La Russie vue par la presse francophone le 23 juillet

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L'Elysée tient pour acquise la commande de BPC par la Russie/ Le TGV russe, symbole d'un pays à deux vitesses/ Moscou continue de négliger une épidémie qui touche 160 personnes chaque jour

Mer et marine

L'Elysée tient pour acquise la commande de BPC par la Russie

En déplacement à Saint-Nazaire, Nicolas Sarkozy a abordé, devant les salariés de STX France, les négociations en cours pour la vente de bâtiments de projection et de commandement (BPC) à la marine russe. Le président de la République, qui n'a pas vraiment pris de gants, a assuré que deux des quatre BPC souhaités par Moscou seraient réalisés aux chantiers de Saint-Nazaire. « Vous allez fabriquer les deux BPC. La décision de le faire est certaine », a déclaré le chef de l'Etat au pied du Dixmude, troisième BPC destiné à la Marine nationale et dont l'assemblage s'achève dans la forme de construction de STX. L'Elysée tient donc pour acquis le choix du design français conçu par DCNS pour les futurs bâtiments de projection russes. Cette position peut paraître potentiellement risquée dans la mesure où les négociations sont toujours en cours. Il ne faudrait donc pas, même si le BPC français a la faveur des Russes, que ces derniers aient l'impression d'avoir « le couteau sous la gorge ».

Pour l'heure, aucun contrat n'est en tous cas signé et les négociations se poursuivent entre la France et la Russie, notamment en matière de transfert de technologie. Même s'ils ne sont que faiblement armés et construits aux normes civiles, les BPC intègrent, en effet, certaines technologies de pointe, notamment en matière d'électronique. De plus, le contrat doit prévoir l'aide technique française permettant aux chantiers russes de réaliser ce type de navire. Or, si Paris défend l'idée de faire « moitié moitié », c'est-à-dire deux BPC construits en France et les suivants en Russie, Moscou semblait, ces derniers mois, plutôt favorable à une solution ne laissant à Saint-Nazaire que la réalisation de la tête de série.

Peut-être pour faire pression sur les négociations, différentes informations ont circulé ces derniers mois. La presse a notamment évoqué des projets concurrents avec les industriels espagnols et néerlandais, avant d'avancer ces derniers jours la piste sud-coréenne. Mais celle-ci semble peu crédible, les navires réalisés chez Daewoo intégrant des technologies américaines et la situation géopolitique de la région, marquée par les tensions entre Séoul et Pyongyang, ne se prête guère à un contrat d'armement, qui serait perçu comme un geste politique russe envers l'un des principaux alliés des Etats-Unis dans le secteur.

Pour mémoire, les BPC français ont été conçus par DCNS. Les deux premiers (Mistral et Tonnerre), livrés en 2006 et 2007, ont été coréalisés avec STX France, qui avait seulement construit la partie avant, qui regroupe les locaux vie et la zone PC. Les deux moitiés avant avaient ensuite été remorquées à Brest, où elles avaient été soudées aux parties arrière, assemblée sur place par DCNS.

Le montage du troisième navire de la série est différent. La construction du Dixmude, prévue initialement après 2015, a en effet été anticipée pour regarnir le carnet de commandes de Saint-Nazaire, dont les ateliers en production avaient cessé de travailler l'an dernier. Dans le cadre du plan de relance de l'économie, la Direction Générale de l'Armement (DGA) a donc notifié, en avril 2009, la réalisation du bâtiment. Cette fois, STX réalise l'ensemble de la coque propulsée et aménagée, DCNS se chargeant ensuite, à Toulon, de l'intégration du système de combat et du système d'armes. Il en sera de même pour le quatrième et dernier BPC français de la série. Nicolas Sarkozy a confirmé que sa construction ne serait pas anticipée. Elle reste donc programmée pour la prochaine loi de programmation militaire (2015-2020) avec une admission au service actif en 2019/2020.

Conçus pour la projection de force et le commandement d'opérations interarmées et interalliés, les BPC mesurent 199 mètres de long pour un déplacement de 21.500 tonnes en charge. Chaque navire peut embarquer 2 à 4 engins de débarquement (EDA-R ou CTM), 16 hélicoptères, 70 véhicules et 450 hommes de troupe. Les BPC disposent d'importantes infrastructures de commandement, avec un PC modulable de 800m2 pouvant accueillir 150 opérateurs, ainsi qu'un vaste hôpital embarqué doté de blocs opératoires et de plusieurs dizaines de lits. Outre les opérations militaires, les BPC se sont révélés très utiles pour l'évacuation de ressortissants ou les missions humanitaires.

