La visite gouvernementale très réussie du président russe Dmitri Medvedev en Arménie décevra manifestement beaucoup d’experts occidentaux qui, depuis au moins deux ans, avaient prédit une aggravation des relations russo-arméniennes. La signature d’accords dans les secteurs de coopération militaire et technique, de l’énergie nucléaire et des investissements témoigne d’un fait incontestable, à savoir que l’Arménie a confiance en la Russie et ne craint pas de coopérer avec elle. De toute évidence, l’Arménie considère toujours la Russie comme son alliée.
Nos deux pays comptent d’ailleurs rester alliés à long terme. Le séjour de la base militaire russe à Gumri a été prolongé jusqu’en 2044. La base dispose de systèmes de missiles sol-air S-300. Contrairement aux rumeurs, pour le moment, la Russie n’a pas l’intention de fournir des systèmes S-300 aux forces armées de l’Arménie. La situation est profitable à tous : l’espace aérien de l’Arménie est interdit à tout agresseur extérieur et l’Azerbaïdjan qui a des relations tendues avec l’Arménie en raison du Haut-Karabagh peut être certain que cette arme ne sera pas utilisée contre lui.
L’Arménie qui souffre depuis longtemps du problème énergétique compte le résoudre en agrandissant la centrale nucléaire de Metsamor déjà en activité. Ici, la Russie pourrait également apporter sa contribution dans la mesure où le réacteur de la centrale nucléaire a été installé à l’époque soviétique et où les Russes sont les mieux placés pour savoir comment l’entretenir correctement. Le fait que des sociétés russes possèdent des biens en Arménie, malgré les avertissements des ennemis de la Russie, n’est pas une source d’inquiétude pour les citoyens arméniens ; les sociétés russes ne vont pas voler les ponts des Arméniens, en revanche, elles savent comment les entretenir. Les investissements russes ne menacent d’aucune manière la souveraineté de l’Arménie.
Voyons quels sont les arguments des opposants. Ils ont été annoncés il y a plusieurs mois par Stephen Sestanovich, l’ancien ambassadeur spécial près le secrétaire d’État Madeleine Albright qui avait supervisé la politique étrangère des États-Unis à l’égard des pays de la CEI. Sestanovich s’est concentré sur la rencontre du président arménien Serge Sargsian avec son homologue géorgien Mikhaïl Saakachvili. Selon Sestanovich, après les événements de 2008 en Géorgie, les pays du Caucase du Sud ont adopté une attitude méfiante à l’égard de la Russie car cette dernière pourrait représenter une menace pour leur souveraineté. Voilà bien son seul argument.
En réalité, les présidents des pays du Caucase du Sud se situant à proximité de la Géorgie savent parfaitement qui a initié le conflit en Ossétie du Sud. C’est pour cette raison que la souveraineté des pays sud-caucasiens n’est pas en danger. Du moins, ils considèrent n’avoir rien à craindre de la part de la Russie. Autre chose est de tirer diverses conclusions de la réticence de la Russie à rétablir l’Union soviétique. On peut offenser la Russie en se considérant certain de son impunité, comme l’a fait Saakachvili en 2008. On peut provoquer la Russie dans l’espoir de provoquer un conflit avec l’implication d’un « tiers », comme il le fait aujourd’hui. On peut tenter de « réanimer » l’union mort-née GUAM (Géorgie, Ukraine, Azerbaïdjan, Moldavie) dont le seul but visé par ses sponsors américains était de construire des oléoducs en contournant la Russie par le sud. Des rumeurs sur la renaissance de GUAM sont périodiquement lancées par les autorités géorgiennes et moldaves, ainsi que par les médias d’Azerbaïdjan. Tout cela est permis puisque la politique extérieure de la Russie respecte la souveraineté des nouveaux États indépendants de Transcaucasie.
Mais de ce fait, on pourrait en venir à une autre conclusion plus positive. On pourrait tenter de construire avec la Russie des relations d’alliés, fondées sur la coopération et non pas sur la subordination. C’est le cas de l’Arménie. Cela n’empêche pas le président Sargsian de rencontrer Saakachvili. Pourquoi ne pas rencontrer le président d’un État voisin, important à l’échelle de la Transcaucasie ? La Russie a cessé depuis longtemps d’indiquer à ses alliés qui ils devaient rencontrer. Ce sont plutôt les « précepteurs de Washington » qui suivent jalousement et d’un œil soupçonneux les rencontres de leurs alliés avec les chefs des pays de l’ « axe du Mal » (terme inventé par l’ancien président George Bush). Or, Sargsian sait parfaitement que ce n’est pas la Géorgie, les États-Unis ou l’Union Européenne, mais seule la Russie qui garantit le règlement du Karabagh et qui sera une véritable bouée de sauvetage en cas de catastrophe naturelle ou de problème économique. C’est sur ces éléments qu’il construit sa politique. Il a bien raison.
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