Les météorologues transformés en oracles

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La canicule qui dure en Russie depuis 55 jours semble avoir radicalement changé le discours des météorologues.

La canicule qui dure en Russie depuis 55 jours semble avoir radicalement changé le discours des météorologues. Auparavant ils parlaient de « prévisions climatiques », aujourd’hui ils ne parlent que de « prédictions », aussi peu scientifique que cela paraisse. Les météorologistes mêmes semblent s’être transformés en oracles, qu’on pourrait interpréter comme bon nous semble, et décrivent la météo dans un futur proche en termes prudents.

Ainsi, l’hiver prochain, selon les météorologistes, sera, probablement froid car les cycles climatiques extrêmes se produiront plus souvent à l’avenir. « Probablement » est le mot-clé. Même le conseiller climatique du président russe, le président de l’Organisation météorologue mondiale Alexandre Bedritsky, parle avec prudence de ce sujet, en faisant remarquer que les « prédictions » de la saison hivernale ne feront leur apparition qu’à la mi-septembre. Quant à l’été prochain, il n’y a rien à dire pour le moment. Plus personne n’ose se prononcer sur des prévisions aussi lointaines. Les météorologistes qui sont fatigués d’être « responsables » pour la météo de cet été étrange évitent désormais d’être précis dans les opinions. Ils parlent de manière très ambiguë des raisons de la canicule de 55 jours que les scientifiques qualifient déjà de « vague de chaleur ».

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC ou IPCC) a conclu que la sècheresse et les inondations survenues depuis l’Europe jusqu’au Pakistan résultaient des changements climatiques engendrés par les émissions de gaz à effet de serre. En 2003, la France a été confrontée à ce genre de « vagues de chaleur ». Les experts britanniques parlent de la force de l’anticyclone de blocage et des courants-jets (vents importants à une hauteur de 7-10 kilomètres dans la troposphère moyenne) qui l’ont arrêté. L’Institut géographique de l’Académie des Sciences de Russe accuse le changement global de la circulation d’atmosphère d’être responsable de la « persistance » de la chaleur. Plusieurs experts, pour changer, parlent du remplacement des courants chauds dans la partie tropicale de l’océan Pacifique (El Niño) par des courants froids (La Niña).

Toutefois, quelles que soit les théories des météooracles, nous pouvons seulement dire avec certitude que le climat est de plus en plus déséquilibré, instable, avec des grandes variations de température. Or les cycles météorologiques persistent de plus en plus longtemps, jusqu’à deux mois, et souvent sous une forme extrême. Les exemples sont sur toutes les lèvres : chaleur anormale dans le centre de la Russie, les averses et les inondations en Pologne, en Allemagne, en République tchèque et en Lituanie, ainsi qu’au Pakistan et en Chine, un été extrêmement froid en Sibérie (atteinte par l’air arctique) et le froid « sensationnel » de - 20 degrés en juillet en Amérique du Sud.

Nous avons des prédictions météorologiques, certes, floues. Qu’en faire alors ? Réponse de nouveau prudente : dans des conditions « extrêmes stables », l’homme « a besoin, premièrement, de s’adapter à ce régime de manifestations extrêmes de phénomènes climatiques et, deuxièmement, de minimiser l’impact sur le système climatique » car c’est précisément l’activité de l’homme qui est majoritairement responsable de la concentration des gaz à effet de serre et contribue par ce fait au changement du climat, souligne Alexandre Bedritsky.

Le deuxième point est plus ou moins clair : à la veille du sommet de l’ONU à Copenhague sur les changements climatiques en décembre 2009, le président russe Dmitri Medvedev a déclaré que pour 2020 la Russie chercherait à réduire l’émission des gaz à effet de serre dans l’atmosphère de 25% par rapport à 1990.Selon les experts, ce chiffre est tout à fait réaliste.

Mais que faire avec l’adaptation au régime des manifestations extrêmes ?

Cette question est bien plus complexe. Il est clair que le « réglage » biologique en raison des changements climatiques est un processus long et peu prévisible. Toute rhétorique biologique pourrait nous conduire dans la jungle de l’ « évolution des espèces », mais l’adaptation aux caprices de la nature dans le sens d’une « prévention » et d’une réaction rapide est un projet plus concret, bien que très coûteux. Or, la canicule actuelle l’a accéléré.

