d’une ‘’ assistance passive ‘’ à une aide active.
Condamnés au ‘’ partenariat afghan ‘’
L’OTAN souligne qu’il ne pourrait être question de l’envoi en Afghanistan de soldats et d'instructeurs russes. Il serait maladroit de rappeler à la Russie les souvenirs particulièrement douloureux de la guerre en Afghanistan. Ce qui pourrait avoir des conséquences intra-politiques graves aussi bien pour Dmitri Medvedev que pour Vladimir Poutine.
Cependant, la situation le long des frontières sud de la Russie risque de s’aggraver de toute façon. La participation de Moscou à la formation conjointe avec l’OTAN des militaires du ‘’ régime pro-occidental de Karzaï ‘’, l’ouverture du ‘’ couloir afghan ‘’, les opérations conjointe avec l’OTAN et les Etats-Unis contre les trafiquants de stupéfiants font de Moscou, au même titre que l’OTAN et les Etats-Unis, une cible pour les talibans et Al-Qaïda.
Mais nous n’y pouvons rien. Sans l’alliance avec l’OTAN, la situation en Afghanistan sera bien pire. Dans le contexte des frontières poreuses, pratiquement inexistantes, de nos voisins du sud permettant d’importer des tonnes d’héroïne en provenance d’Afghanistan, la Russie n’a aucune autre solution que de soutenir l’OTAN. Même un retrait partiel des troupes de l’OTAN sans une formation adéquates des forces afghanes serait une catastrophe pour Moscou avec l’apparition d’un territoire ‘’ héroïnien ‘’ incontrôlable et bien armé sous son nez.
La Russie voudrait, et c’est bien légitime, exiger de l’OTAN, en échange de son esprit de conciliation ‘’ au sud ‘’ des garanties qu’au ‘’ nord ‘’ l’OTAN limitera et réduira quantitativement son contingent dans les pays de l’ancien bloc soviétique, oubliera l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud (peu probable) et prendra en charge la destruction des plantation de pavot en Afghanistan.
Globalement, la Russie pourrait demander beaucoup de choses en échange de son aide. Mais il ne faudrait surtout pas que cette assistance prenne la forme de ‘’ chair à canon. ‘’
Ce texte n’engage pas la responsabilité de RIA Novosti.