Elvira Nabioullina, ministre du Développement Economique de Russie, a marqué l'ouverture du Forum économique international de Saint-Pétersbourg en déclarant que le forum se déroulait sous la devise « les bases du futur » et que les participants avaient pour but de trouver les « ressources principales de la future croissance » et de comprendre les facteurs et les secteurs qui redresseraient l’économie post-crise. Cependant, en écoutant attentivement certaines déclarations, il n’est pas difficile de comprendre à quel point les paroles des fonctionnaires internationaux concernant le changement du schéma de l’économie mondiale divergent des actions mises en œuvre.
Ils n’ont pas changé. Ils n’ont rien appris
Les historiens militaires ont un proverbe : « Les généraux se préparent toujours à la guerre précédente ». Les bureaucrates internationaux et les économistes ne sont pas encore prêts à tirer des leçons de la dernière crise économique. Bien que… « Nous avons changé ». Telle était la devise de la dernière session du forum, ainsi que le leitmotiv de l’intervention du président russe. « Le monde que nous voyons aujourd’hui n’a rien à voir avec le monde d’il y a 5 ans ou même d’il y a un an. Les marchés de surchauffe qui créaient l’illusion de la croissance se sont effondrés, a déclaré Dmitri Medvedev. Nous ne pourrons plus retourner en arrière vers l’ancien ordre et les anciens modèles de développement ». A première vue, tout correspond à la déclaration du président : le protectionnisme vient remplacer le libéralisme dans le commerce international, la cote élevée ne garantie plus la fiabilité des investissements, la flexibilité et la capacité d’adaptation ont plus de valeur que la stabilité et la prévisibilité.
Mais pourquoi, tout en parlant de la nécessité des réformes, les pays développés et les sociétés multinationales font tout pour recréer une situation en tous points identique à celle d’avant la crise? Selon les experts indépendants, et les chefs d’État les plus courageux, les causes de la crise économique sont dues à l’effondrement de l’économie spéculative. Mais au même moment, des centaines de milliards de dollars et d’euros alloués par les gouvernements pour la lutte contre la crise, servent à créer de nouvelles surchauffes sur les marchés des matières premières et sur les marchés boursiers.
Dmitri Medvedev a rappelé, à ce propos, que le redémarrage de la croissance économique de la Russie dans les deux derniers trimestres de l’année dernière résultait de ce genre de surchauffe. Et alors que les prix des matières premières et des titres augmentent, la demande des consommateurs reste à un niveau assez bas. Les investisseurs particuliers ne sont pas pressés d’investir leur capital dans les fonds de base des entreprises.
Guérison ou rémission
Cela pourrait être la raison pour laquelle les arguments optimistes des orateurs à la recherche des moteurs de la future croissance s’accompagnaient de la crainte de nouvelles attaques de fièvre économique. Ce n’est pas un hasard si E. Nabioullina a resitué, parmi les tâches principales du forum, la recherche de nouveaux risques pour l’économie mondiale. On a parfois l’impression que les hommes politiques comprennent un fait important tout en ayant peur de l’avouer: la crise n’est pas vaincue, elle a seulement atteint un stade latent et une nouvelle attaque pourrait avoir lieu n’importe où et n’importe quand. Les Etats-Unis, l’Europe… à qui le tour? Probablement à la Chine. En pleine crise, la Chine a montré un exemple de stabilité avec une croissance économique de 8.7% en 2009. Or, la semaine dernière, Li Daokui, membre du Conseil de la politique monétaire de la Banque centrale de Chine, dans une interview au journal anglais The Financial Times, a déclaré que l’économie chinoise courait le risque d’une surchauffe car les problèmes sur le marché immobilier chinois étaient plus graves qu’aux Etats-Unis la veille de la crise.
C’est sans doute pourquoi les experts estiment qu’il est temps de rejeter les « fantômes » et, avant tout, la fétichisation de la notion de la « croissance économique », en accordant plus d’attention à la qualité de cette croissance. C’est alors que la hausse du PIB, suite à l’augmentation spéculative des prix de l’énergie et grâce à l’initiation expansive de la main d’œuvre bon marché, ne sera plus considérée comme un miracle économique.
Cependant, la tendance vers un changement radical des économies et leur transition vers « une économie de créativité et d’impressions », ce dont parlait E. Nabioullina, est également à double tranchant. D’une part, la nouvelle économie est celle où les fortunes se font le plus rapidement. D’autre part, l’économie de ce qu’on appelle la société postindustrielle, en tout cas au stade actuel, pourrait s’avérer être l’un des « fantômes ». La foi des Etats-Unis dans le triomphe de l’économie postindustrielle, leur a valu un déficit redoublé de leur commerce extérieur. Car à l’heure actuelle, le travail d’un ingénieur qui fait des recherches, par exemple dans le domaine des technologies télévisuelles est, tout de même, moins récompensé que la production des télévisions elles-mêmes.
Il faut se tourner vers les faibles
Pendant son intervention au forum, Dmitri Medvedev ne pouvait passer à côté de la création du centre financier international à Moscou, un thème populaire parmi l’élite russe. Mais à vrai dire, on ne comprend pas très bien pour quels joueurs de l’économie mondiale la Russie voudrait devenir un centre d’attraction. Pour l’instant, la Russie pourrait le devenir pour les pays pauvres de l’ex-URSS, en d’autres termes, en exporter les nombreux problèmes et les risques.
Le fait que la capitale russe soit en fait le seul carrefour du pays de nombreux flux logistiques et financiers, ne réjouit que les bénéficiaires des entreprises concernées. Cqr cela signifie que les infrastructures financières et logistiques de la plupart des villes sont si faiblement développées qu’elles sont dans l’incapacité, sans passer par l’intermédiaire de la capitale, de cumuler des flux commerciaux et financiers. Et tant qu’une infrastructure nécessaire ne sera pas créer à l’échelle nationale, les rêves d’un boum d’investissements ne deviendront pas réalité, or c’est le souci principal du gouvernement.
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