Immigration : les autorités sont à la recherche d'une solution

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La déclaration du président Dmitri Medvedev lors de sa visite en Extrême Orient sur le caractère inacceptable de la situation actuelle de l'immigration en Russie est une constatation de faits très inquiétants.

La déclaration du président Dmitri Medvedev lors de sa visite en Extrême Orient sur le caractère inacceptable de la situation actuelle de l'immigration en Russie est une constatation de faits très inquiétants. Le président a fait remarquer que 4 millions d'immigrants travaillant illégalement est un chiffre bien trop important. Le président estime « qu'il faut créer des conditions pour les immigrés de sorte que les personnes soient prêtes à venir et que les règles soient suffisamment simples afin qu'il soit plus facile de les respecter que de les enfreindre ». Le président a également fait comprendre qu'il n'avait pas l'intention de recourir à des mesures d'interdiction, en faisant remarquer que les règles actuelles sont enfreintes en raison de l'impossibilité de leur application.

Mais ce sont les intentions des autorités fédérales. Que se passent-ils dans les hautes sphères, y compris dans les deux capitales russes? Ici on note plutôt une effervescence des activités sur l'élaboration de toutes les nouvelles règles, parfois très douteuses. Le public n'a pas encore repris ses esprits après le projet « le Code du Moscovite » annoncé par Mikhaïl Solomentsev, le président du comité chargé des liens interethniques, et voilà qu'Elena Babitch, la chef du parti libéral-démocratique de Russie  au conseil législatif de Saint-Pétersbourg propose une initiative identique avec le « Code du Pétersbourgeois ».

Le fond reste le même : interdiction de sacrifices religieux en public (il est principalement question de la coutume de l'égorgement des moutons à Kourban-Baïram), interdiction du port de la tenue traditionnelle en public etc. Récemment le maire de Moscou a approuvé le concept de politique gouvernementale dans le cadre des relations interethniques dans la capitale. Ce concept ne porte plus un caractère aussi offensif que le « Code du Moscovite » en se concentrant sur les valeurs et les intérêts communs. Il est question de l'enseignement de la langue russe aux immigrants et à leurs enfants, de l'ouverture d'établissements d'enseignement avec une composante ethnoculturelle, de la contribution à la conception des « produits d'information diffusant les symboles, les idées et les orientations communes ».

Notons que le langage du gouvernement pour parler de la question nationale est devenu politiquement correct, et c'est une bonne chose. Le politiquement correct est ridicule et absurde lorsqu'il est question de thèmes inoffensifs, tels que la surcharge pondérale ou la répartition des tâches au sein de la famille. Les relations ethniques sont un thème sensible et pour cette raison l'utilisation du politiquement correct avec ses « produits d'information, orientations et composantes ethnoculturelles » est mieux que le franc-parler paysan de M. Solomentsev ou de Mme Babitch.

Mais d'où viennent ces concepts, quelle est la raison de cette effervescence administrative? Et pourquoi les accents changent-ils aussi rapidement? De toute évidence, les autorités sont à la recherche d’une solution au problème d'immigration, dont ils ont perdu le contrôle depuis longtemps. Si le mécanisme de « filtration » d'immigrants fonctionnait, il n'y aurait aucun problème. En 2008 le quota pour les employés immigrés à Moscou a été réduit à 300 000 par rapport à 750 000 en 2007, et en 2010 ce chiffre a chuté jusqu'à 200 000. Récemment le maire Iouri Loujkov a déclaré que Moscou n'avait besoin que de 100 000 travailleurs immigrés.

Ainsi, si les souhaits des autorités se réalisaient, Moscou irait à grand pas vers la « ville russe » dont parle Mikhaïl Solomontsev dans son projet. Mais un simple coup d'œil dans la rue suffit pour être convaincu qu'il y a beaucoup plus d'immigrants dans le pays. Les défenseurs des droits de l'Homme annoncent 5-7 millions dont la majorité se trouve à Moscou. Cela expliquerait le ton irrité employé par M. Loujkov en parlant des immigrants.
Nous avons besoin de 100 000 travailleurs immigrés qui auraient la possibilité de travailler et de gagner leur vie, au lieu de voyager illégalement, a déclaré le maire dans son interview à la chaîne de télévision Rossia. Le taux de criminalité serait divisé par deux si nous arrivions à régulariser le problème des immigrants ».

