Le président russe Dmitri Medvedev n'ira pas à la conférence annuelle de Munich consacrée à la politique de sécurité qui doit se tenir en février prochain. Les sources au Kremlin expliquent cette décision par l'emploi du temps très chargé du président mais les experts pensent quant eux que les raisons de ce refus sont plus nuancées.
En effet, le forum de l'année prochaine s'articulera principalement autour de la situation dans le Caucase et le président géorgien Mikhaïl Saakachvili figure sur la liste des invités. Il est évident qu'il sautera sur l'occasion pour intervenir du haut de la tribune du forum. Pourtant, les dirigeants russes ont déclaré plus d'une fois qu'ils excluaient tout contact avec l'homme qui a déclenché en 2008 la guerre contre les citoyens russes en Ossétie du Sud. Il va de soi que ce fait a servi de prétexte majeur pour le refus du président Medvedev d'aller à Munich, - a souligné dans son interview à la Voix de la Russie la politologue du Centre des études européennes Nadejda Arbatova.
Les dirigeants russes ont répété à plus d'une reprise qu'ils n'entendait pas avoir affaire à l'homme politique qui assume la responsabilité de la crise au Caucase. Il fallait tenir compte de cette position adoptée par la Russie. Je pense pour ma part que les hommes politiques occidentaux ont fait preuve du manque de sagacité et de compréhension de la situation à moins de vouloir exploiter en sous-main la situation créée par la « redémarrage » des relations entre la Russie et l'Occident pour en venir ainsi au règlement de la crise post caucasienne. Pourtant, il est impossible de réconcilier la Russie avec la Géorgie en présence de l'équipe dirigeante en place à Tbilissi. Ce dialogue pourrait démarrer si d'autres leaders montaient demain au pouvoir en Géorgie. Or, la Russie refuse pour le moment d'avoir à faire avec le président actuel.
D'ailleurs, la Russie ne perd rien en refusant de participer à la conférence au sommet de février. Dmitri Medvedev a dit tout ce qu'il voulait dire aux participants de la conférence de Munich à la réunion itinérante de la conférence à Moscou. Il a fait savoir à ses interlocuteurs dont le président de la Conférence Wolfgang Ischinger, l'ex-conseiller du président des « États-Unis Zbigniev Bjezinsky, l'adjoint au président des États-Unis Michael Mcfall et l'ex-chef de la diplomatie polonaise Adam Rothfeld que le positionnement de la Russie en Europe était en train de changer et que la direction euroatlantique devenait un des principaux vecteurs de la politique extérieure russe.
J'ai formulé il y a quelque temps l'idée du Traité de sécurité européenne. Elle a suscité des réactions mitigées, depuis parfaitement positives jusqu'aux prises de position dures et critiques. Je me rends compte de la complexité de cette idée et du fait que de nombreux États ont du mal à l'accepter. Il me semble pourtant qu'elle comporte au moins un élément positif que personne n'a encore pu réfuter. Le fait que la sécurité dans le monde contemporain engage tout le monde. Il est impossible de garantir la sécurité d'un État aux dépens d'un autre ou la sécurité d'un bloc par le biais de confrontation avec un autre bloc ou d'autres pays. Le monde est devenu si interdépendant qu'il ne pardonne plus ce genre d'erreurs.
L'intervention de Dmitri Medvedev a provoqué des réactions houleuses. Wolfgang Ischinger s'est dit pleinement d'accord que le monde avait besoin d'un ordre nouveau du moment que l'ordre ancien ne fonctionnait pas aussi bien qu'il le faudrait. Mais d'après lui, il faut commencer non pas par la signature de textes officiels mais par les mesures de renforcement de confiance mutuelle. Adam Rothfeld a exprimé la même idée dans son interview à la Voix de la Russie.
Les relations entre la Russie et l'Occident ne sont pas mauvaises mais elles auraient pu être bien meilleures. Le problème n'est pas nouveau, c'est l'absence de plusieurs règlementations et textes. Mais, au-delà de tout cela il y a le défaut fondamental. C'est la méfiance qui a des racines historiques profondes. La Russie a, par exemple, la conviction profonde d'avoir été dupée par l'Occident. Elle estime dès lors que les ententes dans le format politique doivent se doubler d'engagements juridiques formels. Je pense pour ma part que les engagements politiques, si on les prend au sérieux, ont plus de force qu'on le croit parfois et que les conventions internationales sont lettre morte en l'absence de volonté politique. Le problème se ramène au dépassement de la méfiance et à l'instauration des relations basées sur le respect mutuel.
D'ailleurs le président Medvedev lui-même ne dissimule pas que les relations entre la Russie et l'Occident soient grevées par le passé historique. Il se déclare prêt à surmonter ce parti pris historique et sa décision d'aller le 20 novembre à Lisbonne à la réunion du Conseil Russie-OTAN, est devenue une démarche concrète allant en ce sens. Il a pour la première fois annoncé sa décision de prendre part à ce sommet au président de France Nicolas Sarkozy et à la chancelière allemande Angela Merkel lors du sommet tripartite à Deauville (France). C'est dans une ambiance informelle et confidentielle que ses collègues ont convaincu le leader russe que la participation au Conseil Russie-OTAN pourrait être utile pour le développement du dialogue entre Moscou et l'Alliance de l'Atlantique du Nord. Les relations entre la Russie et l'OTAN doivent enfin recevoir une base solide et le voyage de Medvedev à Lisbonne pourrait y contribuer, - pense la représentant permanent de la Russie auprès de l'Alliance Dmitri Rogozine des bilans du sommet de Deauville.
L'accent sera mis sur les idées et les propositions russes et sur notre vision de l'avenir de l'espace européen. Pour le président russe qui participera pour la première fois à un événement de ce genre, ce sera la possibilité de passer un message très fort faisant valoir la position russe au lieu de se limiter au débat général sur la situation au sein du G8, du G20 ou de l'ONU. Il me semble que c'est une chance pour nous et pour l'Occident de trouver des intérêts convergents au niveau politique et d'essayer de faire quelque chose ensemble pour combattre les menaces nouvelles.
Les déclarations politiques faites le semaine dernière par le président russe, ont été hautement appréciées par les politologues occidentaux. « Vous suscitez l'admirations générale aux États-Unis, - a dit à Dmitri Medvedev le détracteur de longue date de Moscou Zbigniev Bjezinsky. - Surtout parce que Vous êtes convaincu que la modernisation de la Russie est indissociablement liée à la démocratisation. Ces deux processus marchent de pair et cela a touché les cœurs des Américains. Je suis très heureux de pouvoir m'entretenir avec le jeune président russe qui est en train de créer des opportunités historiques », - a souligné Bjezinsky.