L'Express
Le traité Start adopté en commission, incertitude au Sénat US
Une commission du Sénat américain a approuvé jeudi le traité Start II de réduction des arsenaux stratégiques conclu avec la Russie, mais sa ratification en séance plénière demeure incertaine.
A l'approche des élections de mi-mandat, le 2 novembre, les critiques contre le traité se multiplient dans le camp républicain.
Le document, signé par Barack Obama et son homologue russe Dmitri Medvedev en avril, engage les anciens ennemis de la Guerre froide à réduire de 30% leurs arsenaux nucléaires.
Trois républicains de la commission des Affaires étrangères du Sénat ont voté en faveur du traité, adopté à 14 voix contre quatre.
Pour être ratifié, le traité doit maintenant obtenir la majorité deux tiers, soit 67 voix, ce qui implique que le camp Obama obtienne l'appui de huit républicains au moins.
Le président a invité jeudi soir les sénateurs à voter en faveur du texte.
John Kerry, ancien candidat démocrate à l'élection présidentielle et président de la commission des Affaires étrangères, a reconnu qu'il serait difficile d'organiser le vote avant le 2 novembre compte tenu du calendrier surchargé du Sénat. Il pourrait cependant avoir lieu avant l'entrée en fonctions des nouveaux sénateurs, en janvier.
"Je crois, en ce qui me concerne, que nous aurons les voix pour le ratifier", a dit Kerry.
Obama souhaite que le traité soit adopté avant la fin de l'année pour progresser dans le réchauffement de ses relations avec la Russie et dans son voeu d'un monde dénucléarisé.
Côté russe, le président de la Douma a affirmé que son assemblée serait en mesure de ratifier Start II avant la fin de l'année mais laissé entendre qu'elle ne se prononcerait pas tant que l'adoption du texte ne serait pas certaine côté américain.
Le Point
Pologne: le Tchétchène Zakaïev, accusé de terrorisme par la Russie, interpellé par la police
Le leader indépendantiste tchétchène en exil, Akhmed Zakaïev, recherché par Moscou qui l'accuse de terrorisme, a été interpellé vendredi par la police à Varsovie, a annoncé la police polonaise.
M. Zakaïev a été transporté au parquet sous escorte policière, a constaté un journaliste de l'AFP.
Akhmed Zakaïev est venu à Varsovie pour participer à un Congrès mondial des indépendantistes tchétchènes. Il vit en Grande-Bretagne qui lui a accordé l'asile politique, mais fait toujours l'objet d'un mandat d'arrêt international émis par Moscou.
"Il a été interpellé par des agents en civil alors qu'il sortait d'un bâtiment" à Varsovie, a déclaré le porte-parole de la police nationale Mariusz Sokolowski à la télévision TVN24.
"En raison du mandat d'arrêt, la police était obligée de l'interpeller et de le conduire au parquet", a-t-il expliqué.
"Ce n'est pas un succès de la police. On nous a empêché de faire preuve de bonne volonté", a déclaré à la presse Adam Borowski, "consul honoraire de la République d'Itchkérie" (indépendantiste).
Selon lui, un accord avait été passé jeudi entre l'avocat de M. Zakaïev et un représentant du parquet, prévoyant que le leader tchétchène s'y rende lui-même vendredi matin "afin de demander pourquoi il est recherché".
"Cet accord a été rompu", a dit M. Borowski. Il a reconnu que, selon les procédures polonaises, M. Zakaïev a dû être interpellé, tout en espérant qu'il ne serait pas mis en état d'arrestation.
Le parquet a démenti vendredi l'existence d'un tel accord, en précisant dans un communiqué que l'avocat de M. Zakaïev l'avait simplement "informé" jeudi que le leader indépendantiste "allait probablement se présenter volontairement au parquet" vendredi matin.
"Les procureurs viennent de recevoir la demande formelle d'arrestation de M. Zakaïev émanant de la Fédération de Russie et ils sont en train de l'examiner", a déclaré à la presse la porte-parole du parquet régional de Varsovie, Monika Lewandowska.
Le Premier ministre polonais Donald Tusk avait insisté jeudi sur le fait que "la procédure d'extradition n'équivaut pas à l'extradition elle-même".
"En aucun cas, la partie russe ne pourra compter sur des décisions polonaises qui lui donnent satisfaction", a-t-il déclaré en marge du sommet européen à Bruxelles.
"Nous poursuivrons notre politique (de manière) autonome. Mais nous tâcherons de convaincre tous ceux qui veulent faire de la cause tchétchène une provocation antirusse d'y renoncer", a ajouté M. Tusk.
Le Caucase du Nord est déstabilisé depuis les deux guerres déclenchées par l'armée russe en 1994 et en 1999 en Tchétchénie, qui ont dévasté la petite république séparatiste, entraînant la propagation d'une rébellion aux accents de plus en plus islamistes.
