A l’issue de la conférence de presse conjointe tenue par Dmitri Medvedev, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy à Deauville (France), il est devenu évident que les réactions concernant cet événement, à savoir le premier sommet russo-franco-allemand depuis plusieurs années, divergeraient. Selon le pays, le continent et les convictions de chacun. Mais il en est toujours ainsi, surtout lorsqu’une rencontre était censée jouer le rôle de ‘’ brain storming ‘’ où personne n’avait l’intention de signer d'accords internationaux. On a abordé des thèmes sérieux, y compris confidentiels. Et cela n'est pas allé plus loin.
Justement, à propos des réactions. Par exemple, la Russie est particulièrement préoccupée par le problème de l’annulation du régime des visas avec l’Union Européenne. Bien que la rencontre n’ait servi à rien dans ce domaine, l’UE représente tout de même 27 pays.
Les premières pages des journaux américains titrent sur les problèmes militaro-stratégiques – la déclaration de Dmitri Medvedev à Deauville selon laquelle Moscou ‘’ examine question de l’adhésion ‘’ au système de défense antimissile commun sur le territoire euro-atlantique, et le consentement du président russe à se rendre au sommet de l’OTAN à Lisbonne qui se tiendra les 19 et 20 novembre. Les américains font toutefois allusion à la présence au sommet du président américain Barack Obama, or les deux présidents ont des choses à se dire.
Les Européens… Comment peut-on décrire en une seule phrase les réactions de ces 27 pays très différents, pas toujours d’accords entre eux? Bien qu’on puisse noter que les médias européens, par exemple le journal britannique Financial Times, abordent un sujet surprenant : le G-20, dont Nicolas Sarkozy ‘’ prendra les rennes ‘’ dès novembre, à l’issue de la réunion du G-20 en Corée du Sud. Evidemment, à Deauville on en a parlé également.
Mais en fait, dans le pire des cas, Sarkozy n’aurait rien à prendre. Le même journal britannique transmet ouvertement l’appel du premier ministre de l’Inde Manmohan Singh à empêcher la scission du G-20. Visiblement, ce dernier bat de l’aile.
Le fait est que des mesures de relance économique au stade actuel de sortie de la crise (ou au stade actuel de la crise ?) sont différentes et conflictuelles, même entre la Grande-Bretagne et les Etats-Unis (à ce sujet, il conviendrait de s’intéresser aux activités du premier ministre actuel David Cameron). La définition la plus concise de ce qui se passe dans l'arène économique mondiale actuelle, où chaque pays tente de réduire le taux de change de sa monnaie pour faire baisser le coût des exportations par rapport à la concurrence, tient dans le terme de ‘’ guerres monétaires ‘’.
A cela s’ajoute encore la tentative américaine pour obliger la Chine à augmenter considérablement ce même taux de change. Cela indigne même le Japon, sans parler des amis et des alliés de la Chine, par exemple, le Brésil.
Dans l’ensemble, le sommet à Séoul pourrait s’avérer agité, et l’objectif de Sarkozy se réduira à récupérer les restes du ‘’ conseil d’administration économique mondial ‘’. Or cela n’a rien à voir avec les structures européennes, il s’agit de grandes puissances économiques, dont la Russie.
Bien sûr, Nicolas Sarkozy est un personnage exotique sur la scène politique internationale. D'une nature hyperactive, il avance sans cesse des idées colossales de restructuration des relations internationales (par exemple, l’Union méditerranéenne). C’est un ‘’ petit Napoléon ‘’, le héros de caricatures en France, un président dont les chances de réélection paraissent faibles… En effet. Mais compte tenu du chaos dans les relations internationales, c'est précisément le type de personnes auxquelles ont fait appel. Capables d’agir à défaut de dire que le système ne fonctionne pas et qu’il faut tout casser et tout reconstruire.
Tout cela pour dire qu’il ne faut pas interpréter la réunion du ‘’ G-3 ‘’ à Deauville de manière traditionnelle. Comme par exemple, la tentative de la France et de l’Allemagne de tendre la main à la Russie pour l'intégrer au monde familier de la politique européenne, suite à l’aliénation croissante de ces dernières années après le scandale d’août 2008, lorsque les Européens et les Américains ont à dessein refusé de nommer l’initiateur de la guerre en Ossétie du Sud, et que Sarkozy a été le seul à essayer de faire quelque chose.
En effet, la question des relations entre la Russie et l’Europe suscite l’intérêt. Comment ‘’ redémarrer ‘’ les relations entre Moscou et l’OTAN, qui n’est pas considérée par la Russie comme une menace stratégique et est incapable de déterminer clairement la conception de son activité (le sommet de Lisbonne le démontrera)? Comment Moscou pourrait-il avoir affaire avec 27 pays plus ou moins importants, en désaccord les uns avec les autres, où tous ont le droit de veto? Cela relève de la gageure.
Le projet Europe Unie, avec ou sans crise, paraît ingérable et idéologiquement ambigu. Mais il veut masquer le chaos intérieur par des rituels bureaucratiques fastidieux (les sommets), où certains pays d’Europe voudraient voir des représentants russes. Cela leur ôterait une épine du pied. C’est également une forme d’empathie : qu’est-ce que ces Russes veulent, quelle sécurité, quels accords? On a autre chose à faire.
Et il n’est pas surprenant de voir la réticence des entreprises et de la diplomatie de la Russie à participer à ce rituel. Il serait plus simple de communiquer avec les Européens dans un cadre bilatéral. D’ailleurs, la question des visas pour les entrepreneurs, les étudiants, les touristes etc. est effectivement importante. Car elle concerne les personnes qui ont des affaires concrètes en Europe. Les personnes qui, de par leur normalité, ne liraient jamais de leur vie les résolutions et autres textes des sommets et des forums de l’Europe Unie jusqu’à la fin.
Mais en élargissant le point de vue, à l’instar de Sarkozy, de Merkel de Medvedev et de certains présidents européens… en étant conscient que les institutions euro-atlantiques sont incapables de gérer le monde… en comprenant que la Russie n’est pas un simple invité ou participant (ou non) aux sommets… Il convient donc d’improviser et d’organiser des rencontres comme celle de Deauville.
Ce texte n’engage pas la responsabilité de RIA Novosti
Deauville : vers un chaos européen ou un monde nouveau ?
18:03 21.10.2010 (Mis à jour: 16:05 05.10.2015)
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A l’issue de la conférence de presse conjointe tenue par Dmitri Medvedev, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy à Deauville (France), il est devenu évident que les réactions concernant cet événement, à savoir le premier sommet russo-franco-allemand depuis plusieurs années, divergeraient.