L'Expansion
Pourquoi la Russie privatise ses grandes entreprises
Moscou va vendre des parts de conglomérats publics pour 29 milliards de dollars. L'objectif n'est pas tant de renflouer le budget que de réduire la part de l'Etat dans l'économie et d'attirer les investisseurs étrangers, explique Georges Sokoloff, professeur émérite des Universités, spécialiste de la civilisation russe contemporaine.
L'Etat russe a présenté un programme de privatisation d'entreprises publiques de premier plan, qui vise à rapporter près de 30 milliards de dollars. Est-ce un plan historique?
Ce programme est certes plus important que ce qui avait été annoncé à l'automne 2009 (il était alors question de dégager 2 milliards de dollars en vendant des participations dans plusieurs milliers d'entreprises), mais c'est surtout parce que depuis la conjoncture internationale est beaucoup plus favorable qu'il y a six mois. Au final, ces privatisation ne concernent qu'une petite dizaine d'entreprises.
Les ventes concernent cependant des conglomérats publics stratégiques (le pétrolier Rosneft, le monopole de pipelines Transneft, l'opérateur ferroviaire RZD ou encore le réseau de caisses d'épargne Sberbank)...
Oui, mais l'Etat ne cède pas une part significative de ses entreprises, il garde la part majoritaire de blocage. C'est-à-dire qu'il garde le contrôle de ses entreprises, tout en engrangeant un bénéfice non négligeable.
Ces recettes vont-elles servir à combler le déficit budgétaire du pays ?
Non, ces privatisations représentent moins de la moitié de l'effort de l'Etat pour ramener le déficit budgétaire de 5% du PIB en 2010 à 4% en 2011 et 2% en 2012. Le déficit public russe n'est de toute façon pas un problème : le budget de l'Etat est alimenté par la taxe sur les ventes de produits pétroliers et les hydrocarbures, principale manne de l'économie russe. Or les prix des matières premières sont orientés à la hausse, ce qui pourrait permettre à l'Etat russe de résorber son déficit sans efforts. Le vrai problème de la Russie, ce n'est pas le déficit budgétaire mais la dette des entreprises privées russes, et notamment des banques, qui atteint près de 420 milliards de dollars.
Pourquoi les entreprises et les banques russes ne subissent-elles pas une plus forte pression des marchés ?
Parce qu'en face il y a les réserves de l'Etat, qui s'élèvent à quelque 400 milliards de dollars. Pour les marchés, l'Etat russe sert indirectement de garant aux entreprises privées.
Si le programme de privatisation ne sert pas à réduire le déficit, quel est son objectif ?
L'objectif est d'attirer des investisseurs étrangers, d'améliorer la gestion des entreprises russes et donc d'accroître leur compétitivité. Surtout, ce plan de privatisation vise à réduire la part monumentale et inutile de l'Etat dans l'économie russe, qui s'élève à 40%.
Comment expliquer que l'Etat russe possède encore 40% des actifs productifs du pays, alors qu'il y a eu une longue période de privatisations dans les années 1990, suite à l'éclatement de l'URSS ?
Après des ventes chaotiques dans les années 1990, dénoncées par les milieux économiques internationaux parce qu'elles favorisaient les oligarques russes, la Russie a freiné ces dernières années le mouvement des privatisations. C'est Poutine qui a engagé ce retour de l'Etat dans la vie économique, dont le symbole est le démantèlement du géant pétrolier Ioukos en faveur des groupes publics Gazprom et Rosneft. Mais Poutine n'est plus au pouvoir et Dimitri Medvedev entend moderniser l'économie russe, notamment en s'attaquant aux conglomérats publics.
Les entreprises françaises sont-elles présentes et ont-elle intérêt à investir en Russie ?
La France est loin d'avoir déployé toutes ses cartes commerciales en Russie. C'est l'Allemagne qui est son principal partenaire économique. Toutefois, depuis quelques mois, la France est le principal investisseur étranger en Russie. Tant mieux, car c'est une opportunité évidente. Le principal moteur de l'économie russe, c'est la consommation des ménages. Les grandes entreprises sont d'ailleurs très bien implantées en Russie : Total, Renault, Airbus, et surtout Auchan, qui est leader de la grande distribution là-bas. Le problème, c'est pour les petites et moyennes entreprises, qui ne sont à mon avis pas assez accompagnées par les banques pour s'implanter en Russie.
L'Express
L'oeil sur 2012, Poutine célèbre l'histoire et la culture russes
Souriant et prompt à la repartie, Poutine se déplace depuis quelque temps à travers la Russie, prenant la parole en public et répondant à des questions sur des sujets allant de la sécheresse aux technologies de pointe et à la criminalité.
Ces apparitions médiatisées ont culminé ce week-end avec son arrivée sur une moto Harley Davidson à un rassemblement de motards russes et ukrainiens en Crimée.
L'ancien président, qui pourrait redevenir chef du Kremlin, s'est rendu lundi à Veliki Novgorod, ville historique située au nord-ouest de Moscou et qui abrite la plus ancienne église de Russie - la cathédrale Sainte-Sophie (XIe siècle).
La Russie célébrera cette année sa conversion au christianisme pour la première fois, le 28 juillet.
