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Iran: La Russie brise l’embargo américain
Le ministre russe de l’Energie, Sergueï Shmatko et le ministre iranien du Pétrole Masud Mir-Kazemi se sont rencontrés mercredi à Moscou, et ont signé un certain nombre de contrats d’importance stratégique majeure, l’un d’eux portant sur la livraison à l’Iran de carburants et de produits dérivés du pétrole.
Les formules insérées dans les contrats signés ne laissent aucune place au doute: « la Russie et l’Iran ont l’intention d’intensifier leur coopération, tant dans le domaine de l’approvisionnement, les échanges et la commercialisation du gaz naturel, des carburants et des produits pétrochimiques ».
Plus que cela, Moscou a également aidé Téhéran à contourner l’embargo imposé par Washington sur les institutions bancaires et les compagnies d’assurances qui doivent accompagner les transactions commerciales. Les deux ministres ont notamment prévu la création d’une banque commune aux deux pays, et qui sera chargée de financer les transactions prévues par les contrats signés.
En cela, Moscou brise non seulement de manière ouverte et totale l’embargo décidé par les Etats-Unis sur le produits pétroliers à destination de l’Iran – et qui avaient déjà commencé à porter ses fruits sur l’économie iranienne – mais défie également Washington, pour voir si les Américains se risqueront à prendre des mesures contre les institutions bancaires ou les sociétés russes qui seront impliquées dans ces transactions commerciales.
En effet, dans le texte signé par Barack Obama le 2 juillet dernier, il est clairement stipulé « que les Etats-Unis ne coopéreraient plus avec des sociétés ou des banques étrangères qui effectueront des transactions commerciales avec l’Iran dans le domaine pétrolier ». A la suite de cela, la plupart des grandes compagnies d’assurances et pétrolières (BP) ainsi que les grandes banques européennes avaient annoncé « qu’elles se mettaient au diapason de la décision américaine ».
Selon des observateurs de la vie politique russe, c’est le Premier ministre Vladimir Poutine qui se trouve derrière ce virage stratégique russe et qui a téléguidé en coulisses toute l’action du ministre russe de l’Energie, car c’est Poutine qui a la haute main sur la politique énergétique russe.
Le Président Obama se trouve désormais face à un dilemme: s’il tient parole, il risque de provoquer une crise dans les relations avec la Russie, ce qu’il ne souhaite pas. Mais s’il cède, il diffusera au monde entier le message que « l’embargo peut être rompu par qui le souhaite », ce qui fera la joie des nombreuses compagnies pétrolières appartenant à des pays limitrophes de l’Iran, en Asie ou dans la Caucase, et qui se feront un plaisir de commercer avec Téhéran.
Mais le sauvetage de l’Iran ne vient pas que depuis Moscou. Dans les marchés pétroliers, des rumeurs de plus en plus précises indiquent que la Chine et la Turquie sont également sur les rangs pour venir au secours du régime des Mollahs. Selon des images satellites, de longs convois de camions-citernes se pressent aux frontières du Kurdistan avec l’Iran, au nord de l’Irak pour entrer en Iran et livrer du carburant, malgré la présence au Kurdistan de nombreuses troupes américano-irakiennes. Alors si les Etats-Unis n’arrivent pas à faire respecter l’embargo dans des zones où ils sont maîtres, que dire du reste du monde?!!
La diplomatie hypocrite russe se révèle ici sous toute sa splendeur, car de tels gestes politiques et économiques ne s’improvisent pas et semblent préparés de longue date, alors que de l’autre côté, le Président Dimitri Medvedev déclarait encore lundi « que l’Iran était très proche de la possession de l’arme atomique ».
Ces derniers développements de la politique russe, s’ils entrent dans les faits, montreraient aussi, hélas, l’échec du Premier ministre israélien Binyamin Netanyahou, qui depuis son entrée en fonction tente de convaincre la communauté internationale d’intensifier les sanctions contre l’Iran.
