Le Figaro
Un réseau d'espionnage russe démantelé aux Etats-Unis
Les autorités américaines ont annoncé lundi avoir arrêté dix personnes soupçonnées de travailler sur leur sol au profit de la Russie. Des arrestations que Moscou juge «infondées».
Messages codés, argent enterré… Tous les éléments d'un parfait roman d'espionnage sont réunis dans le coup de filet des autorités américaines annoncé lundi contre dix personnes accusées de travailler aux Etats-Unis pour le compte de la Russie. Ces dix suspects ont été arrêtés dimanche. Poursuivis pour espionnage et, pour neuf d'entre eux, pour blanchiment d'argent, ils risquent jusqu'à 25 ans de prison. Une autre personne a été arrêtée mardi à Chypre, dans le cadre de cette affaire.
Ce démantèlement intervient quelques jours seulement après une visite à Washington du président russe Dmitri Medvedev, pendant laquelle les deux pays ont assuré avoir tourné la page de la Guerre froide. Cinq des dix suspects ont comparu dès lundi à New York devant un juge fédéral qui a ordonné leur maintien en détention provisoire, arguant du «risque de fuite» des prévenus, sans toutefois les inculper formellement. Selon les deux plaintes déposées contre eux, les espions présumés «prétendent» être Américains, Canadiens ou Péruviens, mais leur nationalité réelle n'est pas explicitement indiquée. Le document de la police fédérale ne permet par ailleurs pas de comprendre l'importance des informations recueillies, apparemment depuis près de 30 ans, par ce réseau.
L'opération serait en tout cas l'aboutissement de près de dix ans d'enquête du FBI. Selon la police, il s'agissait de s'immerger dans la société afin d'«obtenir des informations» en «infiltrant les cercles politiques américains». Après avoir été entraînés par le SVR, le renseignement russe, «les agents secrets se voyaient remettre une fausse identité - appelée ‘légende'», raconte la police. «Les agents opéraient souvent par deux, de telle sorte qu'ils pouvaient se faire passer pour un couple marié (...) et avaient souvent des enfants afin d'approfondir la ‘légende'».
Avant de procéder au coup de filet, le FBI s'est introduit clandestinement dans les appartements occupés par ces «espions», à New York, Boston ou Seattle, pour prendre des photos ou copier des disque durs. Il les a suivis, surveillés, écoutés et lus et leur a même parlé sous couvert d'être des agents du gouvernement russe. Les enquêteurs ont découvert un important arsenal de moyens de communications, comme une technique de codage de données dans des photos ensuite diffusées sur des sites Internet anodins, ou des radios à ondes courtes pour contacter directement Moscou. Les agents secrets échangeaient également des sacs remplis d'argent dans des escaliers de gare, des parcs publics ou des cafés. Dans un cas, une partie de l'argent a été enterrée, pour être récupérée deux ans plus tard.
Malgré ces subterfuges, les résultats décrits par le FBI sont restés peu concluants en terme d'informations recueillies. A la lecture de la plainte concernant quelques uns de ces «espions» présumés, la «mission» qui leur était confiée et qui consistait à infiltrer des cercles proches du gouvernement américain n'était d'ailleurs pas vraiment à leur portée.
Les arrestations d'espions russes présumés aux Etats-Unis sont «infondées» et «mal intentionnées» et renvoient à l'époque de la Guerre froide, a déclaré mardi le ministère russe des Affaires étrangères dans un communiqué. «En tous cas, il est fort déplorable que tout cela ait lieu dans le contexte de la 'relance' des relations russo-américaines, annoncées par l'administration des Etats-Unis elle-même», juge encore le ministère russe.
Une nouvelle audience pour entendre les demandes de remise en liberté sous caution des autres prévenus a été fixée à jeudi. Et une audience préliminaire en vue de leur inculpation formelle a été annoncée pour le 27 juillet.
