La Croix
Des opposants géorgiens cherchent à amadouer Moscou
Deux ans après la guerre perdue contre la Russie, Tbilissi craint une intervention politique du Kremlin, alors que des leaders de l’opposition se sont rapprochés de Moscou
Théorie du complot ou réelle menace ? La Géorgie, deux ans après sa défaite militaire face à la Russie, s’inquiète. « Les Russes sont sur l’offensive », redoute Alexander Rondeli, politologue proche du président géorgien Mikheïl Saakachvili.
Ce dernier, héros de la « révolution des roses » de 2003, est devenu un président à l’autorité d’autant plus contestée que la population suit avec appréhension les changements politiques en Ukraine : cette alliée de la Géorgie, qui avait comme elle mené sa révolution anti-russe, s’est fortement rapprochée de Moscou depuis l’élection d’un président pro-Kremlin. «Aujourd’hui, les Russes occupent 20 % de notre territoire, commente Alexander Rondeli. Demain, ils pourraient attendre le bon moment et utiliser des leaders de l’opposition pour imposer leur régime à Tbilissi…»
Depuis la guerre d’août 2008, l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie, deux régions sécessionnistes, sont sous le contrôle direct du Kremlin. Par ailleurs, deux leaders de l’opposition géorgienne semblent vouloir séduire la Russie. Nino Burjanadze, l’une des figures clés de la révolution devenue l’un des plus virulents critiques de Mikheïl Saakachvili, et Zurab Nogaideli, ex-premier ministre lui aussi passé dans l’autre camp, ont coup sur coup rencontré à Moscou Vladimir Poutine.
« Les Russes veulent organiser un coup d’État, soupçonne Giga Bokeria, l’un des plus proches alliés de Mikheïl Saakachvili. Moscou n’accepte pas un dialogue entre égaux. Bien sûr, depuis l’arrivée de Dmitri Medvedev au Kremlin, nous sentons une différence dans la rhétorique par rapport à son prédécesseur, Vladimir Poutine, qui, pendant la guerre, espérait renverser le régime. Mais, dans les faits, rien n’a changé. »
Officiellement, les deux voisins, qui n’entretiennent plus de relations diplomatiques, jouent l’apaisement. « La Géorgie est prête à engager des conversations approfondies avec la Russie, sans aucune condition préalable, pour normaliser nos relations », a récemment déclaré Mikheïl Saakachvili. Le chef du Kremlin, Dmitri Medvedev, a pour sa part affirmé que les relations « se normaliseraient » un jour. Tout en excluant la possibilité d’un accord avec les dirigeants géorgiens actuels.
Tbilissi a traduit : Saakachvili doit être remplacé. Du coup, les visites à Moscou de leaders d’opposition ont été interprétées comme l’œuvre d’«une cinquième colonne… », ironise Ghia Nodia, ex-ministre devenu politologue fidèle au régime. « Ils se cherchent une niche pour exister sur la scène politique. C’est risqué. Car, conservateurs et fatalistes, les Géorgiens ont peur de l’opposition.»
Dans la rue, cependant, nombreux sont les Géorgiens à demander un dialogue avec la Russie. Des appels d’autant plus pressants que le mécontentement persiste, un an après d’importantes manifestations. « C’est Saakachvili qui, à cause de sa politique, a fini par céder l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie à la Russie », peste Irakli Kordzaïa, journaliste d’opposition. « Nous devons résoudre notre problème avec la Russie, aussi douloureux que cela soit. C’est impossible de le faire tant que Saakachvili est encore au pouvoir », affirme pour sa part Irakli Alasania, leader de l’opposition libérale.
Tous deux appellent à faire les premiers pas pour gagner la confiance de la Russie. Même s’il ne veut pas se rendre à Moscou, Irakli Alasania a rencontré en Europe le ministre russe des affaires étrangères. « Beaucoup de Géorgiens ont perdu confiance en l’Ouest, rappelle Paata Zakareishvili, politologue indépendant. Saakachvili avait promis que l’Otan et l’Europe nous aideraient.
Ils n’ont pas aidé. Beaucoup de Géorgiens, tout en ayant peur de la Russie, ont donc compris qu’il vaut mieux négocier avec notre grand voisin. » Un changement d’état d’esprit imposé par l’évolution du contexte international. Malgré la chaleureuse récente visite de la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton à Tbilissi, le soutien de l’administration Obama ne semble plus aussi indéfectible que sous George W. Bush.
L'Humanité
Le gouvernement russe dans la tourmente face aux incendies
Vladimir Poutine a attendu vendredi pour réquisitionner 2000 soldats dans la lutte contre les feux, aux côtés de pompiers dépassés par la tâche et de nombreux bénévoles.
