Vostok-2010 (Orient-2010) a constitué les manœuvres les plus importantes de l’histoire russe depuis la fin de l’Union Soviétique en se déroulant sur un territoire s’étendant de la Région d’Altaï à Vladivostok sur terre, dans l’air et sur mer avec la participation de plus de 20 000 hommes, 75 appareils volants, 40 navires de combat et bâtiments auxiliaires. Les manœuvres avaient pour but de tester la structure de direction de troupes sur les trois niveaux suivants : commandement opérationnel et stratégique, commandement opérationnel, brigade. D’autres éléments nouveaux du système de commandement et d’approvisionnement des forces armées ont également été testés afin de relever les défauts à corriger. Konstantin Makienko, expert du Centre russe d’analyse des stratégies et des technologies, a commenté les manœuvres en ces termes :
- Les dernières manœuvres ont entièrement démenti le mythe très répandu selon lequel les dirigeants du ministère de la Défense russe seraient en train de détruire l’armée. De toute évidence, l’armée vit et se développe. Les unités ayant participé aux manœuvres ont démontré leur combativité en dépit du fait qu’elles ne faisaient pas partie des meilleurs districts militaires et que leurs armements étaient loin d’être ultramodernes.
C’est le bon état du moral du corps des officiers qui mérite une mention spéciale. Ceux-ci se montrent intéressés par le succès de la réforme actuelle de l’armée et ils comptent sur ce succès, a précisé Konstantin Makienko.
Cela étant la situation est différente pour ce qui est des hommes de troupe. Ce fait a été constaté par l’observateur de RIA Novosti et par Konstantin Makienko. La situation varie selon les armées et dépend largement de la formation de base des soldats. Les officiers de l’infanterie motorisée, jusqu’aux commandants de bataillon, estiment que la réduction du nombre de soldats et sous-officiers servant sous contrat a eu des répercussions négatives sur le niveau de préparation des pelotons et des compagnies.
En évaluant l’aptitude des dirigeants du ministère de la Défense à remplir leur mission, on peut dire que la Russie dispose à l’heure actuelle de l’administration militaire la plus adéquate depuis la chute de l’URSS. Il est évident toutefois que le radicalisme de la réforme militaire, sa rapidité, la résistance inévitable du milieu militaire et les conditions économiques difficiles entraîneront inéluctablement des erreurs et des abus. Parmi les échecs les plus significatifs, on peut déjà citer l’insuccès du passage au principe de l’armée de métier, une grande tension sociale due à une réduction accélérée du corps des officiers, la réforme du système d’enseignement militaire trop hâtive et mal conçue, ainsi que de nombreux autres déconvenues dont le retard technique de l’armée russe par rapport aux armées des pays les plus développés. Toutes ces erreurs doivent être corrigées car la combativité des forces armées en dépend.
A quelles guerres la nouvelle armée russe doit-elle se préparer ? Il est évident que l’époque des guerres qui duraient pendant de longues années entre les grandes puissances est révolue : l’armement nucléaire exclut un tel scénario. Les conflits les plus probables, dans lesquels l’armée russe pourrait être impliquée, sont les conflits locaux aux frontières de la Russie et de l’ancienne Union Soviétique au cours desquels l’armée russe pourrait se voir confrontée aux adversaires les plus divers, à partir des armées régulières jusqu’aux innombrables bandes en passant par des groupements terroristes.
Konstantin Makienko estime que c’est l’Asie Centrale qui représente le plus grand danger d’un éventuel conflit armé avec la participation directe de la Russie :
- De toute évidence, les Etats-Unis et l’OTAN contrôlent de plus en plus mal la situation en Afghanistan et il n’est pas exclu qu’ils soient obligés de se retirer de ce pays dans un avenir proche. C’est le retour au pouvoir des Talibans qui paraît le plus probable dans ce scénario. Or, l’avènement au pouvoir des radicaux islamistes deviendra un catalyseur inévitable des conflits sur le territoire des anciennes républiques soviétiques de l’Asie Centrale déjà en proie aux contradictions. Les régimes autoritaires faibles du Tadjikistan, du Turkménistan et de l’Ouzbékistan, sans parler du Kirghizstan, qui est presque un Etat failli, risqueraient de devenir une proie facile des Talibans. De ce fait, la Russie doit tenir compte d’un éventuel brasier gigantesque en Asie Centrale qu’elle devra prévenir ou, en cas d’échec, éteindre ne serait-ce que pour préserver sa propre stabilité intérieure. On aimerait vraiment croire que la réforme de l’armée aura porté ses fruits avant que la situation décrite ci-dessus ne devienne réalité, a conclut Konstantin Makienko.
La décennie à venir ne promet pas une vie facile à la Russie. Le succès de la réforme actuelle de l’armée russe est donc d’autant plus crucial.
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