Le Monde
Hier infréquentable, le riche Kazakhstan est courtisé par les investisseurs
La ville est en fête. On célèbre, mardi 6 juillet, les 70 ans du chef de l'Etat, Noursoultan Nazarbaev, au pouvoir depuis vingt ans, et le douzième anniversaire d'Astana, la capitale du Kazakhstan. Au sommet de la tour Baïterek, le symbole de cette cité de 700 000 habitants, les gens font la queue, en famille, pour poser leur main sur l'empreinte de celle du président, coulée dans une plaque de bronze...
Signe, sans doute, de la respectabilité récemment acquise par le Kazakhstan, les visiteurs étrangers se gardent désormais d'ironiser sur Astana, la capitale surgie des steppes après que le chef de l'Etat eut déclaré que la tenante du titre, Almaty, à 1 200 kilomètres au sud, était trop excentrée. Avec ses gratte-ciel futuristes, sa pyramide du Louvre, son palais présidentiel calqué sur la Maison Blanche et ses parcs de loisir, Astana est un curieux mélange de Dubaï et de Disneyland auquel on aurait oublié d'insuffler une âme. Ses 40 degrés l'hiver rappellent, eux, que ce lieu inhospitalier a servi de goulag à l'époque de Staline.
Peu de pays sont aujourd'hui autant courtisés que le Kazakhstan. Née en 1991 de l'éclatement de l'Union soviétique, cette république pétrolière est grande comme cinq fois la France, mais peuplée d'à peine 16 millions d'habitants. Les grands de la planète - Nicolas Sarkozy autant que Barack Obama - traitent le président Nazarbaev avec des égards remarqués.
Non seulement cet ex-ouvrier métallo est à la tête du plus important pays, économiquement, d'Asie centrale - avec un produit intérieur brut qui totalise les deux tiers de celui de la région, soit 107 milliards de dollars - mais il a volontairement renoncé à tout programme nucléaire au début des années 1990. Un geste rare, qui explique la mansuétude de la communauté internationale à son égard, au point que ce régime peu démocratique s'est vu accorder la présidence de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) pour l'année 2010.
Charbon, or, platine, silicium, zinc et surtout uranium... Il n'est pas un métal rare dont ne dispose le sous-sol du Kazakhstan, qui regorge aussi de pétrole et de gaz. Quand le gisement géant de Kashagan, en mer Caspienne, entrera en fonction en 2013, le pays deviendra le sixième producteur mondial d'or noir. "C'est la plus grosse découverte faite depuis Prudhoe Bay, en Alaska, il y a trente ans. Quelque 40 000 personnes travaillent sur ce projet. Il produira d'abord 400 000 barils par jour, puis 1,5 million de barils à plein rendement", souligne Pierre Delpont, directeur des relations extérieures du North Caspian Operation Company (NCOC), le consortium international qui exploite Kashagan, dont fait partie Total. Pour lui, le Kazakhstan "peut tout se permettre" avec de telles richesses.
Diversification est aujourd'hui le leitmotiv à Astana. Après des années de croissance de l'ordre de 10 %, l'économie a pâti, en 2007-2008, de la crise financière internationale, les banques du pays étant dépendantes des marchés extérieurs. Au même moment, le cours des hydrocarbures dégringolait. Si le Kazakhstan s'en est sorti avec un taux de croissance de 1,2 % en 2009 - quand la Russie, son premier partenaire économique, entrait en récession (- 7,9 %) -, il le doit à un efficace plan de relance de 10 milliards de dollars (8 milliards d'euros). "Nous voulons tirer les leçons du passé et sortir de notre dépendance aux hydrocarbures. C'est pourquoi nous avons lancé un programme industriel accéléré pour 2010-2014", déclare Aigul Toxanova, directrice adjointe de l'Institut de recherche économique d'Astana, pour qui le pays réussira son pari d'intégrer, d'ici dix ans, les 40 premières puissances mondiales.
Pas question en tout cas d'exploiter les richesses du Kazakhstan sans accompagner le pays dans sa stratégie de diversification. "Les dirigeants ont de plus en plus conscience du trésor sur lequel ils sont assis. Ils redoutent de leurs partenaires étrangers un comportement prédateur et exigent d'eux une démarche citoyenne", explique Jean-Jacques Guillaudeau, chef du service économique pour l'Asie centrale à l'ambassade de France.