La gestion politique de cette crise oppose le gouvernement - Poutine en tête, tandis que Medvedev se fait plus discret - et les autorités locales qui se rejettent mutuellement la faute quant au manque de réactivité et de réponse organisée aux incendies. Le premier ministre a donc prévu cet après-midi une réunion d'urgence à Moscou. Il s'était rendu vendredi à Vekhnaïa Vereia, un village entièrement détruit par les feux, afin de rassurer une population qui a alors violemment dénoncé le manque de responsabilité des autorités locales, sourdes à leurs appels à l'aide.
Vladimir Poutine a attendu vendredi pour réquisitionner 2000 soldats dans la lutte contre les feux - qui avaient démarré la veille - , aux côtés de pompiers dépassés par la tâche et de nombreux bénévoles. Outre la réponse gouvernementale au sinistre, c'est l'absence totale de prise en charge du risque climatique, via une politique de prévention digne de ce nom, qui doit être soulignée.
Le bilan humain des incendies qui sévissent dans la région de Moscou depuis jeudi dernier s'élève à 34 morts, dont trois pompiers, tandis que les feux peinent à être contenus. La moitié d'entre eux seraient maîtrisés d'après le ministère des Situations d'urgence, contredit par le premier ministre Vladimir Poutine qui parle de situation "très tendue", et se dirigent dangereusement vers l'Extrême-Orient du pays, notamment dans la péninsule du Kamtchatka.
Devant l'ampleur de cette "catastrophe naturelle" - pour reprendre les mots du président russe Dmitri Medvedev - 14 des 83 districts fédéraux du pays ont été placés en état d'urgence, 180 000 personnes sont mobilisées ainsi que 30 000 véhicules (dont des hélicoptères et des avions), et 5000 personnes ont été évacuées. On dénombre 1875 habitations brûlées et des centaines de milliers d'hectares décimés.
De fait, la Russie est frappée d'une canicule historique depuis le mois de juillet, Moscou ayant enregistré des températures records atteignant jusqu'à 40°C - soit 8°C de plus que la moyenne. Ce défaut d'anticipation du risque climatique n'est pas propre à la Russie ; des questions semblables avaient surgi en juin dernier lors des inondations dans le Var.
Le Monde
Un journal polonais accuse Moscou de vouloir ralentir l'enquête sur le crash présidentiel
L'enquête sur les causes de l'accident de l'avion présidentiel polonais le 10 avril à Smolensk, une ville située dans l'ouest de la Russie, marque le pas, faute de documents que Moscou tarde à livrer à Varsovie, affirme lundi 2 août le quotidien polonais Gazeta Wyborcza, citant des sources proches de l'enquête.
"La Russie retarde le transfert d'informations sur les causes de la catastrophe à la commission d'enquête et au parquet polonais", croit savoir le journal, affirmant qu'une lettre "ferme" à ce propos a récemment été adressée à la commission d'enquête russe par le représentant du gouvernement polonais auprès de cette commission. "Les problèmes ont commencé. Les Russes ne veulent pas nous donner accès aux documents", a affirmé ce dernier au journal.
Ces transferts retardés concerneraient en particulier des documents qui pourraient confirmer ou exclure une coresponsabilité du côté russe, comme notes concernant les équipements techniques de l'aéroport de Smolensk, le comportement des contrôleurs russes ou les procédures en vigueur en Russie, affirme le journal polonais.
Le ministre de l'intérieur polonais, qui dirige la commission d'enquête polonaise sur la catastrophe de Smolensk, a confirmé lundi que Varsovie attendait toujours des documents qui lui permettraient d'avancer dans son enquête.
Il y a quelques semaines, j'ai soumis [aux autorités russes] une liste de documents qui intéressent la commission polonaise et qu'elle n'a toujours pas reçus. Connaissant les procédures compliquées dans la Fédération de Russie, je le considère uniquement comme un contretemps de procédure", a-t-il tempéré devant la presse.
Le procureur général de Pologne avait indiqué pour sa part la semaine dernière que Varsovie attendait toujours une réponse de la justice russe à ses "demandes d'aide juridique", et qu'il espérait recevoir en août les documents requis dans le cadre de la coopération bilatérale.
Le Tupolev 154 qui transportait, le 10 avril, le président Lech Kaczynski et d'autres hauts responsables polonais s'est écrasé en tentant d'atterrir par un épais brouillard à Smolensk, tuant ses quatre-vingt-seize occupants.
Le parti conservateur polonais Droit et justice (PiS, opposition) de Jaroslaw Kaczynski, le frère jumeau du président défunt, a formé la semaine dernière un groupe d'étude parlementaire pour élucider les causes de l'accident, sans exclure des hypothèses de crime ou d'attaque terroriste.
Des théories du complot, selon lesquelles l'accident était une tentative d'éliminer le président conservateur peu avant l'élection présidentielle en Pologne, se répandent via des sites Internet favorables aux conservateurs. Jaroslaw Kaczynski avait lui-même nourri ces thèses en accusant Moscou de faire "piétiner" l'enquête sur l'accident, ce qui, selon lui, justifiait "des doutes".