En ce qui concerne la « contribution », apportée par les immigrants à la criminalité de la capitale, les avis sont partagés et les opposants à la mairie et aux forces de l'ordre ne se limitent pas au cercle des défenseurs des droits de l'Homme. Konstantin Romodanovsky, le chef du service d'immigration, lutte depuis longtemps contre le haut taux de la criminalité d'immigration. Au moment de la déclaration d'Iouri Loujkov à la télévision, Iouri Moskovsky, le secrétaire en chef du conseil de consultation publique près la direction du service d'immigration à Moscou, a déclaré que les étrangers et les personnes sans citoyenneté avaient commis en janvier 2010, 4 900 crimes, soit 2% de la totalité des crimes commis dans le pays. Par ailleurs, les étrangers et les personnes sans citoyenneté représentent 4% de la population russe. Il s'avère donc que l'immigré moyen est deux fois moins enclin à l'infraction des lois que le Russe moyen.

La situation de l'impact économique engendré par les immigrants en Russie est également ambiguë. « Nous n'avons pas besoin de mille roubles payés par les immigrés pour le droit de travailler hors de contrôle à Moscou! », s'exclame le maire qui était opposé à l'idée de délivrer des brevets de travail payants aux immigrés. Mille roubles pour le droit de travailler 90 jours (trois mois) n'est pas une somme considérable et la ville n'en dépend pas. Mais on ne sait pas si l'économie de Moscou ou de Saint-Pétersbourg pourra fonctionner sans la main-d'œuvre d'immigration bon marché.

Et même l'envoi de l'argent gagné en Russie à l'étranger n'est pas un processus aussi négatif que ce que pensent les populistes. Premièrement, étant faiblement défendus du point de vue juridique, les immigrés gagnent de l'argent en effectuant un travail très difficile, très peu rémunéré mais en même temps demandé dans notre pays. Deuxièmement, les transferts d'argent par les immigrés sont une goutte d’eau dans la mer par rapport aux flux financiers des spéculateurs boursiers officieux, transférant de l'argent en Russie ou en dehors. Selon les estimations d'Iouri Moskovsky, en 2009, les immigrés ont transféré entre 6 et 15 milliards de dollars en dehors du territoire russe. Cependant, l'afflux de capitaux pendant la crise a constitué près de 130 milliards de dollars. Troisièmement, les immigrants achètent des marchandises russes, aussi bien des aliments que des cadeaux pour leurs enfants, leurs femmes et de nombreuses choses déficitaires dans leurs pays. M. Moskovsky estime que les immigrants rapportent à la ville un profit de 7-8 roubles pour chaque rouble envoyé à l'étranger.

En un mot, la situation avec l'immigration est contradictoire et elle nécessite une politique mûrement réfléchie, des cadres puissants et des projets audacieux. Il n'existe aucune politique au niveau fédéral, les cadres soviétiques sont dispersés et en majeure partie perdus et les nouveaux n'ont pas été encore revendiqués. Le système soviétique d'enregistrement et de déplacement des personnes permettait de résoudre une série de problèmes : le choix sélectif d'immigrants (en règle générale les gens diplômés allaient à Moscou), l'enseignement de la langue russe dans le pays, et non pas en arrivant à Moscou etc.

Actuellement, dans les conditions d'un marché noir de main d'œuvre suffisamment développé au sein de la CEI et de l'effondrement de l'école soviétique dans les républiques musulmanes de l'ex-URSS, de nouveaux cadres et de nouvelles approches sont nécessaires. Les seules forces de l'ordre ne suffisent plus depuis longtemps pour résoudre ce problème, il faut trouver des spécialistes connaissant les langues de la CEI et possédant des compétences de communication interculturelle à l'exemple de ceux qui travaillent au département de la RFA chargé des étrangers ou de plusieurs départements d'intégration des minorités en France. Mais étrangement nous ne voulons pas profiter de cette expérience, par contre, nous tentons d'imiter la plus controversée des parties de la pratique occidentale : l'interdiction législative du port du voile dans les lieux publics mis en œuvre depuis des années par les parlements français et belges.

Voici donc l'origine du «Code du Moscovite» et d'autres documents litigieux. L'interdiction du voile en Russie pourrait conduire à des conséquences négatives : pour les musulmans russes et leurs confrères de foi d'autres anciennes républiques soviétiques le rejet des symboles religieux est inhabituel. Selon la tradition moscovite, la population de la capitale tente de se comporter en fonction du modèle « de la ville » et en suit les interdictions. Il serait préférable d'ouvrir quelques écoles avec une composante interethnique en dehors des 38 existantes. Il serait bénéfique de faire faire des stages aux forces de l'ordre afin d'apprendre la manière correcte de communication avec les immigrés et de diminuer la corruption.
Mais tout cela représente de l'argent, des efforts et du stress. Il est beaucoup plus simple d'interdire quelque chose ou de licencier quelqu'un.
Ce texte n'engage que la responsabilité de l'auteur.

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