Actuellement s’achève le projet de modernisation des systèmes de surveillance météorologique, des « indicateurs » de l’état de la météo et de ses changements. La majorité des 1800 stations météorologiques russes a déjà été dotée d’un nouvel équipement. Selon le site de Roshydromet (Service fédéral russe d'hydrométéorologie et de suivi de l'environnement), sept nouveaux centres météorologiques et deux postes hydrologiques ont été ouverts (sans compter les 148 centres temporaires pour la période de crue), dotés de nouveaux instruments et équipements. L’année dernière, le lancement du satellite météorologique de haute technologie de la nouvelle génération Meteor-M1 a marqué le début de la réhabilitation du réseau national des engins spatiaux. En 2009, quatre complexes de traitement d’information de grande capacité sont entrés en exploitation au Centre météorologique mondial de Moscou et à l’Observatoire géophysique principal de Saint-Pétersbourg, ainsi qu’aux centres météorologiques régionaux supercalculateurs de Khabarovsk et de Novossibirsk. Ces supercalculateurs se sont avérés être trois fois plus puissants que prévu.

Cependant, tout n’est pas aussi réjouissant en ce qui concerne la modernisation des réseaux de surveillance. Ainsi, par exemple, il y a un manque évident de détecteurs lasers qui enregistrent les signes les plus difficiles à capter des changements météorologiques et qui fournissent ainsi des prévisions météorologiques plus précises. Pour 2015, il serait raisonnable de doter les centres météorologiques d’au moins une centaine de ce type de détecteurs, font remarquer les experts. Il est difficile de garantir une quantité supérieure car le prix de cet équipement magique atteint 1,2 millions de dollars.

En principe, les prévisions météorologiques détaillées journalières nécessitent un réseau très ramifié de systèmes de surveillance, comme par exemple en Chine qui en possède 35 000. La Russie en est encore très loin. L’équipement de prévisions climatiques et les détecteurs de Doppler sont peu susceptibles de coûter moins cher dans un avenir proche car ces technologies sont uniques.

En même temps, il n’existe pas d’autres méthodes adéquates de prévision des phénomènes extrêmes et de la circulation atmosphérique. Ce qui se comprend : depuis 130 années de surveillance météorologique, l’humanité a été rarement confrontée à une telle vague de phénomènes climatiques anormaux. Précisions qu’en principe, l’histoire actuelle du réchauffement ne pourrait être qualifiée d’absolument unique. Ainsi, à en juger par les chroniques, dans le deuxième et le troisième quarts du XIVème siècle, la Russie a souffert de 12 sècheresses. À la veille de la Seconde Guerre mondiale, un réchauffement a également été enregistré : il a atteint son point culminant en 1936 et en 1938.

Dans la pratique nationale, de telles compilations d’informations sont faites une fois tous les 30 ans. L’avant-dernier « résumé » se rapporte à la période située entre les années 60 et 90. Une nouvelle période d’enregistrement des phénomènes dangereux a débuté à partir de 1991, et cela nous permet déjà de noter que la quantité et l’intensité des « caprices » de la nature ont augmenté. De fait, la Russie est victime de sècheresse pratiquement tous les ans. Des inondations se produisent tous les ans. Les ouragans sont plus fréquents en raison du choc des contrastes entre l’air chaud et l’air froid (la différence des températures est en hausse constante). L’été est tantôt très chaud, tantôt trop froid. Le préjudice annuel causé par les catastrophes naturelles constitue entre 30 et 60 milliards de roubles.

En tenant compte des informations citées ci-dessus, les météorologistes parlent de la nécessité de moderniser les méthodes de prévisions météorologiques, ainsi que d’assurer la précision de la modélisation mathématique. Dans ce contexte, le GIEC et Roshydromet, conjointement avec l’Académie des Sciences de Russie, déclarent prudemment : préparez-vous à de nouvelles « vagues de chaleur ». Sans préciser quand et comment. Pendant ce temps, le ministère russe des Ressources Naturelles a déjà proposé de réformer Roshydromet et a soumis au gouvernement la stratégie du développement du service jusqu’en 2030, visant, à partir de 2020, à intensifier sa modernisation et à la mettre en conformité avec le « niveau mondial ».


Ce texte n’engage que la responsabilité de l’auteur

 

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