Le Monde
La réconciliation entre Pologne et Russie est un gage de paix pour l'Europe
Lorsque nous avons appris, le 10 avril au matin, l'horrible nouvelle de l'accident de l'avion militaire polonais transportant le président Lech Kaczynski, entouré de ses collaborateurs les plus proches, nous nous sommes dit : Katyn, lieu de massacre des officiers polonais, où le président se rendait, est un lieu maudit. Il a empoisonné les relations entre la Pologne et la Russie pendant soixante-dix ans et il frappe à nouveau !
Et pourtant, c'est le contraire qui s'est produit. Le deuil partagé par nos deux peuples et la compassion sincère manifestée par des amis russes - du président au simple garde -, ont ouvert devant nous le chemin d'un rapprochement. Sa portée est historique. Que dire de mieux que de citer les paroles du président du Conseil de la Fédération, le Sénat de la Russie, Sergueï Mironov : "Katyn est notre douleur commune et notre tragédie commune."
Bien évidemment, l'accident survenu à Smolensk n'a pas provoqué ce rapprochement, mais il a été le catalyseur puissant d'un projet politique que nos deux gouvernements avaient décidé de poursuivre depuis plus d'un an. Les signes en sont nombreux : la présence de Vladimir Poutine le 1er septembre 2009 à Westerplatte, dans la banlieue de Gdansk, où la seconde guerre mondiale éclata ; les premiers ministres Donald Tusk et Vladimir Poutine agenouillés ensemble à Katyn dans un hommage conjoint aux victimes du massacre ; leur recueillement, trois jours après, devant les débris de l'avion présidentiel, se serrant dans les bras l'un de l'autre ; la présence remarquée du président Dmitri Medvedev aux obsèques de Lech Kaczynski et de son épouse à Cracovie.
Mais aussi l'invitation, peu remarquée par les médias français, faite à l'armée polonaise de défiler, le 9 mai, sur la place Rouge, aux cotés des Américains, Britanniques et Français. Pourtant ce geste majeur rendait la juste place à la contribution des Polonais dans la libération de l'Europe, quelquefois oubliée, mais aussi était la première présence des soldats polonais venant d'un pays membre de l'OTAN. Ou encore le message émouvant de Jaroslaw Kaczynski, frère du président défunt, remerciant les amis russes pour chaque larme versée. Sans oublier la prière du cardinal archevêque de Cracovie lors des obsèques, en faveur "du rapprochement et de la réconciliation de nos deux peuples slaves", et celle du patriarche Cyrille, sur les sites de Katyn et de Smolensk, empruntant les mêmes termes.
"Nous pardonnons"
Ce rapprochement dépasse le cadre de la politique. Il aborde le domaine encore plus difficile du dialogue entre le catholicisme et l'orthodoxie, souhaité par Jean Paul II. Mais cela n'a rien d'étonnant : déjà, la réconciliation entre l'Allemagne et la Pologne a commencé par l'échange des lettres entre les évêques écrivant : "Nous pardonnons et demandons pardon !"
Nous sommes en train de réaliser la réconciliation polono-russe, un de ces grands projets politiques qui ont fait progresser l'Europe. Ce processus ne sera ni simple ni rapide. Il peut rencontrer des obstacles, se heurter à la méfiance. Mais nous avons conscience d'une opportunité historique à ne pas manquer. Comme a dit Donald Tusk à Katyn : "Un mot de la vérité peut emporter deux grands peuples, si divisés par l'histoire. Deux peuples qui cherchent aujourd'hui le chemin le plus direct et le plus court vers la réconciliation."
Il est vrai que l'Europe pacifiée favorise la compréhension entre divers peuples que l'histoire opposait. Le rapprochement entre la Russie et la Pologne nous semble bien dépasser un simple fait bilatéral. Son potentiel européen suggéra à nos dirigeants d'inspirer notre réconciliation par l'expérience de la réconciliation franco-allemande. Fondé sur la vérité et le respect mutuel, sur les valeurs et les intérêts communs, sur la coopération et le voisinage, il a de fortes chances de contribuer au lancement d'un nouveau partenariat entre l'Union européenne et la Russie, à la vision commune de notre continent pour le siècle de la globalisation.
