Srebrenica et Kosovo: deux frontières de la conscience serbe

© RIA Novosti . Ilya Pitalev / Accéder à la base multimédiaSrebrenica et Kossovo : deux frontières de la conscience serbe
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L'avis de la Cour internationale de l’ONU (CIJ) sur le Kosovo, malgré son caractère consultatif, entrera dans l’histoire du droit international. C'était la première fois, en 65 ans d’existence, que cette institution examinait la question de la légalité d’une sécession unilatérale vis-à-vis d’un pays membre de l’ONU d’un territoire qui n’est pas une entité fédérée.

L'avis de la Cour internationale de l’ONU (CIJ) sur le Kosovo, malgré son caractère consultatif, entrera dans l’histoire du droit international. C'était la première fois, en 65 ans d’existence, que cette institution examinait la question de la légalité d’une sécession unilatérale vis-à-vis d’un pays membre de l’ONU d’un territoire qui n’est pas une entité fédérée.

Encore une fois, les juges n’ont pas vu d’infraction au droit international dans cette démarche, y compris contre le principe de l’intégrité territoriale des États, consacré par la charte de l’ONU et par l’Acte final de la Conférence d'Helsinki  sur la sécurité et la coopération en Europe. À quel point une telle décision était-elle attendue et quelle incidence aura-t-elle sur les Balkans, l’Europe et le monde entier?

La requête serbe, approuvée en octobre 2008 par la majorité des voix à  l’Assemblée générale de l’ONU, a été formulée comme suit:«La déclaration unilatérale d’indépendance adoptée par les institutions gouvernementales provisoires du Kosovo est-elle en conformité avec le droit international?» Pour répondre à cette question, les 15 juges, sous la présidence du Japonais Hisashi Owada, ont eu besoin de près de deux ans de travail à huis clos et d’audiences publiques, tenues en décembre 2009. La réponse a été annoncée le 22 juillet sous cette forme:«Les normes législatives internationales ne contiennent aucune réglementation en vigueur limitant les proclamations d’indépendance. En s’appuyant sur ces faits, nous pouvons conclure que la déclaration datée du 17 février 2008 n’enfreint pas la réglementation du droit international». Comme l’a précisé M.Owada, le droit international « ne contient pas d’interdiction » concernant les proclamations d’indépendance. De plus, le tribunal, selon lui, n’a pas étudié en particulier l’application des principes du droit des peuples de disposer d’eux-mêmes ou de sécession territoriale dans le cas du Kosovo.

Il n’est pas difficile de noter que la majorité des membres de la Cour internationale de l’ONU ont pris cette décision en s’appuyant sur un prétexte juridique qui, de toute évidence, n’avait pas été pris en compte par l’auteur du recours. En effet, les décisions unilatérales des séparatistes et des autorités n’entrent pas en infraction avec le droit international car, en soi, ils n’ont aucune valeur juridique jusqu’à ce qu’elles soient reconnues par les pays membres de l’ONU. Les séparatistes albanais du Kosovo, de la Macédoine et d’autres régions des Balkans, ont pris, à plusieurs reprises depuis les années 1980, des décisions unilatérales, adressées aux autorités centrales et à la communauté internationale. En 1982, l’une des organisations illégales de Tetovo avait lancé l’appel suivant: «Vive le peuple albanais uni. Les républiques de Struga, de Skopje, Ulcinj et l’Albanie sont réunies».

Le 2 juillet 1990, l’assemblée de la «république du Kosovo» autoproclamée avait adopté une «déclaration d’indépendance» et le 7 septembre de la même année, les séparatistes albanais promulguaient la «constitution de la république du Kosovo», non reconnue par Belgrade, et dans laquelle la région autonome du Kosovo était proclamée «État démocratique», «sur la base du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes jusqu’à la sécession ». Cependant, toutes ces décisions, décrets, déclarations, et bien d’autres, n’avaient aucun poids international car ils n’étaient approuvés ni par les principales organisations mondiales ni par des pays en particulier, contrairement à la déclaration d’indépendance du 17 février 2008.

