Le Point
INCENDIES EN RUSSIE - Marie-Hélène Mandrillon : "Personne ne pourra tirer profit de cette catastrophe"
Ravagée par les flammes, la Russie se consume depuis plus d'un mois. Les autorités semblent incapables de venir à bout des incendies qui se sont déclarés dans tout l'ouest du pays, et qui menacent des installations nucléaires. Marie-Hélène Mandrillon, spécialiste de la Russie, historienne au CNRS et enseignante à l'EHESS, répond aux questions du Point.fr.
Le Point.fr : Pourquoi la Russie brûle-t-elle ?
Marie-Hélène Mandrillon : Les incendies de grande ampleur sont courants en Sibérie et dans l'Extrême-Orient russe ; ils sont beaucoup plus rares en Russie centrale comme c'est le cas aujourd'hui. Il faut remonter à 1936 pour y trouver une catastrophe d'ampleur comparable. Elle avait fait plus d'un millier de morts.
Quant aux causes, il y a bien sûr cette canicule exceptionnelle, puisque jamais depuis la création d'un service météorologique, il y a 130 ans, on n'avait enregistré des températures voisines de 40 ° à Moscou ou sur la Volga. Mais les conséquences auraient été bien moindres s'il n'y avait un désinvestissement massif en matière d'environnement et d'aménagement du territoire.
Vous faites allusion à la décision prise par Vladimir Poutine en 2007 de confier la gestion des forêts aux régions ?
La réforme du code forestier n'est que la dernière étape d'un processus engagé par Poutine à son arrivée au pouvoir en 2000. Il a toujours été persuadé que le développement de la Russie passerait par l'exploitation des hydrocarbures et tout a été sacrifié à cette conviction. Le ministère de l'Environnement a été dissous, les agences de protection ont dû fermer. Poutine n'a jamais considéré la protection de la nature que comme une arme politique qu'il brandissait quand ça l'arrangeait.
Cette catastrophe peut-elle contrarier ses rêves de reconquête de la présidence de la République en 2012 ?
Il est très difficile de répondre à ce stade : il ne sera possible de dresser un bilan, établir les responsabilités, qu'une fois les incendies éteints. Or, la tourbe, ça brûle peut-être mal, mais ça brûle longtemps ! Le Premier ministre a bien marqué un point en allant sur le terrain alors que l'actuel président, Dmitri Medvedev, était encore en vacances, mais il n'a pas toujours été très bien accueilli.
Et puis Poutine est assimilé au pétrole et au gaz ; bref, à une économie de rente, alors que Medvedev qui cultive une image de moderniste, féru de technologie et soucieux d'écologie, apparaît plus à même de faire entrer la Russie dans le XXIe siècle. En mai, il s'est montré très critique vis-à-vis de Poutine, dénonçant le retard accumulé en matière de protection de l'environnement et prédisant des catastrophes. Les faits lui ont donné raison. Mais l'élection présidentielle est dans dix-huit mois !
Cela dit, je ne crois pas que quiconque puisse tirer profit de cette catastrophe. Pas même le ministère des Situations d'urgence qui est pourtant une institution qui fonctionne bien, qui est très respectée et dont le ministre, Sergueï Choïgou, arrive régulièrement en tête des personnalités politiques les plus populaires.
Cette crise peut-elle accélérer une prise de conscience qui permettrait d'arracher la Russie à ses pesanteurs post-soviétiques ?
C'est l'hypothèse optimiste : des industriels, des intellectuels, des scientifiques parviennent à faire d'un mal un bien et à imposer une modernisation tous azimuts. L'autre option est celle du statu quo, sans autre effet que le limogeage de quelques responsables.
Le Télégramme
Russie. Une entreprise veut licencier les femmes ayant avorté
Une entreprise russe de produits laitiers a annoncé qu'elle allait appliquer un code du travail orthodoxe qui veut que soient licenciées les femmes ayant avorté et les employés qui ne sont pas mariés religieusement.
Une entreprise qui prend la religion très à coeur. La société de produits laitiers Rousskoe Moloko, située dans la région de Moscou, a annoncé que les employées qui ont avorté seront licenciées. Tout comme les personnes qui se sont mariées civilement mais pas religieusement.
"Nous ne voulons pas travailler avec des meurtriers"
"Si une femme avorte, elle ne peut plus être une collaboratrice dans notre société. L'avortement, c'est le meurtre de
quelqu'un. Nous ne voulons pas travailler avec des meurtriers", a expliqué sur une radio moscovite le patron de l'entreprise, Vassili Boïko-Veliki.
Obligation de se marier religieusement
Mais elles ne sont pas les seules cibles. Même traitement pour ceux qui ne se sont pas mariés religieusement. "Ce n'est pas normal pour une personne baptisée de faire enregistrer son mariage à l'état civil mais pas de manière religieuse", a renchérit le pieux patron. Si les salariés orthodoxes de l'entreprise ne se marient pas religieusement d'ici le 14 octobre, ils prennent la porte.
Et pour ceux sont d'une autre confession ? Ils vont devoir suivre un enseignement religieux sur "les fondements de la culture orthodoxe", tout comme ceux qui sont déjà de confession orthodoxe, s'il veulent garder leur place.
Le Monde
En Russie, 90 % des prisonniers souffrent de maladies
Un rapport du procureur de Russie est venu rappeler l'état désastreux du système carcéral russe. Les conclusions du document, publié mercredi 11 août, sont accablantes : 90 % des personnes détenues dans les prisons russes ou placées en détention provisoire souffrent de maladies, principalement la tuberculose, le sida et divers types d'hépatites. En cause, selon les auteurs du rapport, le délabrement du matériel médical dans les prisons.
"La majorité des problèmes de fonctionnement de la médecine pénitentiaire est liée à son financement. En 2010, les services médicaux pour les détenus n'ont disposé que de 24 % des fonds nécessaires", relève le document, soulignant que 60 % des équipements médicaux "datent des années 1970 et 1980" et que plus de la moitié du matériel est "vétuste". Un précédent rapport, également réalisé par le parquet, estimait que 4 150 prisonniers sont morts des suites de maladies diverses en 2009, dont 521 dans les centres de détention préventive. Dans la seule région de Moscou, 55 détenus sont morts, faute de soins. Selon les calculs du procureur de Russie, onze prisonniers meurent chaque jour derrière les barreaux.
Le président russe, Dmitri Medvedev, avait commandé cette vérification globale du système de soins dans les prisons de Russie après la mort de plusieurs détenus qui n'avaient pas reçu une aide médicale appropriée. Le cas de Sergueï Magnitski, mort d'une cholécystite au douzième mois de sa détention provisoire, est pariculièrement symbolique. M. Magnitski, avocat d'un fonds d'investissement britannique, avait été arrêté pour fraude fiscale après avoir dénoncé le vol de 160 millions d'euros au fisc par un gang de policiers et de fonctionnaires. Son lent calvaire dans la prison Matrosskaïa Tichina s'est terminé le 16 novembre 2009, lorsqu'il est mort, à l'âge de 37 ans.