L’embargo américain semblait être la première mesure prise depuis des années, et qui semblait « faire mal » au régime iranien, et voilà que Moscou vient sauver Téhéran et tourner Obama en ridicule.
La Libre Belgique
Les milliardaires russes, entre inconfort et vulgarité
Selon le magazine américain Forbes, on dénombre cette année 62 milliardaires en Russie, dont 50 habitent Moscou, ce qui fait - sur ce plan - de la capitale russe la seconde ville du monde après New York, qui abrite 60 milliardaires. Quant aux millionaires russes, leur nombre a dépassé cent mille personnes. Dans les deux cas, cependant, les chiffres sont très approximatifs dans la mesure où n’est comptabilisée que la partie officiellement visible de l’iceberg.
Car on ne doit pas oublier que le pouvoir administratif, à tous les niveaux, reste toujours, en Russie, une source de richesse presque, sinon aussi importante, que l’activité économique légale. Le Russe moyen ne fait pas grande différence entre la richesse des millionnaires et l’aisance matérielle plus ou moins confortable des managers, avocats, notaires, agents de publicité ou petits commerçants. Cela pour la bonne raison que cette catégorie de la population n’en représente toujours qu’une infime partie.
On voit cette situation plus clairement quand on sait que 60 % des Russes passent leurs vacances sans bouger de chez eux faute de moyens financiers. Quelque 35 % des Russes peuvent se permettre de faire du tourisme en Russie et seulement 5 %, soit 6 ou 7 millions de personnes, peuvent se rendre une ou plusieurs fois par an à l’étranger pour y passer un congé.
Il serait imprudent de sous-estimer l’importance de ce phénomène, car il représente un des nombreux facteurs qui catalysent les rancunes sociales au sein de la société russe. Les émissions touristiques publicitaires qui passent à la station radio très libérale Echo de Moscou sont systématiquement accompagnées de répliques indignées de certains auditeurs : "Et vous n’avez pas honte de raconter les délices de la cuisine italienne ou du surf en Floride à ceux qui ont du mal à assurer leur pitance quotidienne !"
Dans tous les pays civilisés, la richesse d’abord stigmatisée par les masses populaires est devenue, à travers l’histoire, un des éléments respectables de la structure sociale. En Russie, ce processus avait été brutalement interrompu par les communistes qui, pendant près d’un siècle, imposèrent aux Russes leur théorie selon laquelle tout décalage dans la situation matérielle des citoyens est un crime sacrilège. C’est là que le bât blesse.
Cruel paradoxe, en effet: dans la majorité écrasante des cas, la richesse en Russie post-soviétique est le résultat de rapines et non celui d’assiduité, d’esprit d’initiative, de souci de perfection ou de concurrence loyale. D’où l’inconfort psychologique dans lequel vivent en permanence tous les riches en Russie, et à plus forte raison les millionaires et les milliardaires.
Ceux-ci sont conscients de la haine que la majorité de la société nourrit à leur égard et se sentent, dans le même temps, impuissants contre "la justice séléctive" qui peut, à tout moment, les mettre en prison et confisquer leurs biens mal acquis au bénéfice d’un favori du Kremlin. Psychologiquement, ils ont l’impression de vivre dans un donjon et ce n’est pas par hasard qu’ils s’isolent ensemble dans des cités luxeuses, entourés de remparts infranchissables et gardés par des armées de vigiles - manie adoptée même par ceux qui ne peuvent s’installer que dans des penthouses ou des lofts dans les limites des grandes agglomérations.