Ainsi, il est difficile de reprocher à la CIJ la récente décision du point de vue juridique, mais en ce qui concerne la motivation politique, l’autorité judiciaire n’a pas «découvert l’eau chaude». Ses membres ont voté en toute conformité avec leur perception du statut actuel du Kosovo. Dès le départ, il semblait que la Serbie pourrait compter sur les juges de Russie, de Chine, de Slovaquie et de Brésil. Parmi les 15 membres du la cour, encore deux représentaient le Maroc et le Mexique qui n’avaient pas encore reconnu l’indépendance du Kosovo. Cependant, des ambiguïtés ont marqué leur attitude dès le début. Le 19 février 2008, le ministère mexicain des Affaires Étrangères avait fait une déclaration confuse disant que « le pays [observait] attentivement l’évolution  de la situation pour, au moment opportun, prendre position à l’égard des événements de dimanche dernier», c’est-à-dire du 17 février. En ce qui concerne le gouvernement musulman du Maroc, en janvier 2009 à Vienne, s’est tenue une rencontre entre Skënder Hyseni, le ministre des Affaires Étrangères du Kosovo, et Omar Zniber, l’ambassadeur marocain en Autriche. Ce dernier y avait déclaré:«Le peuple et les institutions de mon pays comprennent et soutiennent la volonté du peuple kosovar. Nous étions et demeurons proches du Kosovo, je peux vous dire que mon pays mène de larges consultations avec d’autres pays concernant la question de reconnaissance du Kosovo. Nous prendrons une décision à l’égard du Kosovo au moment opportun».

La répartition finale des avis au sein de la CIJ s’est avérée un peu différente, et même encore moins réconfortante pour la Serbie. Le représentant chinois était absent lors de la délibération. La Jordanie, les États-Unis, la France, la Grande-Bretagne et le Japon ont soutenu à l’unanimité Pristina. La Sierra Leone, le Maroc et la Russie ont donné un « avis défavorable ». La Slovaquie et l’Allemagne ont ajouté des «déclarations » à la décision de la cour. La Nouvelle Zélande, le Mexique, le Brésil et la Somalie ont exprimé des «avis particuliers». Au total, dix voix «pour» et quatre voix «contre» la reconnaissance de la déclaration d’indépendance du Kosovo.

Ce n’est pas étonnant que dès le début les forces d’opposition serbes aient été sceptiques à l’égard de l’initiative des autorités de Belgrade de faire une requête auprès de la CIJ, dont le contenu principal concernait leurs efforts de garder Kosovo au sein de la Serbie. « La CIJ n’aidera pas la Serbie à résoudre ce problème. Les États-Unis et les autres pays qui ont reconnu l’indépendance du Kosovo ont déjà déclaré que la décision de cette cour n’aura pas de «caractère contraignant», a déclaré dans une interview avec les médias russes Nenad Popovic, député du parti démocratique de la Serbie à l’assemblée nationale serbe. En revanche, je suis convaincu que dans les années à venir les gouvernements qui ont soutenu l’indépendance du Kosovo s’expliqueront sur leurs décisions dans les cours internationales auxquelles nous pouvons nous adresser", a-t-il prédit à propos de l’évalution de la situation en cas de changement de gouvernement en Serbie meme. Les autorités de Pristina étaient convaincues du succès judiciaire dès le départ. Fatmir Sejdiu, le président du Kosovo, a déclaré suite au verdict «ne pas exclure qu’un jour les pays qui n’ont pas encore reconnu la république du Kosovo puissent le faire». Il ne restait plus à Boris Tadic, le président serbe, qu’à promettre à nouveau que «la Serbie ne [reconnaitrait] jamais la proclamation unilatérale d’indépendance du Kosovo». Selon lui, le fait que la CIJ «n’ait pas examiné en réalité la question de la «sécession» permet de se poser des questions sur «ses conséquences politiques» à l’assemblée générale de l’ONU de la session de septembre.

Cependant, cette discussion aboutira-t-elle à une prise de décisions concrètes concernant le statut juridique international de Kosovo, et d’ailleurs  aura-t-elle lieu ? La réponse à cette question semble être négative. Les espoirs des autorités serbes semblent compromis et les dernières déclarations du président Boris Tadic ne sont pas en mesure de convaincre même les alliés les plus fidèles de la Serbie. Apparemment, cet automne, le problème kosovar sera le thème non pas de discussions internationales, mais de débats politiques internes sur la scène serbe concernant les priorités géopolitiques de l’État. Grace à la décision de la CIJ, les forces d’opposition, quant à elles, ont obtenu un atout important dans cette lutte. Quant aux conséquences juridiques internationales du verdict, il faut donner raison à Jonathan Marcus, correspondant diplomatique de la BBC, qui a posé une question:«Pourquoi les autres questions frontalières litigieuses ne pourraient-elles pas être réexaminées?» Parmi elles, il a cité à la première place les frontières de la Bosnie-Herzégovine.
Le verdict perfide de la CIJ a réellement verrouillé sur lui-même le statut du Kosovo et de la Bosnie, en fournissant à la Serbie une occasion unique de soulever la question du reformatage de la structure de la Bosnie dans un sens qui lui serait favorable.

 Ce texte n’engage que la responsabilité de l’auteur

 

 

 

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