Formation, assistance et transfert de technologie font désormais partie intégrante des contrats. Les principaux groupes français l'ont compris et jouent le jeu. Ainsi, Total monte à Astaa un institut de la soudure. Alstom, qui vient de décrocher un marché de 1 milliard d'euros, s'est engagé à fabriquer sur place 150 locomotives.
Mais le projet qui illustre peut-être le mieux l'ambition du Kazakhstan de diversifier son économie et de se hisser parmi les "grands" concerne l'industrie spatiale. EADS Astrium s'apprête à signer avec KasComos un contrat d'un montant de 260 millions d'euros. EADS assemblera ses satellites à Astana dans un centre dont Anne-Marie Idrac a posé la première pierre, le 3 juillet. Il s'agissait de la troisième visite en deux ans de la secrétaire d'Etat chargée du commerce extérieur.
C'est dans ce contexte qu'on annonce une visite officielle en France du président Nazarbaev, à l'automne. L'Union européenne est pour le Kazakhstan un partenaire essentiel face aux deux géants russe et chinois. "Désormais, c'est notre intérêt qui prime, nous le faisons valoir à chaque occasion et sans complexe, lâche fermement Roman Vassilenko, proche collaborateur du ministre des affaires étrangères. Le Kazakhstan n'est plus un pion, mais un acteur de la scène internationale.
APA (Agence de presse africaine)
La Russie déterminée à poursuivre la lutte contre la piraterie en mer
Le président russe, Dmitry Medvedev, a réaffirmé la volonté de son pays de continuer la lutte contre la piraterie au large des côtes somaliennes, estimant que "la Russie a été et doit rester une grande puissance maritime".
"Ce serait inconvenant de notre part de nous débiner, alors que des missions difficiles sont en train d’être effectuées, ou de penser que d’autres pays devraient s’en occuper, pendant que nous nous contentions de garder un profil bas et d’économiser de l’argent", a déclaré dimanche M. Medvedev lors d’une cérémonie au cours de laquelle il a remis les honneurs de l’Etat aux membres de la Flotte du Pacifique.
Cette flotte avait pris part à l’opération de sauvetage du pétrolier ‘Moscow University’, qui avait été détourné en mai dernier dans le Golfe d’Aden.
"Ce n’est pas comme cela que nous voyons les choses. Nous allons effectivement nous atteler à ces tâches. Nous allons porter secours à la fois à nos navires marchands et aux navires étrangers, pour leur permettre de voguer en paix", a-t-il indiqué.
“L’opération de sauvetage du ‘Moscow University’ a été rondement menée avec efficacité, dextérité et intelligence, sans grandes difficultés", a-t-il dit.
“Ainsi vous avez montré que notre marine était capable non seulement de mener des opérations de routine de maintien de la paix, mais également des actions spécifiques telle que la lutte contre la piraterie”, a expliqué M. Medvedev, ajoutant que la piraterie a constitué au cours des dernières années une menace très sérieuse.
"Ce travail va se poursuivre malgré le fait qu’il exige des efforts soutenus, et admettons-le, de grands sacrifices financiers. Néanmoins, je pense qu’au but du compte, cela ne peut qu’être bénéfique, aussi bien pour notre pays que pour les navires étrangers", a-t-il poursuivi.
Les pirates qui avaient attaqué le ‘Moscow University’ le 5 mai avaient pris en otage 23 marins russes.
L’équipage avait réussi à envoyer un signal de détresse, couper les moteurs et se barricader dans un des compartiments du navire. Ils ont été libérés par des marins qui étaient arrivés à bord du destroyer sous-marin, Marshal Shaposhnikov.
Le Figaro
Tous les ingrédients d’un nouvel Afghanistan
Les violences entre Kirghizes et Ouzbeks qui ont ensanglanté le sud du Kirghizstan en juin dernier (plus de deux mille morts) ont plongé dans l'étonnement une opinion mondiale ignorant souvent l'existence même de cette région. Moscou a choisi de ne pas intervenir, tirant les leçons de l’Afghanistan.
(…) monde, même si nos manuels scolaires ont quelque peu oublié de nous en parler ! On peut d’autant moins l’ignorer que l’Occident y est déjà engagé (on pourrait dire embourbé), la France ayant pour sa part un contingent en Afghanistan dont une des bases arrières est précisément au Kirghizstan.
