Moscou deviendra le centre financier international de la CEI

© RIA Novosti . Ilya Pitalev  / Accéder à la base multimédia Sergueï Naryshkine, chef de l'Administration du Président de la Fédération de Russie
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Moscou n'est pas la seule ville à devoir devenir un centre financier international (CFI), cela concerne également d'autres centres régionaux du pays. Cette idée ambitieuse a été avancée par Sergueï Naryshkine, chef de l'Administration du Président de la Fédération de Russie, lors du forum économique du Baïkal.

Moscou n'est pas la seule ville à devoir devenir un centre financier international (CFI), cela concerne également d'autres centres régionaux du pays. Cette idée ambitieuse a été avancée par Sergueï Naryshkine, chef de l'Administration du Président de la Fédération de Russie, lors du forum économique du Baïkal.

Il y a deux ans, le président russe Dmitri Medvedev a été le premier à fixer l'objectif de transformer la capitale russe en un CFI. Cela sous-entendait que Moscou allait devenir un centre de concentration des banques et des institutions financières, chargées des opérations bancaires, de changes, de crédits, de transactions de titres et d'or.

Mais pour prétendre au statut d'un CFI, la capitale, ainsi que le pays entier, devront d'abord résoudre plusieurs problèmes économiques graves. Le rouble russe doit devenir une monnaie répandue dans les transactions internationales et librement convertible, or, pour l'instant, la part du rouble dans les échanges est très faible. Odd Brekke, le chef de la représentation permanente du Fonds monétaire international (FMI) en Russie, n'a pas manqué de le rappeler lors de la conférence “ Moscou : centre financier international, le rouble : une monnaie de réserve, réalités et perspectives “.

Ensuite, l'inflation stable et basse devrait demeurer suffisamment longtemps. Il ne peut être question d'un taux d'inflation à deux chiffres dans un pays dont la capitale aspire au statut de CFI. Une politique macroéconomique saine et la stabilité politique font également partie des conditions nécessaires.

Hormis les problèmes purement économiques, il faudra également remédier aux problèmes d'infrastructure : améliorer le trafic en ville, assurer un accès fiable aux nouvelles communications, augmenter le nombre de financiers qualifiés. La vie courante en ville doit également changer au quotidien. Par exemple, beaucoup plus de personnes qui travaillent dans le secteur des services devraient au moins parler anglais.

Il existe à l'heure actuelle deux principaux CFI dans le monde, New York et Londres. Ni Zurich, ni Francfort, ni les villes d'Asie n'arrivent à leur niveau. Moscou aura beaucoup de mal à remplir la tâche fixée par le président, même à moyen terme. Moscou occupe pour l'instant la 68ème place et Saint-Pétersbourg la 70ème place dans le classement des 75 CFI.

Bien que de par le PIB, la Russie entre dans les dix premières économies mondiales, son système banquier et financier est faible. Pendant la crise de 2009, le nombre d'établissements de crédit a diminué de 5,8%, en passant de 2 695 à 2 538. Seule la Sberbank a réduit de 130 le nombre de ses succursales. En Russie, il y a 3 300 personnes pour une banque. À Moscou ce rapport est à hauteur de 2 600 habitants, tandis qu'en Europe il est de 1 000 habitants par banque, en moyenne. En s'éloignant de Moscou de quelques centaines de kilomètres, n'importe qui comprendra que Moscou a encore du chemin à faire pour prétendre au statut de CFI : même dans les villes de taille moyenne il est impossible de régler ses achats par carte bancaire, et dans les petites villes on ne trouve de distributeurs de billets que dans l'enceinte même des banques.

En 2009, la taille du marché financier du pays a atteint 860 milliards de dollars. Cela représente seulement 10% du marché financier des États-Unis, 20% du marché financier de la Chine, 40% du marché financier du Japon, 50% du marché financier de la Grande-Bretagne, de la France ou de l'Allemagne, et pratiquement l'équivalent de celui de la Corée du Sud ou de l'Afrique du Sud.

De plus, selon pratiquement tous les classements rédigés par les instituts financiers mondiaux, la Russie est très loin des principaux pays. Or, avant de décider vers quel marché diriger leurs fonds, les investisseurs font également appel à ses classements. Par exemple, dans le classement de compétitivité établi par le Forum économique mondial, la Russie occupe depuis plusieurs années la 63ème place sur 139 pays, à côté du Sri Lanka et de l'Uruguay. Les trois premières marches du podium ne sont pas occupées par les États-Unis ou l'Allemagne mais par la Suisse, la Suède et Singapour. La Chine occupe la 27ème place, l'Inde est en 51ème position et le Brésil est à la 58ème place du classement. Par ailleurs, la Russie occupe la 125ème place de par le niveau de développement du marché financier, la 128ème place pour la protection des droits de propriété et la 132ème place pour la protection des droits des actionnaires.

Selon l'indice de Doing Business (facilité de faire des affaires), calculé annuellement par la Banque mondiale, la Russie accuse un retard sur tous les pays aspirant au statut de CFI (120ème place sur 183 pays). Cela montre que les droits des investisseurs sont mal protégés dans le pays.

Il s'avère donc que l'objectif ambitieux de transformer Moscou en un CFI doit, évidemment, être fixé, mais il devra être réalisé par étapes. Pour le moment, on peut seulement espérer que la Russie devienne un CFI à l'échelle régionale pour les pays de l'ex-URSS. “ Il a été proposé de mener une intégration financière dans le cadre de l'Espace économique commun “, déclare Anna Menchikova, la chef du service de droit corporatif et financier du département de gestion d'entreprise du ministère du Développement économique. Les pays de l'espace postsoviétique ont une histoire commune, des langues similaires, et ces facteurs devraient également aider la Russie à vendre ses services financiers aux pays de la CEI. Le fait que la situation économique de la Russie est meilleure que dans les autres pays de l'ex-URSS représente également un atout important.

Le passage aux transactions en roubles entre la Russie et les partenaires étrangers pourrait représenter le premier pas vers la création d'un centre financier pour les pays de la CEI et pour la création d'un espace financier commun. Il existe déjà des accords avec la Biélorussie prévoyant l’utilisation du rouble dans les transactions commerciales et la coopération d'investissement. Le financement d'une série de projets d'investissement au Kazakhstan sera également effectué en roubles. Cela permettra de réduire les risques monétaires.

Ainsi, si l'objectif de Moscou de devenir un CFI (même régional) paraît plus ou moins réaliste, l'aspiration des autorités à transformer plusieurs grandes villes du pays en CFI relève pour l'instant de l'utopie. De plus, cette idée n'est pas appuyée par les calculs.

Ce texte n'engage que la responsabilité de l'auteur.

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