La Croix
Une banlieue de Moscou tente de sauver « sa » forêt
Des défenseurs de la forêt de Khimki érige une barricade pour empêcher l'abbatage des arbres, lundi 19 juillet près de Moscou (AP Photo/Misha Japaridze).
Hérissons antichars, barricades, campement quasi-militaire : les habitants de Khimki s’en vont en guerre. Pour eux, l’analogie est bonne. Durant la Deuxième Guerre mondiale, les Allemands s’étaient rendus jusque dans leur forêt, avant d’être mis en déroute par l’Armée rouge. Maintenant, c’est Vinci qu’ils veulent faire fuir.
La semaine dernière, sur le chemin du retour de son travail à l’aéroport Cheremetievo, Aleksander Mitinkov a remarqué une petite affiche « Attention, coupe forestière ». Militant du mouvement pour la défense de la forêt de Khimki, il a tout de suite averti ses comparses.
« Quand nous sommes arrivés sur les lieux, nous avons demandé aux travailleurs leurs papiers et ils se sont enfuis », raconte Aleksander, qui croit que ces migrants d’Asie centrale ex-soviétique n’étaient pas en règle, comme c’est souvent le cas sur les chantiers de construction en Russie.
Le site se trouvant loin du centre de Khimki, ville-dortoir de 180 000 habitants, les militants ont mis du temps à réagir. À leur arrivée, sept hectares avaient déjà été abattus. Depuis, une trentaine d’habitants de Khimki et d’autres militants écologistes se relayent jour et nuit dans un petit campement pour empêcher la reprise des travaux.
Étrangement, l’Agence fédérale des routes (Rosavtodor), responsable du chantier, s’est contentée d’affirmer que la coupe est légale, sans faire appel aux autorités pour déloger les militants. Vinci Concessions, qui a obtenu un contrat de 1,5 milliard d’euros pour la construction du premier tronçon de 43 kilomètres de l’autoroute à péage Moscou-Saint-Pétersbourg, rejette toute responsabilité. « Le tracé a été décidé et reste du ressort des autorités russes. À ce stade, Vinci n’intervient pas sur le chantier. Les travaux ne commenceront qu’après la mise à disposition des terrains », indique la compagnie française.
Dans un communiqué, Rosavtodor explique qu’elle n’a pas besoin de permis spécial pour la coupe, puisque, en novembre dernier, le gouvernement russe a transformé 144 hectares de forêt protégée de Khimki en terres exploitables.
C’est justement ce changement de zonage que les militants contestent. Appuyés par Transparency International Russie, ils affirment que ce processus a été conduit au moyen de pots-de-vin. Ils soupçonnent directement le ministre des transports, Igor Levitine, d’avoir fait pression pour le changement de zonage. Le ministre siège au conseil d’administration de l’aéroport de Cheremetievo, auquel le tronçon d’autoroute donnera un meilleur accès.
« Nous sommes pour l’autoroute. Mais nous avons besoin d’une route qui ne tuera pas nos poumons », lance Evguenia Tchirikova, leader du Mouvement pour la forêt de Khimki. « On ne se bat pas pour nous, mais pour tous les Moscovites. » Moscou est l’une des rares capitales au monde à disposer d’une luxuriante ceinture verte.
Les autorités ont rejeté le tracé proposé par les militants qui aurait évité de couper la forêt de Khimki en deux : « Trop cher ». Evguenia Tchirikova et ses partisans craignent que les travaux sonnent le glas de la zone de forêt protégée tout entière, qui fait plus de 1000 hectares. Ils soupçonnent politiciens et promoteurs de vouloir ensuite étendre le développement commercial sur le reste de ces terres valant une fortune.
« Lorsqu’on a construit le périphérique MKAD (qui délimite Moscou et sa banlieue), ils disaient aussi que ça allait désengorger la ville et que la forêt resterait intacte. Regardez ce que ça a donné », dit Aleksander Glibine, l’un des habitants de Khimki impliqués dans le mouvement. De nombreux commerces ont en effet pris racine autour du MKAD, augmentant encore le trafic.
Le combat du Mouvement pour la défense de la forêt de Khimki, l’un des rares mouvements en Russie issus d’une initiative populaire apolitique, ne date pas de la semaine dernière. Lors d’une promenade en forêt il y a plus de deux ans, Evguenia Tchirikova a découvert de petits fanions rouges sur des arbres. Après s’être informée du projet jusque-là discret, elle a mobilisé les habitants de sa ville.