Parmi les raisons sous-jacentes du carnage interethnique s’entrecroisent, comme en Afghanistan, la drogue, les trafics et mafias, la situation de la femme et des enfants, l’islamisme et surtout la pauvreté qui, comme toujours, fait le lien de tout ça…
Le président russe Dmitri Medvedev ne s’y est pas trompé qui, au cours de son voyage aux États-Unis en juin, a mis en garde l’opinion mondiale contre une division possible du Kirghizstan, avertissant que cette ex-république soviétique pourrait se transformer en un Afghanistan bis.
La région où se sont passés les massacres porte le nom exotique de vallée de la Ferghana. Ça sonne comme un titre de film ou de roman d’aventures.
Et bien sûr, la réalité dépasse la fiction. La vallée de la Ferghana est séparée du nord du Kirghizstan, où se trouve la capitale Bichkek, par de hautes montagnes. Elle est souvent isolée car les quelques routes de cols se retrouvent coupées en hiver et au printemps par les avalanches de neige, de rochers et des coulées de boue. Toute la région est répartie sur trois pays aux frontières biscornues et aux nationalités entremêlées : l’Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Kirghizstan. Elles sont toutes musulmanes et à part les Tadjiks persanophones, parlent des langues turques.
Des traditions nomades et sédentaires se mêlent avec les antagonismes séculaires pour la terre, les pâturages, les cultures et l’eau. C’est une des raisons des frictions interethniques héritées de l’Histoire. Staline a évidemment jeté de l’huile sur le feu, en dessinant des frontières artificielles créant des minorités et un potentiel de tensions chez les uns et les autres. Tant qu’il y avait l’URSS, les antagonismes s’amortissaient dans la masse d’un empire et le régime totalitaire. Mais dès les débuts de la Perestroïka, c’est dans la vallée de la Ferghana que se sont produits les premiers affrontements entre nationalités qui ont marqué l’implosion de l’Union soviétique. Comme aujourd’hui, ils ont mis aux prises Kirghizes et Ouzbeks.
Dans la vallée de la Ferghana, la guerre civile, qui a saigné l’empire russe au lendemain de la révolution de 1917, a duré jusque dans les années 35-36. Les détachements de l’Armée rouge se sont heurtés à une résistance farouche des Basmatchis, groupés sous le drapeau de l’islam et de l’organisation sociale, largement féodale, qui prévalait dans la région contre la « soviétisation » de l’Asie centrale. Cette dernière visait notamment à casser le système féodal en instituant une école non confessionnelle pour tous, filles et garçons, à lutter contre le voile et l’endettement menant à l’esclavage (en raison de la pratique de la dot), contre les mariages forcés, la religion mais aussi contre les Beys (seigneurs féodaux) et les émirs. La politique de collectivisation des terres et de la production et l’institution du régime totalitaire de parti unique ont suivi.
Des survivants des Basmatchis et des émirats de Boukhara ou Khiva (aujourd’hui en Ouzbékistan) ont trouvé refuge à l’époque en Afghanistan, où vivent aussi des Ouzbeks, des Tadjiks et des Kirghizes… et dans les zones tribales du Pakistan (à l’époque, l’Inde sous domination britannique), où aujourd’hui les troupes de l’OTAN et l’armée pakistanaise combattent quotidiennement les talibans afghans, en majorité d’ethnie pachtoune…
Cet héritage historique et la situation géographique, économique et politique actuelle se prêtent à une éventuelle sanctuarisation pour des groupes islamistes, en appui ou en relais des zones tribales pakistanaises et afghanes.
Les barons de la drogue de tous calibres, parfois mêlés aux commandants islamistes-talibans et parfois en conflit avec eux, ont aussi une influence dans la région. L’Afghanistan est le premier producteur d’opium du monde. L’une des principales routes de l’exportation de drogue passe par Osh et Djalal-Abad, au sud du Kirghizstan, où ont eu lieu les affrontements. L’Ouzbékistan et le Kirghizstan sont aussi des pays producteurs de marijuana-haschisch et d’opium-héroïne. Entre le transit, la production et une consommation locale non négligeable, les clans concernés par des contrôles de territoires ou de marchés ne manquent pas.