Très voisins des navires français, les BPC proposés à la Russie présenteront quelques particularités. Outre l'embarquement d'équipements russes, ces bateaux doivent disposer d'une coque renforcée pour permettre la navigation dans des zones polaires (glaces). Ils doivent, de plus, présenter un pont d'envol renforcé et un hangar surélevé, certains hélicoptères russes étant plus lourds et plus hauts (double rotor) que leurs homologues tricolores.
Si un accord est conclu avec la France, DCNS sera maître d'oeuvre du programme, STX France agissant en qualité de sous-traitant.

L'Express

Le TGV russe, symbole d'un pays à deux vitesses

Le Sapsan, premier train à grande vitesse du pays, traverse à 250 kilomètres-heure des villages misérables. Un symbole de l'insensibilité du pouvoir central aux inégalités croissantes.

Sur le quai de gare, la contrôleuse tirée à quatre épingles passe les billets à code-barres au lecteur optique. L'instant d'après, les passagers embarquent à bord du Sapsan, soit le "faucon pèlerin", l'oiseau le plus rapide du monde. Depuis son inauguration, en décembre 2009, le premier TGV russe relie Moscou à Saint-Pétersbourg en trois heures quarante. Et fait la fierté de la RZD, la SNCF locale.  

A bord, des hommes d'affaires en costume Armani y côtoient des beautés slaves à talons hauts et des touristes européens qui ont payé 90 euros pour voyager en classe économique et le double en première. Dans les espaces de rangement, on note une proportion significative de bagages Vuitton. Attention au départ! Le train démarre, silencieux comme un serpent. Dans l'ambiance feutrée de la voiture 17 (première classe), des hôtesses servent du vin blanc et un repas chaud.

Qu'il est bon d'appartenir à l'élite! A l'instar des boutiques chics de Moscou, le Sapsan offre à ses passagers l'image rassurante d'une nation émergente qui se modernise à grande vitesse. Et qui mérite son appartenance au club des Bric (Brésil, Russie, Inde, Chine), ces pays dont le poids augmente dans l'économie mondiale.  

"La Russie change, et pour elle-même et pour le reste du monde", répète d'ailleurs le président Dmitri Medvedev, pour qui la "modernisation" est un leitmotiv. Il l'a encore martelé le 18 juin, lors du 14e Forum économique international de Saint-Pétersbourg: "La Russie doit devenir un pays qui attire des gens du monde entier désireux de réaliser leurs rêves." Comme par exemple le géant allemand Siemens, qui a livré le Sapsan clef en main. Ou encore le français Alstom, qui participe à la construction du TGV Saint-Pétersbourg-Helsinki (Finlande), dont la mise en service est prévue à la fin de 2010.  

Le Sapsan file maintenant à 250 kilomètres-heure dans la morne campagne russe, ponctuée d'isbas isolées et de villages, traversés en un éclair. Derrière la fenêtre, c'est l'autre Russie, peut-être la "vraie" Russie. Bref, la Russie d'en bas. Le pays des petites gens et des gueules cassées, qui sont aussi les exclus de la modernité. Ceux-là se chauffent au charbon l'hiver et à la vodka toute l'année, afin d'oublier qu'ils vivaient mieux à l'époque de l'Union soviétique.  

Un seul exemple: en vingt ans, l'espérance de vie des hommes russes a reculé de cinq ans, passant de 64 ans à 59. En cause: l'alcoolisme, les mauvaises conditions de vie ou encore le délitement du système de santé (40 % des hôpitaux n'ont pas d'eau chaude). Un journal de Moscou a récemment décrit cette Russie d'en bas, si éloignée des préoccupations de l'élite, par une formule crue, mais juste: "Le caniveau du Sapsan."  
Dans ce pays aux écarts de revenus insensés (20 multimilliardaires contrôlent un cinquième de la richesse nationale), il est rare que les petites gens, soumis depuis toujours à la domination de leurs gouvernants, parviennent à faire entendre leurs doléances.  

Il faut croire que la colère anti-Sapsan est l'exception qui confirme la règle. Depuis l'hiver dernier, l'indignation ne faiblit pas le long de la voie ferrée de 650 kilomètres, la plus ancienne et la plus fréquentée de Russie. Jets de pierres, de blocs de glace, tirs à la carabine, sabotage de caténaires: une petite révolte est à l'oeuvre. En six mois de circulation, le Faucon pèlerin a subi une vingtaine d'actes de sabotage, même si on est loin des attentats terroristes de 2007 et de 2009 contre le Nevski Express qui circulait sur les mêmes voies.  