Courrier International
Loujkov, ringard mais irremplaçable
Les récentes attaques médiatiques contre le maire de Moscou, Iouri Loujkov, ne se limitent pas au champ politique: elles portent aussi sur sa manière de diriger la ville, estime un chroniqueur de Vzgliad. Si une autre culture politique - européanisée, modernisée - avait pu se développer en réponse aux manières patriarcales de cet édile, son style aurait perdu de sa force.
Les attaques télévisuelles concertées dont Iouri Loujkov a fait l’objet ces derniers jours* ont eu un effet inattendu : ces critiques étaient si manifestement lancées sur ordre qu’elles sont apparues encore plus indignes que Loujkov lui-même. La télé, habituée jusqu’à la semaine dernière à se considérer comme un vrai pouvoir, est tombée sur un os, se heurtant à un autre monde, indépendant, parfait, complet et capable de lui résister. C'est comme découvrir au pied de chez soi une civilisation antique, disposant de ses propres lois économiques et sociales, mais aussi d’un style à part, le “Loujkov”, extrêmement difficile à vaincre. Car nous ne sommes plus dans la politique, mais dans une sorte d’envoûtement, de magie, de sorcellerie.
Le style Loujkov rappelle l'architecture pseudo-classique pour touristes des stations balnéaires de Turquie ou d’Egypte. C’est la culture de l’autosatisfaction absolue et de la suffisance. Le parallèle avec la nourriture est encore plus parlant. Il y a deux jours, alors que la télé lui reprochait ses dépenses excessives dans le domaine de l’apiculture [une de ses passions], il s’est énervé, déclarant : “Le miel, c’est une philosophie”. Ce n’est pas un hasard si le miel intervient au milieu de toute cette histoire. Lui aussi est une sorte d’absolu, un symbole de perfection et de satiété. Dans la même série, on trouve les loukoums, la halva et plus généralement les pâtisseries orientales, qui ne sont pas seulement sucrées, mais douces jusqu'à l'excès, un concentré de sucre.
Tout ces excès, y compris les fameuses petites tours qui couronnent les nouveaux immeubles de Moscou, participent de désir de monde fermé, autonome, de cette tentation de tout envahir afin qu’il ne subsiste pas le moindre espace disponible. Daniil Dondoureï, le critique de cinéma, avait un jour fait remarquer que ces éminences sur les immeubles de la capitale tenaient tout à la fois des tours du Kremlin et de la tourelle du char T-34. Malgré le célèbre dynamisme de Moscou, l’architecture qui s’y est imposée ces dernières années est précisément un mirage de verre, des constructions qui sont autant d’énergiques efforts pour arrêter la marche du temps. Et les embouteillages [énormes qui paralysent tous les jours la capitale] viennent eux aussi de cette philosophie d’un monde refermé sur lui-même, qui s’oppose à la notion même de mouvement. Circuler sur des périphériques n’offre qu’un semblant de progression, puisqu’on se contente de tourner en rond.
Le style Loujkov relève d'une culture rurale, avec sa conception de la beauté et de l’ordre figée une fois pour toutes, ses coutumes strictes, ses superstitions et cérémoniaux que l’on respecte à la lettre, son ardeur au travail et son refus des espaces vides, déserts. Tout doit être planté, labouré, ensemencé. Tout doit être utilisé. Tout sent l’aspiration à l’absolu et affiche la certitude provocante que tous les péchés peuvent se racheter par un travail supplémentaire.
Le conflit politique auquel nous assistons pourrait ressembler à un affrontement entre ville et campagne si la cible des attaques n’était pas l’entreprise qui marche le mieux et travaille le plus parmi tout ce qui a pu se créer sur le territoire de la Russie en 20 années de liberté. Oui, c’est patriarcal, dégoulinant de miel, la casquette vissée sur la tête et saturé de constructions nouvelles. Mais n’est-ce pas sur cela que la télé a pris exemple lorsqu’elle a créé, ces dernières années, ses propres tableaux à la manière Loujkov, faits d’immeubles qui poussent comme des champignons et de prospérité, de reportages rituels sur les déplacements de hauts personnages de l’Etat et de séries sur des femmes flics aux bonnes joues rouges ?
On agite devant nos yeux une casquette que l’on prétend dépassée, sortie de mode, mais aucun autre symbole d’assurance et de stabilité n’a été inventé, et même le côté “proche du peuple” dont se sont prévalus les médias à une époque a été emprunté au maire de Moscou. Si un puissant front culturel occidentalisé, urbain, s’était formé, le sytle Loujkov aurait disparu de lui-même, mais le problème est qu’il n’a aucune concurrence. On aurait pu croire à une lutte entre l’ancien et le moderne, mais il n’existe pas de moderne. Ce qui est censé être la culture de la modernisation n’a ni adeptes, ni idées, ni moyens. Que peut-on donc opposer au style Loujkov ? Peut-on imaginer un anti-Loujkov qui aurait le même aplomb, autant d’expérience et de capacité d’organisation que lui ? En d’autres termes, peut-on imaginer une autre culture politique, européanisée, moins volontariste, mais tout aussi efficace ? Personne n’y songe, on est donc loin d’avoir quelqu’un pour l’incarner.