Leur comportement porte également ce caractère grégaire. Descendants des deux ou trois générations de roturiers qui, pendant l’époque soviétique, ont définitivement perdu les dernières notions de civilité et de bon goût, les riches russes sont hantés par un besoin quasi physiologique d’extérioriser leur réussite, ce qui est pour eux l’unique moyen de s’affirmer dans leur sentiment de supériorité. D’où cet épisode sordide très récent: lors d’une réception "mondaine", Sergueï Polonsky, jeune multimillionaire russe, accueillait les invités en répétant à la cantonade: "Ceux qui ont moins d’un milliard de dollars peuvent aller se faire f...".
Souvent dépourvus d’une véritable personnalité, ces malheureux ne dépensent leur argent que pour acquérir des accessoires de toutes sortes, censés fabriquer une image digne de leur statut. Tel le milliardaire Vladimir Voronine, qui s’exhibe partout avec la gloire pâlissante Naomi Campbell, ou Roman Abramovitch, qui collectionne les équipes de foot ou les yachts de luxe qu’il transforme en vrais bâtiments de guerre, ou encore ce riche anonyme qui, venu en Afrique du Sud lors de la Coupe du monde de football, a acheté pour vingt mille euros une vuvuzela incrustée de diamants.
Persuadés que le monde entier est aussi vénal que la Russie, ces milliardaires voient leur conviction de plus en plus souvent démentie à leur dépens.
Comme à Forte dei Marmi, station balnéaire de Toscane, dont le maire a interdit en juillet, pour les vingt ans à venir, la vente de maisons nouvellement construites aux Russes qui infestent ces lieux et n’hésitent pas à dépenser quinze mille euros dans les restaurants locaux et cent mille euros la location d’une villa. "A cause d’eux, les prix chez nous, y compris ceux des loyers, ont grimpé au point de forcer certains habitants de Forte dei Marmi à quitter la ville", a expliqué le maire. "Alors j’ai dû prendre cette mesure avant que ça tourne à l’exode".
Le Monde
L'assassinat de la journaliste et activiste russe Natalia Estemirova, en Tchétchénie : un an déjà !
l y a tout juste un an aujourd'hui, Natalia Estemirova, journaliste et activiste de l'organisation des droits de l'homme russe Memorial, a été enlevée et assassinée en Tchétchénie, son corps battu et criblé de balles jeté dans un bois d'Ingouchie comme à la décharge.
Dans les semaines qui ont précédé sa mort, elle menait des enquêtes sur plusieurs cas de torture et d'exécutions extrajudiciaires commis par des "Kadyrovtsy", les forces de Ramzan Kadyrov, "dictateur" de Tchétchénie personnellement nommé et aujourd'hui encore pleinement soutenu par Vladimir Poutine.
Elle avait été convoquée par Kadyrov et menacée ; elle avait aussi été menacée par des membres de son entourage. Elle avait refusé de cesser ses enquêtes, et on l'a tuée. " Niet tcheloveka, niet problemy", dit-on en russe (" pas d'homme, pas de problème ").
Dire qu'aujourd'hui l'enquête sur sa mort piétine serait un euphémisme. D'après un communiqué de Memorial, les investigateurs russes auraient identifié un "suspect" : un certain Alkhazour Bachaev, un combattant islamiste qui aurait assassiné Natalia pour se venger d'un article qu'elle n'a pas écrit et pour "mouiller" Kadyrov et les autorités tchétchènes prorusses.
Les preuves ? Le pistolet ayant servi à tuer Natalia aurait été trouvé dans une cache, avec une fausse carte de police portant la photo de Bachaev. Celui-ci est mort, tué lors d'une opération spéciale, en novembre 2009 ; c'est dommage, il ne pourra donc pas commenter les accusations des investiga-teurs... Ceux-ci, pendant ce temps, refusent obstinément d'enquêter sur les cas sur lesquels travaillait Natalia juste avant sa mort : une piste qui pourrait remonter à Kadyrov n'en est pas une.