"C'est un événement d'une importance colossale pour la Russie et son interaction avec l'Europe. La Russie a fait un choix historique", a déclaré Poutine, ancien agent du KGB qui a soutenu le retour en force de l'Eglise orthodoxe dans la société russe, devant des archéologues de la région.
Cyberpresse Canada
Russie: sauver une forêt à ses risques et périls
Dans un rare élan d'engagement citoyen en Russie, les habitants d'une banlieue moscovite ont fait arrêter la coupe d'une vaste forêt, qui doit laisser passer une autoroute. La détermination des citoyens a suscité l'étonnement et fait naître l'espoir d'une société civile capable de se faire entendre... Notre correspondant est allé à leur rencontre.
«Nous allons rester ici jusqu'à ce qu'ils modifient le tracé!» Le ton assuré, Evguenia Tchirikova, la charismatique leader du Mouvement pour la défense de la forêt de Khimki, s'adresse à sa petite armée de militants en train de casser la croûte autour des six tentes d'un campement.
Les habitants de Khimki, ville-dortoir de 180 000 habitants, sont en guerre depuis quelques années. Leurs ennemis: l'Agence fédérale des routes (Rosavtodor), responsable du projet, et la firme française Vinci, mandatée pour construire le premier tronçon de l'autoroute à péage Moscou-Saint-Pétersbourg. Selon le tracé actuel, l'autoroute coupera en deux les 1000 hectares de la luxuriante forêt de Khimki, menaçant l'écosystème de ce poumon de la capitale.
Jusqu'ici, l'histoire des habitants de Khimki ressemble à des milliers de mobilisations citoyennes. La différence est que cette opération se déroule en Russie, où une telle opposition au pouvoir est assez rare. Pour cause.
La détermination des habitants de Khimki a déjà coûté cher à l'un d'entre eux. En novembre 2008, le journaliste local Mikhaïl Beketov, qui appuyait Evguenia Tchirikova et sa bande, a été trouvé près de sa maison, baignant dans son sang depuis plusieurs heures. Il a survécu, mais il a fallu lui amputer une jambe et plusieurs doigts gelés. Il conserve des séquelles importantes au cerveau et ne peut prononcer que quelques mots. On n'a jamais su qui l'avait agressé, mais ses amis accusent à mots couverts le maire de leur ville d'avoir voulu le faire taire.
Malgré les menaces, Evguenia Tchirikova, qui s'est installée à Khimki justement pour fuir la pollution du centre-ville, n'a jamais baissé les bras.
«Nous sommes pour l'autoroute, mais on ne veut pas qu'elle tue le poumon de la ville, explique-t-elle. Nous ne nous battons pas que pour nous-mêmes, mais pour tous les Moscovites.» Moscou est l'une des rares capitales au monde encore entourées d'une luxuriante ceinture verte.
En face du campement, des billots de bois sont cordés devant sept hectares dénudés où de grands chênes se dressaient encore il y a quelques jours. Il y a deux semaines, un membre du mouvement a remarqué par hasard une affiche qui disait «Attention, coupe forestière», près de l'aéroport Cheremetyevo. À l'arrivée des militants sur les lieux, les travailleurs migrants qui abattaient les arbres ont refusé de montrer leurs papiers et ont pris la fuite.Une trentaine d'habitants de Khimki et autres militants écologistes se sont donc relayés jour et nuit dans le campement improvisé pour empêcher la reprise des travaux. Les journalistes russes, même ceux des médias officiels, suivent l'affaire avec intérêt.
Soupçons de corruption
Pendant plus d'une semaine, Rosavtodor s'est contentée de déclarer que la coupe était légale, sans faire appel aux autorités policières pour tenter de déloger les militants.
Dans un communiqué, l'agence a expliqué qu'elle n'a pas besoin de permis particulier pour la coupe puisque, en novembre dernier, le gouvernement russe a transformé 144 hectares de la forêt protégée de Khimki en terres exploitables.
Vrai. Mais c'est justement ce changement de zonage que les militants contestent. Appuyés par Transparency International, ils assurent que le processus laissait place à la corruption. Selon la loi russe, on ne peut exploiter une aire protégée si une autre option est possible. Les militants ont proposé un autre tracé, qui aurait limité les impacts sur la forêt, mais les autorités le jugent trop cher.
Même l'opposition libérale ne croyait pas vraiment aux chances des citoyens de Khimki de faire cesser les travaux. Sur son blogue, Vladimir Milov, ancien vice-ministre de l'Énergie devenu l'un des leaders du mouvement d'opposition Solidarnost, a reconnu qu'il avait longtemps douté de leur réussite. «S'ils réussissent à interrompre définitivement cette coupe illégale, ce sera une grande victoire sur l'arbitraire du pouvoir.»
Vers 5h du matin vendredi, une cinquantaine de jeunes cagoulés ont envahi le campement et ont tabassé les militants. À l'arrivée des policiers, les assaillants avaient déjà pris la fuite et les agents ont arrêté... les écologistes, pour avoir illégalement allumé des feux de camp et essayé d'empêcher leur départ en se couchant devant leurs voitures.
En fin de journée, la coupe de bois avait repris.
Mais Evguenia Tchirikova et sa bande n'avaient pas dit leur dernier mot. Hier, ils étaient de retour dans la forêt, encore plus forts, accompagnés d'un député et du légendaire musicien rock d'opposition Iouri Chevtchouk. Et encore une fois, la coupe était interrompue.