Élections en Pologne : les libéraux au pouvoir?

© RIA Novosti . Igor Zarembo / Accéder à la base multimédiaLa victoire de Bronisław Komorowski aux élections présidentielles en Pologne
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La victoire de Bronisław Komorowski aux élections présidentielles en Pologne a été obtenue avec un minuscule écart.

La victoire de Bronisław Komorowski aux élections présidentielles en Pologne a été obtenue avec un minuscule écart. La différence entre les candidats ne serait que de 1-3% des voix. Cela révèle une large division au sein de la société : une division économique, sociale et idéologique. La Russie joue le rôle crucial dans cette division en raison des mythes, des traumatismes, des craintes innombrables et... des sentiments affectueux liant les Polonais à notre pays.

Depuis l'effondrement du « socialisme réel » en 1989, aucune élection en Pologne n'avait été aussi dramatique. Après minuit Bronisław Komorowski n’a accepté de déboucher qu’une petite bouteille de champagne, préférant garder la grande pour le matin. À un moment donné, en pleine nuit, Jarosław Kaczyński a dépassé son rival de quelques dixièmes de pour cent. Pourquoi la victoire de Bronisław Komorowski a-t-elle donc été aussi difficile malgré tous les avantages qu’on lui donnait?

En se référant à la répartition géographique des votes, on peut noter que ce sont les régions orientales et centrales du pays, ayant auparavant appartenu à l'Empire russe, qui ont principalement voté pour Jarosław Kaczyński. « L’apanage » de Bronislaw Komorowski est constitué de riches provinces d'Ouest et de Nord-Ouest. À première vue, le choix du candidat a peu d'importance pour les électeurs : les deux candidats représentent la droite. La seule différence est que Bronisław Komorowski est un libéral et Jarosław Kaczyński est un nationaliste conservateur. Cette nuance ne pourrait être comprise que par un électeur russe. En effet, nous avons en Russie l'Union des forces de droite et la Russie unie, se positionnant toutes les deux en tant que partis du centre-droit mais personne ne saurait les confondre.

Bronisław Komorowski a été largement supporté par les médias, par le milieu des affaires et par les partenaires de l'UE et de l'OTAN, dont la préférence avait été mal cachée. Les médias libéraux qui dominent dans l'espace polonais d'information effrayaient les électeurs par Jarosław Kaczyński de la même manière que la télévision de Boris Eltsine effrayait la Russie par Guennadi Ziouganov en 1996. Le départ retardé pour la course présidentielle et les sondages défavorables au cours de 2009 concernant le parti Droit et Justice n'ont pas joué non plus en faveur de Jarosław Kaczyński. Au final, la victoire de Bronisław Komorowski a été littéralement arrachée au dernier moment, bien que la réputation odieuse de Jarosław Kaczyński en Russie et dans les pays de l'UE, ses anciennes déclarations russophobes et « anti-UE » aient également joué en faveur du candidat élu. La seule compassion des électeurs concernant le décès du frère de Jarosław Kaczyński dans la catastrophe aérienne de Smolensk ne suffit pourtant pas à expliquer l’importance de son résultat. Depuis le premier impact de Smolensk, dans une politique polonaise subissant des changements rapides, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts.

À l'instar de la plupart des pays slaves, c’est dans les sentiments intérieurs des gens, dans leurs craintes et dans leurs rêves qu’il faut chercher l’explication. Michał Karnowski, journaliste au journal Polska Times, a fait remarquer que la victoire de Bronisław Komorowski assurait à son parti libéral Plate-forme civique (PO) les pleins pouvoirs dans le pays. Un tel pouvoir n'a jamais été détenu ni par les socio-démocrates qui avaient dirigé la Pologne la majeure partie des années 90 et au début des années 2000, ni par les frères Kaczyński qui avaient constamment dû faire face à une forte opposition du côté de la presse libérale et des fractions puissantes d'opposition au parlement. Et le pouvoir absolu sous-entend également la responsabilité absolue, un grand nombre de mécontents et toutes les autres difficultés du « parti au pouvoir ».

Le pouvoir absolu des libéraux déplaît vaguement à la population, bien qu'elle n'arrive pas à exprimer ses revendications avec cohérence, comme c'est aussi souvent le cas en Russie. La population les exprime en tête-à-tête avec le bulletin de vote et c’est cela qui a conduit aux résultats importants de Jarosław Kaczyński. Malgré ses convictions de droite, il a à plusieurs reprises promis de rompre les liens entre le milieu des affaires et le gouvernement, de rétablir la tutelle de l'État sur la santé et l'éducation. Les mots élogieux de Jarosław Kaczyński à l'égard d'Edward Gierek, le chouchou de Brejnev et le secrétaire général des communistes polonais dans les années 70, ont fait sensation. Jarosław Kaczyński est expérimenté et n'a pas prononcé ces mots au hasard : les sondages montrent que le socialisme de Gierek recueillent plus de sympathie que les autres époques de l'histoire de la Pologne contemporaine.

Malgré les nombreuses malédictions proférées par la majorité de la presse polonaise à l'égard du passé « socialiste » commun avec la Russie, les Polonais n'ont toujours pas appris à apprécier le capitalisme sans réserve. Ce dernier est surtout mal aimé dans les régions orientales, où depuis l'époque de l'Empire russe les centres industriels importants et réussis n'ont jamais pu se constituer. Un Polonais sur quatre est contraint d'aller travailler très loin de son domicile, souvent dans une autre ville. Selon les informations de Wiesław Łagodziński, le porte-parole de l’institut national des Statistiques, à Varsovie pour 1,7 millions d'habitants il y a près de 500 000 « travailleurs immigrés » d'autres villes qui ne prennent pas la peine de s'enregistrer officiellement. Admettez que la situation est familière, du point de vue d’un Russe. Le capitalisme libéral bâti en Pologne par les socio-démocrates et leurs partenaires n'améliore en rien cette état des choses. L'argent va vers l'argent et les investissements vers les infrastructures déjà existantes. Par conséquent, les grandes villes telles que Wroclaw, Gdansk et les centres industriels de Silésie s'accroissent au détriment des petites villes de l'Est qui périclitent. Les relations commerciales avec la Russie, la Biélorussie et l'Ukraine pourraient aider ces petites villes mais nous savons que ces dernières années le milieu politique n'y était pas favorable.

Toutefois, le sort en est jeté et le choix est fait. Bronisław Komorowski et la Plate-forme civique vont devoir prouver qu'ils peuvent diriger le pays dans l'intérêt de tous les Polonais. Ces intérêts incluent les bonnes relations avec la Russie et d'autres voisins de l'Est. Hormis quelques cas cliniques isolés, la société est prête à aider les libéraux dans cette tâche. Les médias polonais ont positivement réagi à la sortie, le jour des élections, sur la première chaîne nationale russe, du film montrant avec compassion la tragédie de Smolensk. Parmi les candidatures au poste du nouvel ambassadeur de Pologne à Moscou, hormis trois noms de diplomates de carrière, on cite également les noms des personnes les plus respectées dans le pays, telles que le réalisateur Krzysztof Zanussi. C’est un bon contraste par rapport au gouvernement des frères Kaczyński en 2005-2007, lorsque les relations étaient pratiquement gelées.
Le texte n'engage que la responsabilité de l'auteur.

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