Un an donc après la mort de Natalia, le pouvoir de Ramzan Kadyrov semble plus solide, plus conforté que jamais. Les dérives islamistes, la corruption et la répression que j'ai pu décrire dans un reportage, publié en novembre 2009, n'ont fait que s'intensifier ou s'aggraver. La loi fédérale russe empêche Kadyrov d'obliger les femmes tchétchènes à porter le voile dans la rue ? Peu importe : des escouades de jeunes gens masqués, qui tirent au paintball (projectiles à encre ou à peinture) sur les vêtements des femmes impudiques, suffiront à les rappeler à l'ordre, avec le plein soutien public de Kadyrov.
Quant aux combattants islamistes, si on ne peut pas les attraper ou les éliminer, on s'en prend à leurs familles, sans s'en cacher ; comme l'a récemment déclaré à des parents de combattants, à la télévision, un officiel tchétchène flanqué du maire de Grozny, Mouslim Khoutchiev, et de l' ombudsman tchétchène pour les droits de l'homme, Nourdi Noukhadzhiev : "Si vous pensez qu'après notre discussion vous allez partir et tranquillement rester assis à la maison, vous vous trompez gravement."
Et pour ce qui est des activistes de Memorial, si malgré les procès et les menaces, ils continuent d'enquêter sur les crimes commis par les "Kadyrovtsy" et de publier leurs conclusions, Kadyrov ne se gêne pas pour les menacer directement, les traitant, début juin, dans un entretien télévisé "d'ennemis du peuple, d'ennemis de la loi, et d'ennemis du gouvernement". On sait ce qui arrive en Tchétchénie aux ennemis du gouvernement actuel.
Kadyrov n'a pas que des amis en Russie. Ses relations avec le président russe, Dmitri Medvedev, seraient, dit-on, au plus bas. Aux Etats-Unis, en Europe, en France notamment, on semble compter beaucoup ces derniers temps sur Dmitri Medvedev pour "civiliser" la Russie et lui apporter un semblant de "normalisation", assez en tout cas pour qu'on puisse faire des affaires avec elle sans trop en avoir honte (et sans y laisser toutes ses plumes).
Medvedev, semblerait-il, fait en effet des efforts, dans les rares domaines auxquels on le laisse toucher. La Tchétchénie n'est pas un de ces domaines ; il appartient pleinement à Vladimir Poutine. Officiellement premier ministre, celui-ci devrait en principe prendre ses ordres de Dmitri Medvedev. Tout le monde sait qu'il n'en est rien, et que, dans tous les domaines sensibles, c'est la parole de Poutine qui fait force de loi.
L'immunité régalienne dont bénéficie Kadyrov, qui en profite pour entasser abus sur abus, crime sur crime, en est bien la preuve. Prétendre dialoguer avec celui que les Russes eux-mêmes surnomment avec dérision "le premier blogueur de Russie", Dmitri Medvedev n'y changera rien.
L'Occident semble parier sur une réélection de Medvedev en 2012, sur une lente - bien trop lente - sortie du poutinisme. Ce n'est peut-être pas un mauvais calcul, car oui, à terme, il y aura une relève de génération au pouvoir, et peut-être la nouvelle verra-t-elle moins d'intérêt à détourner la richesse de son pays à son propre compte, et à terroriser, emprisonner ou assassiner ceux qui oseraient s'y opposer. On peut l'espérer.
Mais plus que de l'espoir, il faudrait de la lucidité. Si Medvedev est réélu en 2012, ce sera bien parce que Vladimir Poutine y trouvera son compte, et donnera sa bénédiction à ce qui ne sera qu'une élection en son nom. Et avant que Poutine ne lâche son satrape Ramzan Kadyrov, le prix politique que l'Occident lui fait payer devra être bien plus élevé qu'il ne l'est actuellement.
Ce ne sont pas les grands sourires et les accolades de l'année France-Russie, les expositions au Louvre, les dîners d'Etat à l'Elysée, ni la vente de navires de guerre français à la Russie qui aideront les habitants de la Tchétchénie à retrouver un semblant de vie "normale".