C'est peu dire que la mise en service du Sapsan a perturbé la vie des habitants, le long de la ligne. A 167 kilomètres de Moscou, Tchouprianovka (2500 âmes) vit depuis longtemps au rythme du passage à niveau, métronome de la commune depuis l'inauguration de la ligne de chemin de fer Moscou-Saint-Pétersbourg, en 1851. Mais, à l'arrivée du Sapsan, la vie est devenue impossible. Par mesure de sécurité, le garde-barrière ferme en effet le passage à niveau vingt minutes avant que le train ne déboule comme une fusée à la sortie d'une courbe.  

Résultat: à raison de 16 Sapsan par jour (auxquels s'ajoutent d'autres trains régionaux, de grandes lignes ou de marchandises), Tchouprianovka est coupée en deux plus de sept heures par jour! Parfois, la barrière est abaissée pendant quatre-vingt-dix minutes. C'est particulièrement problématique en hiver, lorsque les écoliers sont bloqués par moins 20 degrés sans pouvoir rentrer chez eux.  

Au passage à niveau, les esprits s'échauffent souvent. "Mais quand est-ce que ça va finir, cette merde?" s'écrie furibard, un automobiliste bloqué pour la énième fois devant la barrière. "L'embouteillage s'étire parfois sur 3 kilomètres, jusqu'à la route nationale", raconte-t-il, exaspéré. En mai, l'arrêt de la circulation a pris un tour dramatique. Alors qu'un incendie ravageait la datcha de Vassili Adamiuk, les pompiers sont restés bloqués avec leur camion durant vingt minutes sans possibilité de traverser ni d'intervenir. "Alors ils sont restés là, les bras croisés, à regarder la fumée s'élever dans le ciel", raconte ce géologue de 61 ans, dans les décombres de sa villégiature. 

La solution, tout le monde la connaît : il faut construire un tunnel ou un pont. Mais ni la municipalité de Tchouprianovka ni la région de Tver n'en ont les moyens financiers. "En Russie, c'est comme ça: le fric passe avant les êtres humains", constate le géologue.  

Dans son bureau municipal, la maire, Loubov Arbousova, ne traite qu'un seul dossier depuis sept mois: la fronde anti-Sapsan. "Avant tout, la population est scandalisée parce qu'elle n'a été consultée sur rien, explique-t-elle. Les gens ont appris l'existence du Sapsan par la télévision, trois jours avant sa mise en service. Sur le coup, tout le monde était content. Mais personne n'imaginait la suite..."  

Afin de céder la place au TGV russe, qui circule sur le réseau préexistant (et non pas, comme en France, sur des voies spécialement aménagées), d'innombrables trains régionaux, non rentables, ont été supprimés. Alors qu'un train ou deux s'arrêtaient toutes les heures à Tchouprianovka et permettaient de se rendre à Tver (la capitale régionale, à 12 kilomètres de là), la gare n'est plus desservie que trois fois par jour, matin, midi et soir. Le résultat: une considérable galère pour les usagers.  

A l'hôpital de Tver, je termine mon service à 14 heures, se plaint, par exemple, Marina Constantinova, infirmière. Mais je suis obligée d'attendre jusqu'à 19 heures pour rentrer à Tchouprianovka. Et cela à bord d'un train plein à craquer." "Ils nous ont coupés du monde", renchérit Tatiana Alexieva, employée des chemins de fer dont le travail consiste à vérifier le serrage des boulons sur la voie. "Désormais, il est impossible de se rendre à la salle de concert de Tver pour écouter du Tchaïkovski. Quelle honte!" s'indigne, quant à elle, Evguenia, une retraitée.  

Certes, des autocars de remplacement ont été mis en place. Mais, à 30 roubles le ticket de bus (soit 0,75 euro), contre 12 roubles (0,30 euro) pour un billet de train, le calcul est vite fait. Les indemnités de retraite d'Evguenia comme les salaires mensuels de l'infirmière Marina et du cheminot Tatiana tournent en effet autour de la même somme: 8000 roubles (205 euros). Lorsqu'on leur demande si leur colère, perceptible, est dirigée contre le gouvernement, le patriotisme reprend le dessus: "Ne comptez pas sur nous pour dire du mal de la Russie devant un étranger!"  