La Pologne, la France et l'Allemagne qui forment depuis vingt ans le triangle de Weimar, la plate-forme trilatérale de la réflexion et de l'action européennes, viennent d'organiser à Paris la première réunion de leurs ministres des affaires étrangères avec leur collègue russe. Cette formule est sûrement portée à mieux assister la réconciliation russo-polonaise et à l'utiliser pour les projets européens conjoints. Chacun de ces trois peuples possède, en effet, une expérience différente de ses relations avec la Russie. Ensemble, ils peuvent créer une vision commune et proposer les modalités de notre partenariat. Il y a tant de choses que nous pouvons faire ensemble pour rapprocher nos peuples, pour bâtir la confiance, pour une meilleure communication, pour moderniser nos pays et nos économies. C'est un vaste programme et la nouvelle coopération entre la Pologne et la Russie y portera sa contribution. (…)
Le Quotidien de la Réunion et de l'océan Indien
La tentation démocratique qui inquiète Moscou
Le Kirghizstan, en s’apprêtant à devenir le premier régime parlementaire d’Asie centrale, a contrarié la Russie qui fait peu de cas du pluralisme démocratique à l’occidentale, préférant voir chez ses partenaires un système dominé par un leader fort et prévisible. C’est le président russe Dmitri Medvedev lui-même qui s’est chargé de dénoncer la nouvelle Constitution kirghize, adoptée dimanche par référendum, alors que le sud de ce petit pays d’Asie centrale sortait tout juste d’une vague meurtrière de violences ethniques.
« J’ai du mal à imaginer comment un modèle de république parlementaire pourrait fonctionner au Kirghizstan, ne provoquerait pas une série de problèmes et n’encouragerait pas l’arrivée au pouvoir de forces extrémistes », a jugé M. Medvedev lors d’un sommet du G20 au Canada.
Le locataire du Kremlin a aussi estimé qu’un tel régime ne ferait que compliquer la tâche de Bichkek qui « est confronté à plusieurs défis, notamment le risque d’éclatement du pays ».
Cette sortie a immédiatement provoqué la colère de dirigeants kirghiz, à l’instar d’Omourbek Tekebaïev qui ambitionne de prendre la présidence du Parlement après les législatives prévues à l’automne.
L’idée d’une démocratie parlementaire au Kirghizstan, bien que louable sur le papier, laisse cependant dubitatifs de nombreux analystes qui notent qu’un tel régime, pour survivre, devra dépasser la multitude de divisions ethniques, claniques, économiques et politiques qui caractérisent ce pays.
« Tout le monde réalise bien que la république parlementaire kirghize est quelque chose qui pourrait être risqué et éphémère », note Alexeï Grozine de l’Institut des pays de la CEI, basé à Moscou.
« Les voisins du Kirghizstan, la Chine, la Russie et les Etats-Unis ont peur qu’une république parlementaire aboutisse à la fin de l’Etat kirghiz », poursuit-il, notant que les autres pays d’Asie centrale ont assuré leur stabilité par des pouvoirs autoritaires, voire totalitaires. Mais, à l’inverse, certains relèvent que les systèmes présidentialistes des présidents kirghiz Askar Akaïev et Kourmanbek Bakiev ont été renversés par deux soulèvements consécutifs, en mars 2005 et avril 2010, le dernier ayant fait 87 morts.
Au Kirghizstan, certains responsables penchent pour la solution de l’autoritarisme, du moins le temps de rétablir l’ordre dans ce pays ruiné par la corruption, le népotisme, deux soulèvements violents et des affrontements interethniques.
Miroslav Niazov, l’ancien patron du Conseil de sécurité kirghiz, milite ainsi pour l’avènement d’un « leader de la nation » qui aura les mains libres pour stabiliser le pays.
« En ce qui concerne le référendum, le gouvernement provisoire croit que c’est sa bouée de sauvetage. Ce sont des sottises, rien d’autre que des sottises », martèle-t-il.