Au départ, les citoyens ont dû se battre contre le maire de Khimki et le gouverneur de la région de Moscou, deux anciens militaires ayant participé à l’invasion soviétique en Afghanistan, et aux méthodes rudes. Le journaliste local Mikhaïl Beketov, qui appuyait Tchirikova et ses amis, en a d’ailleurs fait les frais. En novembre 2008, il a été retrouvé près de sa maison, baignant dans son sang, après avoir été frappé et laissé ainsi plusieurs heures au sol. Il a survécu, mais a dû être amputé d’une jambe et de plusieurs doigts gelés. Durant les mois précédents, sa voiture avait explosé devant sa maison et son chien avait été abattu.
Mikhaïl Beketov est récemment sorti de l’hôpital, mais conserve des séquelles importantes. Les responsables de son agression n’ont jamais été retrouvés. Le mouvement citoyen a tout de même réussi à gagner plusieurs batailles contre les autorités locales.
Evguenia Tchirikova compte désormais sur l’origine « européenne » de Vinci pour que l’entreprise fasse passer sa responsabilité sociale avant ses intérêts économiques. Pour l’instant, la compagnie française a refusé tout dialogue. « Ils nous ignorent », dit la militante.
Evguenia Tchirikova essaie donc de faire pression sur les banquiers internationaux pour qu’ils ne financent pas le reste du projet, déjà soutenu par des institutions financières russes. Elle se réjouit ainsi du retrait de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement. Lundi 19 juillet, réunissant ses militants près des tentes, Evguenia Tchirikova leur lançait d’un ton assuré : « Nous allons rester ici jusqu’à ce qu’ils modifient le tracé!»
Alexandre del Valle (Le blog)
La Russie tiraillée entre l’Orient et l’Occident
Le 17 juin dernier, les Etats-Unis et l’UE ont voté de nouvelles sanctions contre l’Iran plus sévères que celles de l’ONU du 9 juin. Une décision qui embarrasse Moscou, tiraillée entre alliance avec l’Iran et rapprochement avec l’Occident.
Ces nouvelles sanctions prévoient un gel d'investissements dans le secteur énergétique iranien, interdisent le transfert vers l'Iran de technologie et d'équipements utilisables à des fins militaires. Elles renforcent les sanctions votée par le Conseil de Conseil de sécurité de l'Onu le 9 juin contre l'Iran qui permettaient aux pays étrangers d'inspecter en haute mer les navires iraniens transportant du matériel utilisable pour le programme nucléaire iranien. En guise de réponse aux nouvelles sanctions occidentales, le parlement iranien a voté ce dimanche une loi appelant à « déjouer les complots des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne et à poursuivre en Iran l'enrichissement d'uranium à 20% permettant de fabriquer du combustible pour le réacteur de recherche de Téhéran. La loi invite à exercer des « représailles contre les pays inspectant les avions et navires iraniens ou refusant de livrer du kérosène aux iraniens". Côté russe, où le message a été bien reçu, l’ambiguïté règne. D’un côté, Moscou craint la dérive de son imprévisible voisin iranien, avec lequel elle partage des frontières et la zone pétrolière de la mer Caspienne. En outre, le président russe Dimitri Medvedev et son homologue américain Barack Obama tiennent au rapprochement russo-américain initié après la crise géorgienne et l’élection d’Obama en juin 2009. Un dégel officialisé en avril par un nouveau traité sur la réduction des armements stratégiques (Start II) et réitéré par la volonté de régler à l’amiable la récente affaire d'espionnage russo-américaine. Ainsi s’expliquerait le ton ferme du président russe adopté la semaine dernière en conférence des ambassadeurs (réunis à Moscou) sur l’Iran, « bientôt capable de créer une arme nucléaire» et sommée par Medvedev de « coopérer avec la communauté internationale ». Mais de l’autre côté, la Russie ne veut pas perdre son allié iranien. Moscou et Washington demeurent divisés par des intérêts divergents : pour la Russie, il est exclu de payer le prix du rapprochement avec l’Occident par la perte de l’allié iranien qui achète cash sa technologie et ses armements et demeure un contrepoids à la fois contre l'Amérique «hégémonique» que contre la Chine, alliée et ennemie historique… En Tantôt partenaires et adversaires de l’Occident, Moscou et Pékin n’ont voté les sanctions onusiennes du 9 juin qu’après en avoir exclu l’embargo sur l’essence et les livraisons de certains armements tels les S 300 russes vendus à Téhéran mais jamais livrés et gardés en monnaie d’échange… En votant d’autres sanctions contre Téhéran sans son avis et pénalisant les entreprises russes, le Kremlin estime que Washington et Bruxelles ont dépassé les bornes pour. Un mois après avoir célébré la nouvelle unité sino-russo-occidentale susceptible de freiner les ambitions nucléaires iraniennes, l’euphorie est retombée : la Russie et la Chine se réservent le loisir de livrer de l’essence raffinée à l’Iran, partenaire incontournable riche en hydrocarbures. Et le Kremlin a « rassuré» Téhéran en signant une "feuille de route" sur leur coopération énergétique permettant le co-développement par la société russe Gazprom des gisements d'Azar et de Pars et la livraison par Moscou des pièces de la centrale nucléaire civile de Boucher, sujet de tensions majeur russo-américaines. L’Iran n’est donc pas trop inquiet…
Le Monde
Moscou accuse Washington d'avoir "enlevé" un Russe au Liberia
La Russie accuse les services secrets américains d'avoir "enlevé" un de ses ressortissants, arrêté fin mai au Liberia dans le cadre d'un trafic de drogue et transféré ensuite aux Etats-Unis, indique un communiqué publié mercredi 21 juillet par le ministère des affaires étrangères russe. Le 28 mai, Konstantin Iarochenko, pilote d'un avion-cargo, a été arrêté à Monrovia et conduit aux Etats-Unis "en violation des normes du droit international", précise le communiqué.
Il s'agit de facto de l'enlèvement d'un citoyen russe sur le territoire d'un Etat tiers", ajoute le ministère. "Les autorités américaines n'ont pas informé la représentation diplomatique russe de l'arrestation de Konstantin Iarochenko. Le transfert secret et forcé par les services secrets américains de notre citoyen de Monrovia à New York peut être considéré comme un acte arbitraire délibéré."
Le premier juin, le ministre de la défense libérien, Brownie Samukai, avait annoncé l'arrestation à Monrovia de sept trafiquants de drogue étrangers avec quatre tonnes de cocaïne destinées au marché américain, et leur extradition aux Etats-Unis. "Sept étrangers, de Russie, de Sierra Leone, du Nigeria et du Ghana, ont été arrêtés à Monrovia pour avoir monté une opération qui aurait fait entrer au Liberia environ quatre tonnes de cocaïne provenant de Colombie, d'une valeur marchande de 100 millions de dollars (80 millions d'euros)", avait déclaré le ministre au cours d'un point de presse commun avec l'ambassade des Etats-Unis.
Brooks Robinson, le chargé d'affaires de l'ambassade des Etats-Unis à Monrovia, avait indiqué que les suspects tentaient de mettre en place des itinéraires pour le trafic de drogue entre l'Amérique du Sud, le Liberia et les Etats-Unis. Le 28 juin, soit un mois après les arrestations, l'ambassade de Russie à Washington a envoyé une note au département d'Etat américain en exigeant "une explication détaillée des autorités américaines" sur ce qui était arrivé à M. Iarochenko.
Au cours d'une rencontre début juillet dans la capitale américaine, l'ambassadeur de Russie aux Etats-Unis a fait savoir au secrétaire d'Etat adjoint américain qu'il était "indispensable de respecter sans condition les procédures juridiques" à l'égard du ressortissant russe. Et le 14 juillet à Moscou, l'ambassadeur des Etats-Unis en Russie a été convoqué au ministère des affaires étrangères russe, qui lui a fait part du caractère "inadmissible" des agissements des autorités américaine dans cette affaire.
Par ailleurs, l'arrestation en juin par les Etats-Unis de dix agents présentés comme travaillant pour Moscou a troublé les relations entre les deux pays, qui affichent par ailleurs un rapprochement politique.
Les dix agents ont été remis par les Etats-Unis à la Russie le 8 juillet en échange de quatre prisonniers russes, dont trois condamnés pour espionnage au profit des Occidentaux.