S’y ajoutent les combats politiques du moment, qui ont cette fois servi d’étincelle. L’ex- président Kourmanbek Bakiev, chassé du pouvoir début avril à la suite d'un soulèvement populaire sanglant (notre encadré) est originaire de Djalal-Abad. Il représentait les « clans du sud », lors de son arrivée au pouvoir, cinq ans plus tôt à la faveur d’une « révolution » de couleur, moins médiatisée que ses clones ukrainien, géorgien ou libanais…
Le gouvernement provisoire, qui lui a succédé à Bichkek, était incapable de contrôler le pays et particulièrement au sud, favorable à « l’enfant du pays ». A Djalal-Abad, des partisans de Bakiev se sont emparés de bâtiments administratifs du pouvoir à la mi-mai. Le gouvernement provisoire semble avoir fait appel à une milice ouzbèque locale pour les chasser. Compte tenu des antagonismes locaux entre les deux ethnies, c’était une erreur et les Kirghizes ont protesté. Le gouvernement provisoire a aggravé son cas, en autorisant des poursuites judiciaires contre le chef ouzbek des milices qu’il avait lui-même sollicité, un homme d’affaires et universitaire. Le cycle des vengeances et des règlements de comptes était ouvert…
L’ex-président Bakiev a obtenu un refuge politique en Biélorussie. Le récent conflit gazier en juin entre la Russie et la Biélorussie n’est pas sans rapport avec les tensions dans cette région trop fragile pour être négligée par les Russes.
Pour que mettre le feu aux poudres, il suffisait d’une autre étincelle : la misère, le désarroi idéologique postsoviétique, la désagrégation des familles, du système éducatif et des références morales et sociales y ont pourvu.
L’éclatement de l’URSS a pris ces pays par surprise et a totalement déstructuré l’économie, provoquant un chômage massif, des industries à l’abandon, une agriculture en quenouille, des crises d’identité, aggravées par un recul de la scolarisation et de la russophonie. Le tout accompagné par la drogue, le retour à grande échelle de coutumes anciennes caricaturales, comme l’enlèvement violent des fiancées, les mariages de gamines de 13 ans avec une prière comme seul état civil, la polygamie et la prostitution, un islamisme assis sur l’ignorance et entretenu par la destruction des jardins d’enfants et des écoles, au profit de mosquées financées généreusement par des États du Golfe. Les familles sont détruites par l’émigration économique massive des parents au Kazakhstan ou en Russie et des gosses confiés à des grands-parents souvent totalement dépassés… L’émigration économique est d’ailleurs en cascade car des Ouzbeks et des Tadjiks encore plus pauvres viennent chercher des revenus au Kirghizstan ! Le tout encore accentué par la crise économique mondiale qui a frappé la Russie, réduisant les sommes d’argent que de nombreux émigrés envoyaient au pays.
Ce maillon faible de l’Asie centrale aurait pu céder si les autorités ouzbèques avaient répondu aux appels à l’intervention armée. Sans doute aussi, si les Russes avaient envoyé des gendarmes comme le leur demandaient les autorités kirghizes, encore bien mal installées. « La Russie n'a pas prévu et ne prévoit pas d'y envoyer son contingent de paix, bien que les consultations sur ce sujet aient été menées », avait déclaré Dmitri Medvedev aux États-Unis, devant le président Barack Obama.
Ce dernier est décidément différent de son prédécesseur et la retenue des voisins et des grandes puissances au cours de cette crise a sans doute évité le dérapage vers un second Afghanistan, comme le craignait Medvedev, en pensant sans doute à ce qui se serait passé sous George Bush.
Des violences interethniques ont fait plus de 2 000 morts au mois de juin dans le sud du Kirghizstan, selon la présidente kirghize par intérim Rosa Otounbaïeva. Elle assumait depuis la mi-avril la présidence d’un gouvernement provisoire, à la suite d'un soulèvement populaire sanglant qui a chassé le président Kourmanbek Bakiev. Ce dernier était lui-même arrivé au pouvoir à la faveur des violences d’une « révolution de couleur », dite des tulipes en 2005, chassant le président Askar Akaev qui était aux manettes depuis l’époque soviétique. Les massacres interethniques ont aussi provoqué le déplacement de près de 400 000 personnes et poussé près de 75 000 réfugiés (83 000 selon certaines estimations) à traverser provisoirement la frontière de l’Ouzbékistan voisin. La plupart sont revenues. Le référendum voulu par le gouvernement provisoire pour légitimer son pouvoir a pu se dérouler malgré tout dans l’ensemble du pays le 27 juin, mais la situation reste précaire et malheureusement tout est possible, tant le contexte local est volatil et à la merci de n’importe quelle provocation.