Même Galina Kondakova, 53 ans, ne s'y aventure pas. Pourtant, en février, vers 10 heures du matin, le Sapsan a failli la tuer. "Le passage à niveau était fermé pour quarante minutes. Mais, comme il faisait froid, j'ai suivi un homme qui traversait devant moi. Arrivée au milieu des voies, j'ai vu le TGV foncer sur moi en silence. J'ai bondi et je me suis agrippée à une barrière pour ne pas être happée. A une seconde près, j'étais perdue", raconte cette assistante scolaire qui s'en est tirée avec une crise de nerfs et des nuits de cauchemars.  

Tout le monde n'a pas eu cette chance. Depuis sa mise en circulation, le Sapsan - dont l'accès aux voies n'est pas sécurisé! - a percuté (et pulvérisé) une dizaine d'imprudents. Une paille comparativement à l'ensemble des victimes (souvent des ivrognes) du réseau ferroviaire. L'année dernière, 2953 personnes sont mortes et 1494 autres ont été blessées sur toutes les voies ferrées russes.  

Gace à l'exaspération générale, la maire de Tchouprianovka, habile, a cependant multiplié les réunions publiques. Et mobilisé le gouverneur de la région de Tver, "un homme très bien, intelligent et intègre". Lequel a fait remonter le mécontentement jusqu'à Dmitri Medvedev, déjà sensiblilisé au problème par plusieurs reportages télévisés. "La réaction du président a été immédiate", se réjouit l'édile. Quelques jours plus tard, en effet, un comité d'inspection - incluant le vice-président de la RZD et le ministre des Transports - débarquait à Tchouprianovka. Mission: s'enquérir du climat vécu dans le "caniveau du Sapsan".  

"Je n'ai eu qu'une seule minute pour parler à cette délégation, essentiellement masculine. Mais, croyez-moi, j'ai clairement exposé la situation", se félicite la maire dont le courage est loué par la population. "Maintenant, les gens sont calmés car nous avons obtenu l'assurance qu'un pont serait construit d'ici à trois ans", conclut-elle, confiante. Non loin de là, arrêté au passage à niveau, un chauffeur routier dessine une moue sceptique: "Un pont à Tchouprianovka? Il en était déjà question sous Leonid Brejnev..." e Mo

Le Monde

Moscou continue de négliger une épidémie qui touche 160 personnes chaque jour

Cent soixante personnes sont contaminées par le sida chaque jour en Russie et le nombre de porteurs du virus atteint 550 000, selon les chiffres publiés officiellement par les autorités en juin.

L'épidémie est en nette progression au sein de la jeune population active : 82 % des cas ont été détectés en 2010 chez des personnes âgées de 20 à 40 ans. Selon un récent sondage, seul le tiers des jeunes de 15 à 24 ans connaissent correctement les moyens de transmission du sida.

La grande majorité des personnes contaminées le sont par injection au moyen de seringues souillées, responsables de plus de 60 % des nouveaux cas de contamination. Dans certaines régions, plus de 80 % des toxicomanes seraient déjà séropositifs.

L'approche particulièrement répressive des autorités à l'égard des toxicomanes nuit à la prévention et au dépistage des populations à risque. A titre d'exemple, un seul centre d'échange de seringues existe pour toute la région de la capitale moscovite. Et en deux ans, la proportion de toxicomanes suivis par des programmes de prévention du sida est passée de 24 à 14 %, selon l'association Stop SPID.

L'absence de programme de substitution de l'héroïne par la méthadone est également décriée par ceux qui oeuvrent à la prévention. Moscou refuse toujours de légaliser ce produit de substitution. Le directeur des services sanitaires, Guenadi Onichtchenko, confirmait encore récemment "l'opposition catégorique" des autorités à l'utilisation de la méthadone, qui n'aurait pas encore donné de "preuves convaincantes", en dépit du consensus existant dans la communauté internationale sur l'efficacité du produit.

Dans la Communauté des Etats indépendants (ex-URSS moins les pays Baltes), où vivent 1,5 million de séropositifs, selon l'Onusida, l'Ukraine est également confrontée à une aggravation de l'épidémie et pour la première fois, en 2009, les rapports hétérosexuels sont devenus la principale voie de transmission du virus, devant l'usage de drogues par intraveineuse.

Pourtant, au niveau politique, une certaine indifférence persiste : aucun dirigeant russe ou ukrainien n'a jugé utile de répondre à l'invitation de la Société internationale sur le sida, qui organisait la Conférence internationale de Vienne.

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