Akhmed Zakaïev fait encore parler de lui

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L'arrestation en Pologne du "représentant du gouvernement tchétchène en exil" Akhmed Zakaïev s'est avérée être une mesquine provocation.

L'arrestation en Pologne du "représentant du gouvernement tchétchène en exil" Akhmed Zakaïev s'est avérée être une mesquine provocation. Le tribunal régional de Varsovie a refusé de retenir Zakaïev en détention. " Le ministre de la Culture du gouvernement d'Itchkérie " inexistant a été relâché et est reparti en Grande-Bretagne afin de revenir en Pologne avec un nouveau visa. Aujourd'hui, Zakaïev profite du bruit pour faire parler de lui. Il donne des interviews aux journaux polonais où il exprime son incompréhension de sa brève détention. "Je n'aurais jamais pensé que les Polonais qui nous ont toujours soutenu allaient nous abandonner", se plaint-il dans une interview avec le journal Rzecz Pospolita.

Le diplomate autoproclamé fait, bien sûr, preuve d'hypocrisie. Il était pleinement conscient de la possibilité de se faire arrêter en se rendant au Congrès mondial du peuple tchétchène qui s'est tenu en Pologne. Certains individus et même les journaux polonais avaient averti Zakaïev de cette possibilité, un article est même paru à ce sujet dans la Gazeta Wyborcza, la principale publication du pays. Beaucoup d'experts cités par les journaux disaient ouvertement qu'il serait préférable pour lui de ne pas venir. Mais Zakaïev est tout de même venu. Pourquoi?

Probablement, parce qu'il comprenait très bien que dans les conditions politiques actuelles, ses chances d'extradition en Russie étaient nulles. La Pologne contemporaine est divisée en deux camps : d'une part les libéraux au pouvoir dirigés par le président Komorowski et le premier ministre Tusk, d'autre part l'opposition proche du parti nationaliste conservateur de Jaroslaw Kaczynski La Loi et l'Ordre. Les relations entre ces deux camps politiques sont antagonistes, mais les deux craignent terriblement de montrer "leur faiblesse par rapport à Moscou". Après avoir perdu les élections, les partisans de Kaczynski font particulièrement attention aux "symptômes de russophilie " dans le comportement des adversaires au pouvoir. Dans ces conditions, l'extradition de Zakaïev en Russie par les libéraux aurait signifié s'attirer les foudres de La Loi et l'Ordre. Les leaders de ce dernier ont, d’ailleurs, immédiatement crié au scandale après l'appréhension de Zakaïev en déclarant que "le parquet russe faisait la loi en Pologne". Pour cette raison, après l'arrestation de Zakaïev, le premier ministre Tusk et le ministre des Affaires étrangères Radoslaw Sikorski se sont rapidement désengagés de la situation en déclarant que c'était l'œuvre d'un " parquet indépendant".

Zakaïev et les autres organisateurs de la provocation le savaient parfaitement et, pour cette raison, ont joué un "surebet", probablement avec la participation de certains employés du "parquet indépendant" polonais, ainsi que du tribunal. L'arrestation éclaire de Zakaïev avant même son arrivée au parquet de Varsovie et sa libération aussi rapide sur décision d'un tribunal polonais indépendant (mais bien sûr!) semblent plus qu'étranges.

Qui Zakaïev avait-il tenté de provoquer? Certainement pas les autorités polonaises, mais plutôt les russes. Ayant appris l'appréhension de Zakaïev, la Russie, conformément à sa demande auprès d'Interpol concernant Zakaïev, était obligée d'exiger son extradition, toutefois politiquement impossible. Si les nerfs de Moscou " lâchaint " et la Russie s'exprimait de manière inadéquate à l'égard de Varsovie, l'affaire serait dans le sac. Le lendemain les premières pages de tous les journaux du monde déclareraient : Moscou considère de nouveau la Pologne comme sa province.

Zakaïev est une carte battue depuis longtemps et ce n'est pas une personnalité de grande envergure. Après l'arrivée au pouvoir en Tchétchénie de Ramzan Kadyrov, " le gouvernement d'Itchkérie en exil " de Maskhadov et de Bassaïev (en effet, Bassaïev a longtemps occupé " le poste du premier ministre " sous " la présidence " de Maskhadov) a perdu les derniers vestiges de son influence en Tchétchénie. Ce " gouvernement " ne représente aucune menace ni pour Moscou ni pour Grozny depuis longtemps. Cela rend la question de l'extradition de Zakaïev moins pertinente. Lors de la première guerre tchétchène, Zakaïev, comme beaucoup d'autres, a commis des crimes mais n'a jamais atteint le niveau de tueurs tels que Bassaïev, Iandarbiev ou Radouïev. Zakaïev est devenu un acteur-propagandiste à scandale pas très habile. Sans représenter personne il a pendant plusieurs années commenté dans les médias occidentaux les attentats commis par les réseaux clandestins. Mais ces versions étaient peu convaincantes aux yeux d'une personne objective. Lorsqu'au moment de la tragédie de Nord-Ost (prise d'otages dans un théâtre de Moscou), Zakaïev marmonnait à la BBC que ce crime monstrueux avait été commis par les Russes pour "faire porter le chapeau à Maskhadov" il était tout simplement pitoyable. Dimanche, il a avancé les mêmes théories du complot défraîchies dans une interview avec Rzech Pospolilta. Zakaïev semble n'avoir aucune nouvelle idée.

Pour le moment, heureusement, Moscou n'a pas réagi à la provocation. Il serait ridicule de sacrifier l'amélioration des relations entre la Pologne et la Russie pour un individu tel que Zakaïev. "Le gouvernement d'Itchkérie en exil "s'est privé depuis longtemps de légitimité et de respect dans le monde par son refus de condamner clairement et nettement les responsables des attentats à Doubrovka et à Beslan. On ignore d'où provient l'argent des émissaires de ce "gouvernement" à l'étranger et de Zakaïev, en particulier. " L'activation " actuelle de Zakaïev  s'explique probablement par la volonté de soutirer de l'argent aux sponsors.

L'arrestation de Zakaïev, puis sa libération pour entrer en Pologne avec un nouveau visa, est plutôt un préjudice pour le prestige du parquet polonais et non pas russe. C'est également un préjudice pour la cour polonaise, le gouvernement polonais et le Sejm polonais (chambre basse du parlement), dont certains membres de la faction de Kaczynski se sont empressés de rencontrer Zakaïev "dans son cachot". La Pologne devrait poursuivre dans le même esprit si son prestige ne lui est pas cher. La Russie, quant à elle, ne devrait pas s'impliquer dans cette sale affaire.


Ce texte n'engage que la responsabilité de l'auteur

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