À la veille du forum politique mondial qui se déroulera début septembre à Iaroslavl, Nikolaï Zlobine, célèbre politologue, directeur des programmes russes et asiatiques de l'institut américain de sécurité mondial, qui participera au forum, évoque ses attentes dans un entretien accordé à RIA Novosti.
Dans le cadre du forum politique mondial les experts participeront au travail de quatre sections et à une réunion intersectionnelle. Les sections seront consacrées aux questions actuelles de modernisation de l'économie mondiale, à l'analyse de l'efficacité des modèles de création des États démocratiques. Une discussion aura lieu sur le droit international contemporain et sur la position des États modernes dans les garanties de sécurité nationale et internationale. Quelle est la pertinence de l'ordre du jour?
J'estime que l'ordre du jour du forum est tout à fait approprié, il doit couvrir toutes les questions fondamentales. De plus, l'ordre du jour est défini par la Russie qui a établi le programme en fonction de ses intérêts. C'est tout à fait logique, les organisateurs partent toujours de leurs propres intérêts et évoquent les problèmes qu'ils jugent particulièrement importants.
On pourrait parler des problèmes nationaux ou d'autres questions politiques et de politique intérieure, mais cela n'est pas à l'ordre du jour. Néanmoins, le programme, à mon avis, semble parfaitement convenir pour le thème du forum.
Une attention particulière sera accordée aux problèmes de sécurité lors du forum. À quel point est-ce justifié?
Le problème de la sécurité apparaît de moins en moins comme un problème de sécurité militaire, et de plus en plus comme un problème de sécurité non-militaire.
Parfois, certains aspects qui n'ont jamais étaient étudiés dans le cadre des problèmes de sécurité apparaissent : la sécurité sociale, écologique, démographique, économique, des transports, qui ne se résolvent pas par des moyens militaires.
Et le problème d'un État contemporain et de son efficacité est principalement lié, à l'heure actuelle, à d'autres facteurs que l'on ne comprend pas très bien, plutôt qu'à la taille de l'armée ou sa capacité de combat, bien que cela soit important mais, toutefois, secondaire. Par exemple, aux menaces nationales, à l'efficacité et la structure même de l'État... En d'autres termes, les problèmes non-militaires deviennent fondamentaux en ce qui concerne la sécurité, et l'approche non conventionnelle des problèmes de sécurité gouvernementale devient nécessaire. À cet égard, nous sommes très en retard. Si en ce qui concerne les problèmes militaires nous avons plus ou moins appris depuis des siècles à construire des armées, à combattre et à élaborer des plans stratégiques, que faire de la sécurité non militaire?
En fait, tous les pays du monde ont des lacunes dans ce domaine. Et pour ces questions, nous nous trouvons en partie dans une impasse intellectuelle. Car il est pratiquement impossible de résoudre les problèmes de sécurité par les moyens militaires, et nous ne savons pas le faire d'une autre manière.
Ce problème est très grave, et si ces problèmes sont examinés à Iaroslavl, j'espère qu'ils seront abordés essentiellement du point de vue non militaire plutôt que militaire, avec des propositions de méthodes non conventionnelles destinées à assurer la sécurité. Et ainsi, la notion même de sécurité sera étudiée, discutée et interprétée de manière complètement différente par rapport à celle d'il y a dix ans.
Qu'attendez-vous de la discussion sur les standards de la démocratie?
Trente ans auparavant, une interprétation de la démocratie prévalait, qui paraîtrait probablement ridicule à l'heure actuelle. À mon avis, aujourd'hui, il est plus important de comprendre les tendances plutôt que les standards. J'aurais intitulé la section de « tendance dans le développement de la démocratie ». Cela me semblerait plus approprié car il est important pour nous de comprendre où va le monde et où va la démocratie, celle que nous considérons, à l'heure actuelle comme le meilleur (malgré tous ses défauts) système politique, le plus raisonnable, le plus efficace et le plus viable économiquement. Mais comment la démocratie évolue-t-elle et comment les différents pays arrivent-ils à des versions différentes de la démocratie, pourquoi et en raison de quels événements, et qu'est-ce qui différencie ces variations? Voici ce dont il faut parler.
Qu'attendez-vous du forum?
Lorsque je pense au forum, le mot anglais « network » me vient à l'esprit, c'est l'endroit idéal pour de nouvelles rencontres et des discussions intéressantes. Le principal problème des « sciences sociales » réside dans leur perpétuel "remugle", dans le fait qu'elles bloquent « le vent frais » des idées nouvelles. En fait, nous nous trouvons dans une impasse intellectuelle et nos sciences sociales ne proposent aucune issue.
Aujourd'hui, toute l'élite mondiale se pose la question : que faire avec ce monde? Nous ne le comprenons pas. Nous le comprenions pendant la guerre froide, nous le comprenions à peine lorsque la guerre froide s'est terminée. Il semblerait qu'à un certain moment, nous pensions que nous savions où nous allions et comment nous nous développions. Mais aujourd'hui il est tout à fait clair que nous ne comprenons pas ce monde. Et il faut le comprendre. Pour cette raison, les forums de ce genre avec un ordre du jour probablement global, mais qui ne rassemble pas des penseurs ayant des niveaux et des points de vue différents, qui vivent pendant deux jours sous le même toit et échangent leurs idées, sont très bénéfiques. Et le fait que cela ne porte pas un caractère national mais international est également très utile car tout le monde a sensiblement les mêmes problèmes.
Une telle conférence pourrait apporter ne fût-ce qu'un soupçon de compréhension des événements dans le monde. Dans ce sens, j'attends du forum un certain progrès intellectuel. Évidemment, je ne m'attends pas à une révolution, bien que la déclaration de l'année dernière du président Dmitri Medvedev m'ait étonné, il a dit certaines choses, auxquelles je ne m'attendais pas. Cela m'a paru très intéressant. Peut-être que cette année, s'il faisait une déclaration à Iaroslavl, il pourrait dire quelque chose qui changerait mon point de vue, par exemple en ce qui concerne ses opinions politiques.
